Erstein - Exposition DNA 21 février 20016
Les Yéniches,
une culture disparue...
La médiathèque accueille la nouvelle exposition de l’association Le Vieil Erstein : Yéniche, une culture disparue. Outils, photographies du Dr Pierre Schmidt, reconstitution d’un campement et animations évoqueront la vie de cette communauté dont les pratiques ont durablement marqué le secteur.
« Je m’en souviens comme si c’était hier, confie Guy Hansen, vice-président de l’association
Le Vieil Erstein. Lorsque le rémouleur arrivait, il criait “Scharessschlifferrrrrrrrrr”. Nous, les
enfants, ça nous glaçait le sang ! On filait. On avait peur… Ensuite, il prenait un couteau
émoussé et le faisait siffler sur la meule », ajoute Jean-Louis Krauss, président.
Hardiers, rétameurs (Kesselflieker), réparateurs de parapluie (Schirmflieker), journaliers,
vanniers… Autant de métiers qu’exerçaient les Yéniches jusqu’à la Seconde Guerre mondiale.
Tous seront présentés à travers images et outillage dès mardi, à la médiathèque d’Erstein.
L’histoire, la langue et les pratiques de ce peuple nomade, fortement implanté dans la cité
sucrière et le Ried jusque dans les années 80, serviront d’antichambre à cette exposition
inédite. Le rapport à la nature sera lui aussi évoqué dans une scénographie particulièrement
soignée.
Ils observaient les oiseaux : la présence de nids signifiait que le coin était tranquille .
Planches botaniques, mais aussi noisetiers, roseaux et autres plantes en pots serviront de
cadre à l’évocation de ce lien ténu. « Les Yéniches s’installaient généralement non loin d’un
cours d’eau et à proximité d’un calvaire, confie Guy Hansen. Ils observaient les oiseaux : la
présence de nids signifiait que le coin était tranquille. » En hiver, « ils cueillaient du gui et des branches de sapin qu’ils vendaient. En février-mars, c’était les bouquets de chatons et en mai
le muguet… Ils livraient également les pharmacies en plantes médicinales» .Escargots,
cuisses de grenouilles, mûres, fraises, églantines et noisettes faisaient aussi l’objet de
commerce.
Et chacun suivait un itinéraire bien particulier. « Ils se concertaient lorsqu’ils se croisaient sur
la route avec leurs charrettes, explique le secrétaire et webmaster de l’association, Jean-Louis Eschbach. Histoire d’éviter de s’installer dans un village où le même service que le leur venait
tout juste d’être proposé. Ils se rendaient parfois jusque dans le piémont pour tenter d’écouler
auprès des viticulteurs paniers et hottes. »
Ce passé s’avère profondément ancré dans la mémoire collective ersteinoise. Certains
l’évoquent même avec un brin de nostalgie. « Il y a ici une culture liée à la présence des
Yéniches, explique Guy Hansen. Cette imprégnation se constate notamment lorsque l’on
discute avec les anciens. Ils glissent volontiers dans leur dialecte des mots à consonance
yéniche. » Et quoi de plus difficile que de retracer l’histoire d’une communauté nomade à la
culture essentiellement orale ! « Pas évident effectivement de trouver quelque chose de fixe,
poursuit le vice-président.
Pour bâtir l’exposition, nous nous sommes appuyés sur les écrits de Rémy Welschinger,
Vanniers, (Yéniches) d’Alsace, nomades blonds du Ried, sur le stammtisch que nous avons
organisé en novembre dernier et sur les clichés du docteur Pierre Schmidt. »
Un fonds d’une importance capitale ! Puisqu’il est l’un des rares à livrer des images de la vie quotidienne et de l’intimité de ces hommes et ces femmes, qui ont été prises dans les années 80.
« La fille du docteur, qui nous les a transmises, nous confiait que ce que son père appréciait particulièrement chez eux, c’était leur liberté, explique Jean-Louis Eschbach. C’est parce qu’il
la respectait qu’il a pu les côtoyer. Qu’il a pu tisser un lien de confiance. Et il les soignait
gratuitement. »
Au menu : poissons d’eau douce, ragoût de hérisson, soupe d’orties ou de houblon sauvage
Car ces gens vivaient de rien. « Dans leurs fameuses charrettes, il n’y avait que quelques
biens. Quelques vêtements. Ils se débrouillaient avec ce qu’ils trouvaient. »
Un état d’esprit que les experts en histoire locale ont appliqué à la reconstitution du campement qui compose l’exposition. Une vieille bâche soutenue par des branches de noisetier. Un ancien poêle. Quelques planches pour le lit. Et le tour est joué ! La musique (voir encadré) et les pratiques culinaires n’ont pas été oubliées.
Parmi les mets les plus courants : le ragoût de hérisson, la soupe d’orties ou de houblon sauvage. Quelques batraciens et des poissons d’eau douce. « De la poule et du lapin ramassés à gauche à droite, chez des agriculteurs ou des particuliers », ajoute Guy Hansen.
L’exposition abordera aussi le pourquoi de la disparition de cette communauté. « Elle est liée à trois facteurs : l’avènement du tout jetable, la création des déchetteries et la multiplication des vide-greniers qui ont réduit les matières premières qui étaient pour eux source de ressources. »
Et pour plonger un peu plus au coeur de cette communauté. Pour comprendre son évolution en France, et a fortiori en Alsace, mais aussi dans les pays limitrophes et combattre les a priori, Rémy Welschinger, à la tête des établissements médicaux-sociaux du Ried, titulaire d’une thèse de doctorat en anthropologie sociale, spécialiste des Yéniches, animera une conférence tout public fin février, à la médiathèque. Une autre sera réservée aux collégiens de l’établissement ersteinois. Ces derniers auront aussi le privilège d’assister à une démonstration de vannerie par la Maison de la nature et du Ried de Muttersholtz. R
Des musiciens hors pair
À Erstein, dans l’immédiat après-guerre, il y avait Philippine. « Elle avait épousé un agriculteur et avait des origines yéniches, confie Jean-Louis Krauss, président de l’association Le Vieil Erstein.
Avec les frères Friess, elle animait des soirées dans les bistrots. Elle dansait et chantait sur les tables. C’est eux qui ont redonné un air de fête à la cité sucrière. Qui ont recréé du lien social. » À leur actif également, l’animation des mariages, baptêmes et autres fêtes de famille sans oublier le carnaval.
Leur instrument de prédilection : l’accordéon. Leur spécialité ? Le yodel. Parmi les musiciens
célèbres membres de la communauté yéniche : Stéphane Eicher, de par son père, Frans
Bauer, chanteur néerlandais ou encore Paul Kolleger, à l’origine de la musique folklorique
suisse. Lors de l’inauguration de l’exposition Yéniche, une culture disparue à la médiathèque d’Erstein, mardi 23 février à 15 h, Joseph Offenstein, virtuose ersteinois, reprendra ces airs
célèbres. D’autres animations musicales devraient être programmées le temps de l’exposition.
Du mardi 23 février au samedi 19 mars. Exposition Yéniche, une culture disparue. par
l’association Le vieil Erstein.
Vendredi 26 février. Histoire yéniche, conférence animée par Rémy Welschinger, de 16 h à 18 h, à la médiathèque d’Erstein. Entrée libre.
Valérie Wackenheim
Renvoi à l’article DNA
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ERSTEIN - Conférence DNA DIMANCHE 13 MARS 2016
Yenisch qui es tu ?
Six classes de l’école Pierre-et-Marie-Curie ont profité de l’exposition « Yéniches, une culture
disparue » à la médiathèque d’Erstein et de Rémy Welschinger pour en apprendre davantage
sur ces nomades blonds qui sillonnaient nos campagnes.
La curiosité aiguisée par la visite de l’exposition mise en place par l’association le Vieil Erstein,
les élèves écoutent attentivement Rémy Welschinger, anthropologue et auteur du livre Vanniers (yéniches) d’Alsace. Avec un diaporama comme support et son talent de pédagogue, Rémy Welschinger éveille très vite l’intérêt des enfants.
Du hérisson en guise de gâteau d’anniversaire
Les Yéniches, peuple nomade errant au fil des siècles de province en province, chassé d’un peu partout, mal aimé, pauvre, pratiquant des petits métiers ou s’adonnant à la mendicité pour survivre, ne sont pas loin des migrants d’aujourd’hui.
Le conférencier ne manque pas de le faire remarquer, tant l’histoire se répète, et permet de faire comprendre aux jeunes générations les conditions de vie difficiles de ces gens. Ils apprennent notamment ce qui fait la singularité des Yéniches. « Est Yéniche, explique le professeur, celui qui parle le yéniche ». Affirmation immédiatement suivie d’un petit exercice d’invention de mots que ne comprendrait qu’un groupe restreint. Bien entendu, cela amuse beaucoup les élèves qui restent du coup parfaitement concentrés.
Quelques projections de photos montrent leurs campements, la carriole en osier avec laquelle ils se déplacent et qui contient toute leur vie et leur mode de subsistance. Ils voient avec étonnement des métiers aujourd’hui disparus : le rémouleur, le rétameur et bien entendu le vannier. Ils ne savaient pas non plus qu’il fallait pratiquement une semaine pour tresser un beau panier ni que les paysans s’en servaient beaucoup pour ramasser leurs récoltes. Ils découvrent aussi l’outil dont ils se servent pour couper ou recourber l’osier. « Ce n’est pas une machette mais une serpette », précise l’anthropologue en souriant.
Au regard de ces conditions difficiles, les enfants supposent qu’ils ne devaient pas avoir beaucoup de distractions. Ils n’avaient pas la télévision, certes mais ils savaient s’amuser quand même en jouant de l’harmonica ou de l’accordéon, corrige Rémy Welschinger qui leur montre aussi un gâteau d’anniversaire un peu atypique : un hérisson, viande très prisée des Yéniches, cuit pour la circonstance !
Une leçon d’histoire, de société et de tolérance aussi, très appréciée des professeurs qui accompagnaient les élèves.
« C’est de l’éducation civique, remarquent-ils. Il est important que les élèves connaissent d’autres cultures et d’autres conditions de vie que les leurs. »
Liliane Andres
Quelques clichés de l'exposition
Les coulisses de l'exposition
Le vernissage
L'exposition
Les conférences
Les ateliers
L'équipe de bénévoles