Les hommes politiques
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Parmi les documents les plus intéressants des Archives Municipales d' Erstein, on trouve une chronique datée de 1666 qui fut rédigée par le bailli François Bach.
Descendant d'une famille de lettrés de la noblesse de robe rhénane, Franz Joseph BACH naît à Cologne en 1624. Après un passage à Verdun comme secrétaire de l'évêque, François Bach se met au service de François de Lorraine,Doyen du Grand Chapitre de Strasbourg. C'est ce dernier qui en 1656 le nomme bailli (Vogt, c'est à dire avoué) de la seigneurie ecclésiastique d'Erstein qui ne deviendra possession française qu'en 1681 lors du rattachement de Strasbourg au royaume de Louis XIV. C'est donc en tant que représentant du Grand Chapitre qu'il va administrer les biens de la seigneurie avec pouvoirs judiciaires, financiers et militaires.
A Erstein comme un peu partout en Alsace, la seconde moitié du XVIle siècle est une période de reconstruction, la Guerre de Trente Ans (1618-1648) ayant eu de lourdes répercussions sur la région, en particulier durant les années 1632-1638 lors des interventions françaises et suédoises.
Les effets de cette guerre sont considérables tant au niveau politique avec le traité de Westphalie (par lequel une grande partie de l'Alsace est annexée à la France) qu'au niveau économique et socéial. L'économie rurale par nature vulnérable, a été mise à bas et peine à se relever, l'abandon des terroirs par les paysans qui se sont réfugiés en ville (Sélestat, Strasbourg) ou qui sont morts, n'est pas une des moindres causes. Erstein a perdu la moitié de sa population en l'espace de vingt ans, le manque de bras fait que les friches ont tendance à gagnersur les terres labourables, les revenus de la terre sont au plus bas et l'endettement rural considérable.
" L'homme est devenu plus rare que la terre."
Réduits à la pauvreté, beaucoup vont vendre ou hypothéquer le peu de biens qu'il leur reste comme en témoignent les nombreux actes de vente de Gultgüter (biens à rente) conservés aux archives de la Ville.
C'est dans ce contexte que François Bach arrive à Erstein. Sa première tâche va alors être de procéder à une profonde remise en ordre du bailliage. De 1656 à 1666 il s'attèle à une vaste opération de renouvellement du ban d'Erstein (réorganisation de la gestion et de la mise en valeur du terroir avec redélimitation des parcelles et défrichements des terres abandonnées) comme l'attestent les livres d'abornement conservés aux archives et les pierres d'arpentage retrouvées .
Durant la période 1650-1665, les différents seigneurs locaux de la plaine rhénane, soucieux de relever au plus vite leurs possessions, font publier plusieurs édits destinés à faciliter leur reconstruction et leur repeuplement. Cette volonté seigneuriale constitue pour F. Bach une aide non négligeable puisque ces édits prévoient entre autre : la redistribution gratuite des biens abandonnés, l'exemption d'un certain nombre d'impôts pendant six à dix ans, la délivrance gratuite de bois de construction, ainsi qu'un volet juridique prescrivant la reconstitution des règles de jurisprudence coutumière (c'est à dire les droits et les usages propres à chaque seigneurie).
C'est après avoir mené à terme le renouvellement du ban, que F. Bach rédige en 1666 une "chronique" du bourg . II s'agit d'un manuscrit en Allemand et Latin de soixante-huit pages (comprenant également un portrait de l'empereur Léopold 1er - 1658-1705 - rappelant ainsi qu'Erstein fait partie du Saint Empire) rapportant les faits marquants d'Erstein depuis la fondation du Couvent au IXe jusqu'à la propre intervention de l'auteur (qui ne manque pas d'ailleurs de manifester son autosatisfaction).
Quoiqu'il en soit, l'auteur ne cherche pas tant à faire oeuvre d'historien que de juriste. En effet la "chronique" s'articule principalement autour d'une compilation de chartes et de textes destinés à légitimer les coutumes et les droits anciens. Le manuscrit de François Bach se rapproche donc bien plus du principe du papier terrier .
Ainsi à travers ce manuscrit François Bach nous rappelle que la conservation de la mémoire, outre son caractère culturel et identitaire, a également une vocation juridique.
Enfin, concernant la reconstruction d'Erstein, il faudra attendre la fin des guerres de Louis XIV (en particulier la Guerre de Hollande) et le début du XVllle siècle pour que le bourg connaisse une reprise durable de son développement.
Vincent Husser ,
Mémoire Locale de la Ville d'Erstein
Trait d'Union. numéro 20 . Edition 2002
Sources:
« La ville d'Erstein a connu son vrai développement, sa pleine extension sous l'administration du Maire ABRY. Cette personnalité exceptionnellement douée a fait preuve des initiatives les plus hardies ainsi que du sens de l'avenir le plus poussé. Il faut dire à son honneur que même mal compris au départ par une partie de la population il ne se laissa jamais influencer et poursuivait inlassablement le but qu’il s'était initialement fixé. Comme il était d'un optimisme naturel, les déceptions ne semblaient pas avoir de prise sur lui».
Une vie courte mais bien remplie
Jean-Georges ABRY naquit à Riquewihr (Haut -Rhin) le 18 septembre 1874 comme fils de Jean-Georges ABRY, propriétaire-viticulteur et- de son épouse, Caroline née SATTLER (les deux parents sont décédés en juillet 1899).
J.Georges ABRY fit ses études à la "Realschule" (école primaire supérieure) de RibeauvilIé, entra au "Gymnasium" (lycée) à Colmar. Après son "Abitur" (baccalauréat) il suivit les cours de droit à. l'Université de Strasbourg. D'avril 1893 au 31 mars 1894 il fit son service militaire.
Entre le 21 juillet 1899 (date de son entrée dans l'administration) et le 31 mars 1905 date de sa nornination à Erstein comme "KaiserIicher Rentmeister" (receveur des finances impériales) il eut exactement dix nominations dont 4 à Strasbourg, 2 à Saverne, 1 à Ribeauvillé, 1 à Riquewihr et 2 à Bolchen (Boulay 57) el Obertraubach (Outre-Rhin).
Le 1er décembre 1906 M. Abry a. épousé, à Molsheim, Emma Frédérique BISCHOFF. Deux filles sont nées de ce mariage, Jeanne Elisabeth, épouse de M. Jean GILLMANN, et Edith, veuve de M. Edmond ULRICH.
Maire d'une cité en plein essor
Le 17 -février 1906 un "Ministerial-Erlass" (arrêté ministériel) a nommé M. ABRY Maire de la Ville d'Erstein à la suite des élections partielles des 10 et 17 décembre 1905. Le nouveau Maire a pris ses fonctions le 28 février.
Le 9 mars 1906, le Maire ABRY s'adressa aux membres du Conseil municipal, les remercia de la confiance qu'ils avaient bien voulu lui accorder (il avait 31 ans quand il fut choisi comme maire !). Il s'adressa ensuite à ceux qui n'avaient pas cru voter pour lui :
« Es liegt mir fern, lhnen deshalb das Geringste nach zu tragen,...denn es würde gegen meine Prinzipien verstossen. lch achte die Überzeugung jedes Menschen, wenn sie ehrlich ist und in loyaler, offener und ehrlicher Weise zurn Ausdruck ”;
Le nouveau maire leur affirmait qu'il respectait la conviction de chacun, si elle est exprimée avec sincérité et loyauté.
La ville d Erstein a passé, déclara-t-il, en 30 années de 3662 habitants en 1875 à 5 834 en 1905.Dès celle première intervention le programme est donné avec précision: mettre en place une administration municipale bien organisée et expéditive, conduire. les affaires de telle sorte que fonctionne une exploitation rationnelle des biens comme communaux et des autres sources de revenus, ceci pour le plus grand bien des habitants.
Il demanda à ses collègues de ne pas accepter par principe ses propositions et il cita (en français dans le texte) « du choc des idées jaillit la lumière». Pour finir il leur recommanda de tout vérifier et de ne garder que le meilleur ".
Un esprit ouvert et large
La fille aînée de M. ABRY nous a fait l'honneur de nous communiquer certains textes des discours écrits par son père: Il nous a donc été plus aisé de dresser le portrait de l'homme.
Un des aspects particulier de celle personnalité fut son esprit œcuménique. Dans une cité dont la grande majorité était de confession catholique, on devine que l'arrivée d'un premier magistrat protestant constituait un événement et-cela d' autant plus qu'il était encore bien jeune pour ce poste. Mais, par son attitude ouverte, par son travail opiniâtre pour le bien et l'avenir de ses administrés, le Maire réussit à calmer les appréhensions, à susciter de la sympathie et à créer l'ambiance qui est à la base de relations humaines réussies.
Le fonctionnaire consciencieux et intelligent que fut M. ABRY a réagi contre le travail au jour le jour, les "décisions à la tête du client", a prôné l'égalité de tous - agriculteurs, artisans, fonctionnaires, ouvriers. Il a pris soin de codifier les règlements municipaux sur le marché, la construction en général, le plan de la ville, l'école d'agriculture et la construction d'un nouvel établissement scolaire "hors les murs" (Ecole moyenne et école d'agriculture), l'indemnité du corps enseignant, la répartition de l'eau entre Rhin, l’Ill et Canal de
décharge, de demander la liaison par un pont de bateaux entre le pays de Bade et Gerstheim, de la construction d’une ligne de tram entre Erstein et les Vosges (Ottrott via Obernai).
M. ABRY a. proposé la modernisation des services de la ville (installation d'une ligne téléphonique, achat d'une machine à écrire pour la mairie.). Il a lutté avec énergie contre la malveillance et la mauvaise foi de certains comptes rendus (de M. WALCHER par ex). C’est lui qui a proposé et réussi l’achat et l'extension de l'Usine Municipale d'Electricité (en remercièrent, le conseil municipal a décidé de lui accorder le bénéfice du courant électrique gratuit).
Malheureusement celle carrière si bien commencée et cette activité si fructueuse pour Erstein devait trouver une fin tragique. Le commandant du Régiment d’infanterie de réserve N°40 a informé l'état-civil d'Erstein que le Capitaine de réserve de ce régiment, commandant la 10ème compagnie , le Maire Jean‑Georges ABRY, 40 ans de religion protestante, domicilié à Erstein, est décédé le 8 mai 1915 à 16 heures au Nord de Badonviller (Cirez les Vesouzes) des suites d'un tir d'artillerie.
Par décision du Conseil Municipal d' Erstein en date du 25 septembre 1967 l'ancienne rue de l'Electricité (qui part de la place de l'Hôtel de Ville en direction au quartier du Bruhly en passant devant les Usines municipales) a reçu le nom du Maire ABRY, juste hommage
à un administrateur municipal particulièrement méritant.
Principales questions examinées par le conseil municipal d'Erstein sous la présidence du maire ABRY de 1906 au début de la guerre.
17 05 1906 Renforcement et rehaussement de la digue principale du. Rhin,
25.05.1906 Construction d'une nouvelle école de filles,
25.05.1906 + 14.01.1907 Cession de terrain pour la ligne de tramway Erstein-Obernai,
25.06.1906, modifiée le 14.11.1906 Réglementation de la construction,
10/09/1906 Régulation de la Zembs,
11.02.1907 Projet d'ordonnance concernant la répartition de l'eau entre l'Ill et le Canal de
décharge ainsi que l'apport d'eaux du Rhin à l'Ill par le Canal d'alimentation,
18.03 et 26.05.1907 Annulation de la décision du 19.12.1904 concernant la nouvelle
construction scolaire, achat de terrains pour l'école à construire entre la rue de
la Gare et la rue du Printemps,
10.06.1907 Réalisation d'un enseignement de perfectionnement,
10.02.1908 Prolongement de la. ligne de tramway jusqu'au Rhin et demande de
construction d'un pont en dur,
20.07.1908 Installation d'une ligne téléphonique publique à la Mairie,
14.09.1908 Création d'un verger expérimental,
02.11.1908 Achat d'une (première) machine à écrire pour la mairie,
14.01.1909 Travaux de canalisation,
08.02.1909 + 02.09.09 ; Création d’une école d'agriculture d'hiver,
14.08.1909 Achat et extension de l'Usine d'électricité,
13.12.1909 Statuts de la Caisse de pension et d'entraide pour les employés communaux,
14.03.1910 Organisation de l'assistance publique,
18.07.1910 Indemnités locales aux membres du. corps enseignant,
28.08.1911 Contrat concernant la livraison de courant complémentaire par l'Usine
d' Electricité de Strasbourg,
29.08.1911 Transfert des bâtiments de la gare d'Erstein (voyageurs) à l'Est de la ligne
Strasbours-Bâle
(passant du côté Schaeffersheim vers le côté Erstein),
13.05.1912 Acquisition et électrification de la "ligne secondaire" Ottrott-Erstein
Le Maire ABRY fut également Président du Conseil d'Administration de la Caisse d'Epargne d'Erstein de 1906 à 1915.
Au, moment de la promulgation de la nouvelle loi de 1912 sur les Caisses d' Epargne, on nomma en décembre de la même année- un -trésorier attaché uniquement à la Caisse d'Epargne . De nouveaux statuts, en conformité avec la nouvelle loi, furent- adoptés .0n introduisit un second jour de caisse, le jeudi, jour du marché. (La caisse est ouverte le dimanche depuis 1897 le samedi en mai et juin - afin de permettre l'inscription des intérêts de l'année précédente). Le jeudi, ce furent les instituteurs, membres du C d' A, qui remplirent le poste de contrôleur. A dater du 01.04.1914 guichets ouverts: les jours ouvrables de 10hoo à 11hoo (+ le 1er et 3ème dimanche de 13hoo à 15hoo).
Bibliographie
M. Jean-Philippe BAPST est né à Erstein le 28 décembre 1892 comme fils de Jean -Philippe BAPST, agriculteur et d'Elisabeth REIBEL. Il est resté célibataire. Il est décédé Strasbourg le 04 décembre 1973.
M. BAPST fut élu au conseil municipal le .3 mai 1925, il devint adjoint le 17 septembre 1927, 1er adjoint le 4 février 1929 et fut élu maire d'Erstein le 16 mai 1935, un poste qu'il occupa jusqu'en 1940, où il fut suspendu par les autorités nazies. En 1945, il reprit sa fonction de maire et l'assuma jusqu'en 1965.
M. BAPST fut également élu :
M. BAPST a également eu de nombreuses responsabilités dans des groupements agricoles. Il convient de citer entre autres:
En juin 1965 M.Guy COLLET, Sous -Préfet de l’arrondissement d' Erstein, a remis à M. BAPST la "Médaille d'honneur départementale et communale" en déclarant:
"Belle figure d'Alsacien courageux, travailleur et ardente patriote, solide depuis l'enfance dans sa foi en la patrie française qu'il sut durant toutes les années de l'occupation affirmer avec vigueur et courage, M. Jean Philippe BAPST, homme de cœur autant qu'homme d'honneur, s'est toujours montré aussi compréhensif qu'accueillant aux difficultés les plus diverses, ainsi qu'aux soucis de sec compatriotes et administrés. Aussi bien, tant par son comportement individuel que par sa vie publique, les postes honorifiques, les fonctions électives et mandats municipaux, départementaux, parlementaires que- lui a mérité l'estime unanime dont il jouit depuis plus de 40 ans, apparait -il particulièrement digne de l'hommage et de la gratitude de sa commune d'Erstein, de l'Agriculture d'Alsace, de l'Administration et de la France.
Administrateur actif et efficace, par sa forte personnalité, son autorité et son dynamisme, il a fait de sa commune d'Erstein dont- il a été Conseiller municipal 40ans et Maire pendant 30 ans, une des communes semi-industrielles du Bas-Rhin dont par ses réalisations et son style la personnalité est la plus vivace et la vitalité la plus riche d'avenir.
Importante personnalité départementale du monde rural et, sur le plan national de l'industrie tabacole, très au fait de toutes les questions agricoles (tabac, betteraves sucrières, choux, céréales, élevage, épargne et mutualité) de l'arrondissement , du département et de la région, membre éminent et écouté de nombreuses associations agricoles et pendant près de20 ans de la Chambre d'Agriculture du Bas-Rhin, il s'est montré notamment très attentif aux problèmes relatif à la vulgarisation du progrès agricole etc.., à la promotion sociale
agricole et s’est tout particulièrement préoccupé des problèmes scolaires si aigus au chef-lieu d'un canton rural.
Patriote sans reproche, maire d'Erstein destitué en 1940 par les Allemands, il resta cependant sur place et fut, pendant toute l'occupation ostensiblement et avec courage, quels que fussent les risques, le véritable "Maire de la Résistance" réussissant même à imposer le respect de l'ennemi, en personnifiant pour tous, par son attitude, l'honneur, l'espoir et le réconfort.
Au moment- où, encore en pleine vigueur, en se retirant volontairement de ta vie publique pour (selon ses propres termes maintes fois répétés) "faire place à de plus jeunes", M. Jean Philippe BAPST donne une nouvelle preuve de son sens civique, je me fais un plaisir personnel et un devoir officiel de rendre aujourd'hui un hommage public au vaillant patriote, au noble citoyen, au collaborateur de qualité qu'il a été pour l'Administration, dont la carrière et les réalisations auront valeur stimulante pour les générations montantes.
Cher Monsieur BAPST vous êtes pour nous un gentilhomme, un Alsacien de bonne race et de haute tenue, un noble et grand Français, L'estime el la confiance unanime des Maires du Canton viennent, sur la proposition de M. RIEHL, votre successeur à la Mairie d'Erstein, de vous nommer par acclamation président d'honneur de l'Amicale des Maires du. Canton d'Erstein En remettant au nom de M. le Ministre de I' Intérieur et de M. le Préfet, cette nouvelle distinction au nouvel élu que vous êtes, je sais aussi que vous avez bien l'intention de continuer de votre siège de sage, à servir encore".
(extrait du. compte. rendu du journal "LE NOUVEL ALSACIEN" au, mardi 15 juin 4965)
LB.
Sources :
On estime à environ 150.000 prisonniers français qui transitent à pied par Erstein,
venant de Sélestat pour se rendre a Strasbourg. Vaste élan de solidarité et de générosité de la population qui leur témoigne ainsi sa sympathie. Erstein porte un admirable secours et soutient moral à ces prisonniers, au risque des pires représailles par l’occupant. Ce geste patriotique qualifié d'héroique sera honoré après la guerre en 1949 par la
Croix de Guerre 39/45 avec étoile d'argent
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