Ballade historique dans les villages du
BRUCH DE L'ANDLAU
Ballade dans les villages du
BRUCH DE L'ANDLAU
une des dernières régions naturelles de l'Alsace
Auteurs : Bruckert J. - Fischer A. - Foessel D.
Gresser G. - Guidat R. - Kappler K. - Zaegel JP.
Etymologiquement "Bruch" vient ,de "brechen" et signifie "cassure", "affaissement".
En effet, cette zone naturelle située entre LIPSHEIM au Nord et STOTZHEIM au Sud, s'étendant
du piémont des Vosges jusqu'à la RN 83, résulte d'un vaste mouvement géologique. Le dit mouvement nous permet d'affirmer que ce terroir est un véritable caléidoscope de l'Alsace.
Une coupe transversale de cette région nous donne, d'est en ouest:
Le mot BRUCH peut désigner également
une région où la nappe phréatique a remonté.
Il résulte de cette remontée de la nappe phréatique la formation d'un marais, au moins saisonnier. Mais, depuis les travaux de rectification du Rhin, commencés en 1816, la nappe phréatique baissant, les caractères strictement marécaeux s'estompent. Il faut néanmoins signaler que depuis quelques années les inondations se font de plus en plus fréquentes et durables.
La rivière phréatique du Bruch est l'Ergelsen, riche de sa faune aquatique spécifique (truites,
lottes d'eau douce...). Le Bruch est en outre traversé par l'Andlau, rivière qui prend sa source dans le massif du Champ du Feu pour se déverser dans l'Ill.
Sur le pourtour du marécage encore impénétrable il y a cent ans et hanté à l'époque par les
maladies dites tropicales, une vingtaine de villages se sont établis comme autour d'un lac.
Tous ces villages ont gardé leur caractère régional en restant par ailleurs marqués de leur
propre histoire.
De la préhistoire jusqu'à l'an 1000 après Jésus-Christ, L'Alsace bénéficiait d'une période
relativement sèche.
Les habitants de Hindisheim traversaient le Bruch pour ensevelir leurs défunts au cimetière
de Feldkirch, près de Niedernai. Pour ce faire, ils avaient établi une levée de terre (Werb)
large de près de six mètres et traversant tout le Bruch sur une hauteur de 50 à 70 cm
au-dessus du niveau moyen des prés. La terre utilisée était prélevée de deux fossés situés
de part et d'autre de ladite Werb.
De l'an 1000 jusqu'à 1860, s'étend une période relativement humide. Les habitants de
Hindisheim se rendaient à l'église avec des échasses. A Westhouse, une rangée de dalles
en bordure de la rue, parfois impraticable, permettait alors une certaine circulation.
La vie pastorale dans le Bruch était intense. Il y avait ainsi des bergers, des gardiens de
chevaux, vaches, porcs et oies. Ces gardiens, devant les multiples dangers qui les
attendaient (loups, brigands...), étaient armés de pistolets.
Autre aspect de l'économie de ces villages : l'industrie du chanvre. Le rouissage de ces
fibres se faisait dans des fossés appelés "Hanfgraben". Maintenues immefgées pendant
une semaine en août par de gros moellons, les fibres du chanvre se libéraient, mais la
pectine intercellulaire libérée par cette opération polluait déjà les rivières !
Le marécage, paysage relictuel, comportant des prés parsemés de nombreuses haies, propices au gibier, est un écosystème particulièrement allergique à la pénétration touristique. D'ailleurs, des alliés remarquables des Amis de la Nature se chargent très vite de dissuader les "intrus" de violer ce sanctuaire : moustiques et taons !
D'avenantes collines se dressent à la lisière Ouest du marais : le Gloeckelsberg et le Bischenberg. De ces promontoires, il vous sera loisible d'admirer la plaine d'Alsace et la cathédrale de Strasbourg. Certains villages du piémont des Vosges (Niedernai et Zellwiller) produisent un vin de qualité.
Eglises gothiques ou romanes, chapelles romantiques, calvaires ou "bildstock" ornent villages et chemins ruraux : l'art religieux est très développé dans le Bruch de l'Andlau, zone rurale où la superstition due au marécage et à la dure condition paysanne des temps passés subsiste cependant. Un procès de sorcières, relaté dans le "Blutbuch der Stadt Molsheim" (inquisition) s'est soldé par la condamnation à mort et l'abandon au bras séculier de
plusieurs femmes de Hindisheim.
Cette belle région gagne à être connue en la parcourant à vélo. En effet, de belles routes
peu fréquentées mènent le cyclotouriste avisé à la découverte de ces charmants villages nichés dans un écrin de verdure.
L'histoire de HIPSHEIM est dominée par la présence du pèlerinage de Saint -Ludan situé à proximité de la RN 83. Selon la chronique, "Ludan
», fils du duc d'Ecosse Hiltebold, au retour d'un pèlerinage en Terre Sainte, épuisé, il se reposa au pied d'un orme sur le territoire de Northus (Nordhouse), et s'y éteignit". Aussitôt, les cloches
des villages environnants se mirent à sonner. Les curés des deux paroisses de Nordhouse voulaient chacun le corps du pèlerin. On décida donc de mettre la dépouille sur un attelage tracté par un
cheval indompté et d'accorder la dépouille à l'église vers laquelle se dirigerait le cheval.
C'est l'église Saint - Georges ou Scheerkirche qui fut choisie. C'est ainsi que naquit le pèlerinage de Saint- Ludan ou Scheerkirche. L'église fut détruite par les Suédois en 1632.
L'actuelle église paroissiale de Hipsheim fut reconstruite en 1723. Dans le village même est située la chapelle Saint-Vendelin.
Geispolsheim présente près de 200 maisons à pans de bois, dont la plus ancienne date probablement du 15ème siècle. Située à l'angle de la rue des Moines et de la rue Traversière, elle se caractérise par une structure de poteaux allant d'une seule pièce, de la base (sablière basse) à la toiture (panne sablière) ; les fenêtres d'origine se raccrochent à ces poteaux. Une autre ancienne maison datée (1631) offre une double loggia en pignon (n° 17, rue du Général de Gaulle). Au n° 19 de la rue Sainte Jeanne d'Arc, nous pouvons admirer une multitude d'éléments décoratifs symboliques ; ils sont d'inspiration francique, caractéristique des maisons du 18eme siècle (chaises curules, losanges incurvés barrés de la Croix de Saint André - Swastika).
Dans l'église paroissiale, consacrée en 1771, sonne encore la cloche Marguerite, coulée par Monsieur Edel de Strasbourg en 1717.
Le 3 janvier 1868, un grand incendie détruisit la majeure partie de la rue Charles de Wendel ainsi que le quartier de la rue Ziegler. Les traces de cet incendie sont encore visibles aujourd'hui : les maisons à colombages y sont absentes et les nouvelles constructions présentent toutes un cartouche daté de 1868 en milieu de façade. Le gel compliqua l'extinction du feu. Un appel à dons fut lancé par l'évêque.
Le 9 mai 1896, un autre incendie considérable réduisit en cendres le quartier situé entre la rue de la haie et la rue de la république. Quinze grandes fermes
furent détruites et de nombreux animaux périrent. Le feu se propagea rapidement en raison d'un vent très fort et des nombreuses granges à foin. Quinze pompes à incendie ont été utilisées. La légende
raconte qu'une seule maison aurait été épargnée grâce au vin de la cave qui aurait servi à y éteindre le feu.
Le 2 janvier 1907, un incendie se déclara dans une manufacture d'œillets située au centre du
village. Un poêle surchauffé aurait mis le feu à des déchets de celluloïd. 22 jeunes gens
asphyxiés par les gaz toxiques périrent dans cet incendie qui mit tout le village en émoi.
Les malheureuses victimes ont été inhumées dans une tombe commune située au fond du
cimetière du village.
C'est en 1839 que fut décidée la construction d'une des premières voies ferrées d'Alsace. Il
s'agit de la ligne Strasbourg-Bâle qui dut notamment passer à proximité de Geispolsheim, au
lieu-dit la "Kratz" (appellation encore utilisée aujourd'hui). Kratz proviendrait du latin "crates"
signifiant broussailles. En effet, à cet endroit se trouvait un chemin bordé des deux côtés par
une haie composée de prunelliers et d'aubépines. Ce chemin permettait de mener facilement
le bétail au pâturage la nuit.
Cet ancien bourg fortifié est situé dans la plaine agricole à proximité de la rivière Ehn. Divers objets trouvés attestent la présence romaine (visibles au Musée Rohan de Strasbourg). Geispolsheim a été cité la première fois en 871 dans un document mentionnant des terres appartenant à l'Évêque de Strasbourg. Dès cette époque, le Chapitre de la Cathédrale de Strasbourg exploita une cour colongère (Dinghof) dans le village.
L'instauration de la féodalité conduit à l'attribution de Geispolsheim au Landgraf de
Basse-Alsace jusqu'en 1359. Au XIVe siècle, Geispolsheim devint une cité fortifiée. Le village était entouré d'un large fossé (Dorfgraben) alimenté par la rivière Ehn. Les déblais de ce fossé ainsi qu'une palissade ont permis d'édifier des remparts. La protection a été renforcée par l'ajout d'une haie vive (arbustes aux branches entrelacées munies d'épines) le long des fortifications. Quatre portes en pierre (démolies en 1832) permettaient l'accès au village : la porte haute, la porte basse, la porte de Hattisheim et la porte de Filsen. Alerté par les guetteurs des quatre portes, le village était ainsi à l'abri d'une attaque surprise et avait le
temps d'organiser sa défense. C'est en raison de ces fortifications (aujourd'hui disparues) qui enserraient le village et du manque de place disponible qui en résultait que l'habitat traditionnel à Geispolsheim est particulièrement dense et bien visible sur les vues aériennes actuelles.
Malgré un système de défense efficace, le village ne fut pas épargné par les nombreuses
guerres du Moyen Âge : l'invasion des Anglais en 1365, des Armagnacs en 1439 et 1444,
des Lorrains en 1587 durant la guerre des évêques, des troupes de Mansfeld et des Suédois
lors de la guerre de Trente Ans (1618-1648) réduisirent le village maintes fois en cendres et provoquèrent de nombreuses pertes humaines. Plusieurs villages voisins ne résistèrent pas
à ces dévastations et disparurent, tels Hattisheim, Strassheim, Schwobenheim et Sundhausen. Geispolsheim récupéra les bans de ces villages, d'où son étendue actuelle de 2 200 hectares.
Les dégâts provoqués par les feux d'origine accidentelle ont été également considérables.
En effet, la disposition regroupée des habitations et l'imbrication des différents bâtiments
d'une ferme l'un dans l'autre facilitent la propagation des incendies. Les toits de chaumes,
l'éclairage à la chandelle et la fermentation du foin stocké avant séchage dans des endroits
mal aérés étaient aussi des facteurs de risques.
Geispolsheim passa ensuite en différentes mains dont la famille noble des Beger qui y
possédait un imposant château près du moulin de Hattisheim (disparu aujourd'hui). De 1404
à la Révolution de 1789, le village fut la propriété de l'Évêché de Strasbourg.
Le 15 brumaire de l'an II (5 novembre 1793), sept habitants de Geispolsheim - le maire
François-Jacques Nuss et six adjoints - furent guillotinés à Strasbourg durant la Terreur. Ils
avaient été condamnés comme contre-révolutionnaires par la commission révolutionnaire de Strasbourg, qui avait pour accusateur public un ancien moine capucin allemand devenu
prêtre constitutionnel, Euloge Schneider, dont les excès au nom de la Révolution devaient
le faire arrêter peu après puis exécuter à son tour quelques mois plus tard. Certains d'entre
eux auraient été condamnés comme receleurs de prêtres réfractaires.
D'après un ouvrage d'histoire locale, « lors de leur exécution, les sept martyrs prièrent le
chapelet à haute voix jusqu'à la dernière seconde. Le maire tenait un crucifix qu'il lança à des habitants de Geispolsheim ». Il est encore actuellement conservé par les descendants du
maire. Parmi les condamnés figure notamment un certain André Heitz qui fut, lui, déporté en
Guyane. Une plaque commémorative a été inaugurée sur la maison natale du maire en 1989
à l'occasion du bicentenaire de la Révolution française
Au départ, les villageois étaient opposés à la création d'une voie ferrée : ils pensaient que ce projet allait porter préjudice à l'agriculture et ne servirait qu'à l'industrie et au commerce. La gare a été construite en 1841 (démolie en 1992) et favorisa le développement d'une nouvelle agglomération.
Les cheminots furent les premiers habitants de ce quartier. La population augmenta très rapidement entre les deux guerres (2 700 habitants
en 1930).
C'est à cette époque en effet que fut érigée l'église catholique Ste-Thérèse (1934). Le restaurant "Aux bons amis" est aujourd'hui la plus ancienne maison du quartier (1843). Une importante
zone industrielle y fut construite
après la Seconde Guerre mondiale.
La cohabitation avec le village ne fut pas toujours facile. Elle connut des périodes de tension
dues à des conflits d'intérêts entre personnes d'origines différentes : les villageois étaient pour la plupart agriculteurs, alors que de nombreux habitants du quartier Gare venaient plutôt de la ville. Mais depuis le développement démographique de la fin du XXe siècle, la séparation du Village et du quartier Gare en deux communes différentes n'est plus d'actualité.
Aujourd'hui, le rapprochement entre les deux quartiers est symbolisé par la construction récente d'un nouveau centre sportif en 2000 qui
profite à tous les habitants et également par le trait d'union formé par la piste cyclable, qui n'est plus bordée par les broussailles épineuses du Kratzweg mais illuminée par de jolis
lampadaires installés à l'occasion du passage à l'an 2000.
La Fête-Dieu revêt un caractère exceptionnel dans ce chef-lieu de canton, attirant de toutes
parts fidèles et curieux venus admirer cette procession haute en couleurs. Cela tient
probablement à l'attrait des fameuses coiffes traditionnelles rouges que portent les habitantes de Geispolsheim ce jour là.
Située à l'emplacement d'un village disparu, la Chapelle de Hattisheim, dédiée à Notre-Dame
des Sept Douleurs, a été érigée en 1300. Détruite en 1445 par les Armagnacs, elle fut
reconstruite par le prévôt du Chapitre de Saint¬Pierre-le-Jeune en 1449. Elle fut ravagée
pendant la Guerre de Trente Ans et ruinée à nouveau en 1674 au cours de la Campagne de
Turenne, puis à nouveau reconstruite. En 1833, elle fut ravagée par un incendie et reconstruite une fois de plus.
Cet ancien lieu de pèlerinage est également accessible par Lipsheim (à droite, après le pont de l'Ehn). Des offices y sont célébrés le 1er mai, le Lundi de Pentecôte et le 8 septembre.