Introduction
En 1830, le ministre de l'intérieur François Guizot crée le poste d'inspecteur général des monuments
historiques, qu'il confie à Ludovic Vitet puis, en 1834 à l'écrivain Prosper Mérimée. La première liste de
monuments «classés» est publiée en 1840. D'autres suivront en 1862 puis en 1875. On compte aujourd'hui
en France environ 42 000 immeubles protégés dont 13 400 classés et 28 600 inscrits.
La protection au titre des monuments historiques constitue une servitude pérenne qui suit l'immeuble en
quelques mains qu'il passe. Elle comporte un certain nombre d'avantages et de contraintes présentés
dans ce document.
Les critères retenus pour de telles protections ont évolué en même temps que s'élargissait la notion de patrimoine. Les plus souvent retenus sont la qualité architecturale ou artistique, la représentativité par rapport à un corpus ou à un type, la rareté, l'exemplarité, l'authenticité etc... La protection peut concerner des immeubles de toutes époques, y compris récentes, et de tous types : architecture religieuse, militaire, rurale, industrielle, commerciale, paysagère etc...
Ce guide a pour but d'informer les propriétaires publics ou privés d'immeubles souhaitant en demander la protection au titre des monuments historiques sur les procédures à suivre, sur les conséquences résultant de telles mesures, et sur
les personnes ou services à contacter.
.
1 - La demande de protection
et la constitution du dossier
Le code du patrimoine prévoit deux niveaux de protection au titre des monuments historiques :
La procédure de protection est initiée et instruite par les services de l'État (direction régionale des affaires culturelles), soit à la demande de « toute personne y ayant intérêt » (propriétaire de l'immeuble, collectivité locale, association, etc.) soit à l'initiative de l'administration, au terme d'un recensement systématique (zone géographique, typologie ou thématique particulière) ou encore lorsque le bâtiment est en danger.
La constitution du dossier :
Le dossier de protection est habituellement constitué par le documentaliste recenseur de la conservation régionale des monuments historiques. Il comprend un volet administratif (situation au regard de l'urbanisme, situation de propriété, données cadastrales....) et une partie documentaire donnant des renseignements détaillés sur l'immeuble (historique, descriptif) et comprenant tous documents indispensables à l'identification et à l'évaluation de l'intérêt de l'immeuble (photographies, plans,
croquis, bibliographie, extraits d'articles, documents d'archives ...).
Les personnes publiques ou privées sollicitant la protection sont invitées à fournir un dossier préliminaire
comportant les éléments documentaires en leur possession sur l'immeuble concerné et justifiant la demande.
Les services de la DRAC en charge de l'instruction de la demande effectuent, sous réserve de l'accord du
propriétaire, une visite complète de l'édifice, et prennent les photographies nécessaires à la constitution du
dossier. Ils procèdent aux recherches de bibliographie et d'archives nécessaires à l'étude du monument.
Chacune des demandes fait l'objet d'avis réglementaires : celui de l'architecte en chef des monuments
historiques, de l'architecte des bâtiments de France, du conservateur régional des monuments historiques
(ou du conservateur régional de l'archéologie s'il s'agit d'un gisement archéologique) et du chef du service
régional de l'inventaire général du patrimoine culturel.
2 - L'examen par les commissions compétentes
et la décision de protection
Dans un premier temps, les demandes de protection au titre des monuments historiques sont soumises pour avis devant la délégation permanente de la commission régionale du patrimoine et des sites (CRPS). Cette dernière peut émettre un avis défavorable au nom de la CRPS et la procédure d'examen de la protection est interrompue ou se prononcer pour la poursuite de cet examen et la présentation du dossier complet devant la CRPS réunie en séance plénière.
Ainsi, le dossier doit ensuite être soumis à la CRPS instituée par l'article L.612-1 et par les articles R.612-1 à R.612-9 du code du patrimoine. Elle est présidée par le Préfet de région et comprend 32 membres.
Elle rassemble des représentants de l'administration, des élus locaux, des représentants d'associations et des personnalités qualifiées dans le domaine du patrimoine (professionnels et historiens d'art). Le maire de la commune portant l'édifice examiné est toujours invité à cette occasion, ce qui n'est pas le cas du pétitionnaire ou du propriétaire de l'immeuble. Le rapporteur du dossier est habituellement le documentaliste recenseur de la DRAC.
La CRPS se réunit sur convocation de son président et émet un avis sur les propositions de protection qui lui sont soumises. Le Préfet de région peut alors, au regard de cet avis, décider de l'inscription de l'immeuble et définir l'extension du périmètre à protéger. De plus, la CRPS peut proposer l'examen de ce dossier par la commission nationale des monuments historiques (CNMH) en vu de son classement au titre des monuments historiques.
L'inscription au titre des monuments historiques
Si l'avis de la CRPS est favorable à l'inscription de l'immeuble au titre des monuments historiques, et faisant suite à l'approbation du procès-verbal, l'arrêté préparé par les services de la DRAC est proposé à la signature du Préfet de région.
Le classement au titre des monuments historiques
Si la CRPS propose le classement de l'immeuble au titre des monuments historiques, les services de la DRAC transmet le dossier au ministre chargé de la culture qui le soumet à la Commission nationale des monuments historiques. Le rapporteur du dossier devant la CNMH est le documentaliste recenseur de la DRAC, complété par l'avis de son service. De plus, l'avis de l'inspecteur général des monuments historiques est requis ainsi que l'accord du propriétaire de l'immeuble. L'arrêté d'inscription peut être pris entre temps. L'arrêté de classement est signé par le ministre.
La protection mixte
Il peut arriver qu'une partie seulement de l'immeuble soit classé, tandis qu'il était inscrit en totalité. Dans ce cas, on parle de protection mixte. L'édifice est alors protégé par deux arrêtés, l'un d'inscription, l'autre de classement, ou par un nouvel arrêté de protection mixte qui se substitue alors à un éventuel arrêté d'inscription antérieur.
Peut-on refuser la protection quand on est propriétaire?
Le propriétaire et le maire de la commune sont obligatoirement informés de la procédure de protection en cours. Toutefois, la décision d'inscription peut être prise sans leurs consentements. À l'inverse, le classement doit recueillir l'accord formel du ou des propriétaires. En cas de refus de ce(s) dernier(s), le ministre chargé de la culture peut engager la procédure de classement d'office. Dans ce cas, et après avis de la Commission nationale, le classement peut être prononcé par décret en Conseil d'État.
L'instance de classement
Dans le cas où un immeuble est menacé de disparition ou d'altération imminente, le ministre chargé de la culture peut prendre une décision d'instance de classement (article. L.621-7 du code du patrimoine). Dès que le propriétaire en a reçu notification, tous les effets du classement s'appliquent à l'immeuble considéré pendant un an, délai pendant lequel l'administration peut mettre en oeuvre la procédure normale de protection.
3 – La notification et la publication
La protection au titre des monuments historiques (classement ou inscription) constitue une servitude qui suit l'immeuble en quelques mains qu'il passe. Pour être opposable au propriétaire, la décision doit, dans un premier temps, lui être notifiée. Elle est également notifiée aux administrations intéressées (mairie, préfecture...).
L'arrêté d'inscription est publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de région.
Cette formalité est nécessaires pour rendre l'acte de protection opposable aux tiers. La liste des arrêtés de classement et d'inscription de l'année est par ailleurs publiée au Journal officiel de la République Française.
Les arrêtés de classement et les arrêtés d'inscription font également l'objet d'une publication au Livre Foncier de la situation de l'immeuble protégé, afin de garantir l'information de futurs propriétaires concernant la servitude attachée au monument.
4 - Les conséquences de la protection
au titre des monuments historiques
Les obligations du propriétaire :
Tout transfert de propriété intéressant un immeuble protégé doit être signalé par le notaire à l'autorité compétente (DRAC).
Immeubles inscrits :
L'inscription entraîne pour les propriétaires «l'obligation de ne procéder à aucune modification del'immeuble ou partie de l'immeuble inscrit sans avoir, quatre mois auparavant, avisé le préfet de région de leur
intention et indiqué les travaux qu'ils se proposent d'effectuer» (a rticle L.621-27 du code du
patrimoine). Le préfet de région ne peut s'opposer à ces travaux qu'en engageant la procédure de
classement au titre des monuments historiques de l'immeuble.
Toutefois, lorsque les travaux sont soumis à permis de construire, à permis de démolir, à permis
d'aménager ou à déclaration préalable au titre du code de l'urbanisme, le permis ne peut être accordé
qu'après accord du préfet de région.
Immeubles classés :
"L'immeuble classé ne peut être détruit ou déplacé, même en partie, ni être l'objet d'un travail de
restauration, de réparation ou de modification quelconque, sans autorisation de l'autorité administrative »
(article L.621-9 du code du patrimoine).
Les travaux affectant un immeuble classé doivent faire l'objet d'une demande d'autorisation déposée
auprès du service territorial de l'architecture et du patrimoine de l'immeuble de situation.
L'immeuble classé ne peut s'acquérir par prescription. On ne peut lui appliquer de servitudes légales
pouvant lui causer des dégradations, c'est à dire essentiellement les servitudes d'urbanisme
(alignement). Il ne peut être exproprié sans que le ministre chargé de la culture ait été consulté.
En cas de péril pour la conservation d'un immeuble classé, «l'autorité administrative peut, après avis de
la Commission nationale des monuments historiques, mettre en demeure le propriétaire de procéder aux
travaux (article L.621-12 du code du patrimoine) puis, en l'absence de réponse, exécuter d'office les
travaux, ou poursuivre l'expropriation de l'immeuble au nom de l'État » (article L.621-13 du code du
patrimoine).
Les travaux de restauration
Les travaux d'entretien, de réparation et de restauration peuvent bénéficier d'une participation financière
de l'État qui n'exclut pas les aides que d'autres collectivités peuvent consentir au maître d'ouvrage.
Ils sont effectués sous le contrôle scientifique et technique de l'administration (DRAC). Les travaux
autorisés sur un immeuble inscrit sont réalisés par le propriétaire avec le concours de l'architecte et
des entreprises de son choix. Ceux qui contribuent à la conservation de l'édifice peuvent bénéficier
d'une participation financière de l'État.
Les travaux autorisés sur un immeuble classé sont exécutés par le propriétaire. L'architecte est choisi
par ce dernier dans le cadre prévu aux articles R.621-25 et suivants du code du patrimoine.
Le montant de la participation éventuelle de l'État est déterminé en tenant compte de l'urgence des
travaux, de l'ouverture du monument au public, des moyens budgétaires dont dispose l'État .
5 - Les abords
Est considéré, pour l'application du présent titre, comme étant situé dans le champ de visibilité d'un
immeuble classé ou inscrit tout autre immeuble, nu ou bâti, visible du premier ou visible en même temps que
lui et situé dans un périmètre de 500 mètres » (article L..621-30-1 du code du patrimoine).
En accord avec l'architecte des bâtiments de France, ce périmètre peut être adapté lors de l'instruction du dossier de protection :
Il peut également faire l'objet d'une modification ultérieure :
Toute construction, restauration, destruction projetée dans ce champ de visibilité doit obtenir l'accord préalable de l'architecte des bâtiments de France (avis conforme) qui peut assortir son avis de prescriptions architecturales.
Cette disposition n'interdit pas toute transformation du bâti ni toute construction nouvelle, mais elle les soumet au respect d'un certain nombre de règles en matière d'urbanisme, de volumétrie, d'aspect extérieur et de qualité des matériaux.
En cas de désaccord avec l'avis conforme de l'architecte des bâtiments de France, le maire ou le demandeur peuvent exercer un droit de recours auprès du préfet de région, lequel
prend, après avis de la CRPS (articel L.621-31 du code du patrimoine) une décision qui confirme l'avis de l'ABF
ou s'y substitue.
La possibilité est également offerte aux communes de substituer aux périmètres fixes de protection une aire de
mise en valeur de l'architecture et du patrimoine (AVAP) qui, par une procédure concertée associant étroitement
la commune et l'État, permet de définir un zonage plus pertinent et un règlement de référence auquel l'avis de l'architecte des bâtiments de France peut se référer.
La création d'une AVAP est à l'initiative de la commune. Le projet de périmètre et le règlement font l'objet d'un
examen et d'un avis de la CRPS Après accord du préfet de région, l'AVAP est créée par un arrêté municipal.
6 - Le régime fiscal du propriétaire
La part du coût des travaux restant à la charge du propriétaire sur un immeuble classé ou inscrit au titre des monuments historiques est déductible à 100 % du revenu imposable lorsque le monument est ouvert au public. Lorsque le monument est fermé à la visite, la déduction du revenu imposable s'élèvera à 100 % de la part restant à la charge du propriétaire si les travaux sont subventionnés par l'État, à 50 % dans le cas contraire.
Les autres frais (frais de gérance, rémunération des gardiens, dépenses d'entretien, d'amélioration, intérêts d'emprunts contractés pour la conservation du monument, à l'exclusion des frais engagés pour des travaux d'agrandissement ou de (re)construction) sont déductibles à 100 % si le monument est ouvert à la visite, à 50 % dans le cas contraire.
Un monument est considéré comme ouvert à la visite dès qu'il accueille le public soit 50 jours par an, dont 25 jours non ouvrables, au cours des mois d'avril à septembre inclus, soit 40 jours durant les mois de juillet, août et septembre.
Les sommes encaissées à titre de droit d'entrée ou de vente de produits commerciaux annexes sont exonérées
de TVA mais le propriétaire peut renoncer à cet avantage, afin de bénéficier d'une exonération de cet impôt sur
le coût des travaux sur les parties de son monument accessibles au public. La loi de finances pour 2009 impose
par ailleurs au propriétaire, pour accéder à ce régime fiscal, de conserver la propriété de l'immeuble concerné
pendant une durée minimale de 15 ans à compter de son acquisition. De plus, les immeubles détenus par une
société civile immobilière non soumise à l'impôt sur les sociétés et ne présentant pas de caractère familial, et les immeubles en copropriété ne peuvent bénéficier de ce régime que sur agrément du ministère chargé du budget,
après avis du ministère chargé de la culture, délivré lorsque l'intérêt patrimonial du monument et l'importance
des charges relatives à son entretien justifient ce type d'organisation.
Une exonération des droits de mutation à titre gratuit en faveur des propriétaires d'immeubles classés ou inscrits au titre des monuments historiques a été instituée par la loi du 5 janvier 1988. Ce dispositif permet l'exonération des droits de succession ou de donation, moyennant la passation d'une convention entre le propriétaire et l'État, prévoyant notamment les conditions d'ouverture au public du monument, le maintien sur place et la présentation aux visiteurs des objets mobiliers ou immeubles par destination dont la liste est annexée à la convention.
Les sommes affectées par des mécènes à la conservation ou à la restauration de monuments historiques peuvent également bénéficier de déductions fiscales dans le cadre de la loi n°2003-709 du 1er août 2003 sur le mécénat.
7. Adresses utiles
Services
Sites internet:
Réglementation :