Les religieux
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A l'hôpital de Sélestat dont il était l'aumônier catholique depuis 1908, mourait, le 11 août 1930 le chanoine
Martin VOGELEIS à l'âge de 69 ans. La musicologie alsacienne perdait cette année-là un de ses érudits de très haut
niveau.
Né lé 5 juin' 1861 à Erstein, Martin VOGELEIS ne sépara jamais sa vacation sacerdotale d'une intense passion pour la recherche musicale. Après de solides études à Strasbourg, il se vit nommé, dès 1885, professeur au collège épiscopal
de Zillisheim, alors dénommé « petit séminaire », et y resta jusqu’ en 1982.
Un de ses jeunes élèves allait devenir le chanoine François-Xavier MATHIAS (1871-1939), dont le nom est resté dans
le domaine de l'organologie pour la présentation à Vienne, en 1909, lors du congrès de la Société internationale de
musique, du règlement général .international de facture d'orgue (Internationales Regulativ für Orgelbau) qu'il avait
rédigé avec Albert SCHWEITZER et Emile RUPP.
A son départ de Zillisheim, l'abbé VOGELEIS fut nommé vicaire à Illkirch-Graffenstaden, puis curé de Beblenheim. La proximité de Strasbourg et de Colmar, sans aucun doute un avantage accordé par la chancellerie de Mgr FRITZEN,
alors évêque de Strasbourg, permit à l'érudit musicologue de poursuivre ses recherches auprès de bibliothèques
qualifiées.
Martin VOGELEIS se spécialisa très tôt dans l'étude des textes touchant la musique religieuse en Alsace au Moyen Age. Dans cet ordre de discipline:
En 1905, l'abbé VOGELEIS avait déjà réédité du même Conrad de SAVERNE le traité de plain-chant « De monochordo et De modo bene contandi choralem cantum », cela à l'occasion du congrès international de chant grégorien qui s'était tenu à Strasbourg cette année-là.
L'ouvrage de toute une vie
En 1908, Martin Vogeleis fut nommé aumônier de l'hôpital de Sélestat. A ce poste, qui fut loin d'être une sinécure, surtout lors de la première guerre mondiale, il eut cependant plus de possibilités de travail intensif qu'à la tête d'une paroisse. Ses intimes savaient qu'il s'était attaqué à la rédaction d'un dictionnaire uniquement consacré à l'histoire de la musique en Alsace. Une telle œuvre, impensable aujourd'hui en dehors d'une planification en équipe que seconderait un ordinateur, VOGELEIS l'accomplit avec une patience de bénédictin, à partir des milliers de fiches dont son cabinet de travail était truffé.
C'est ainsi qu'on le vit publier à Strasbourg en 1911 les 848 pages des «Quellen und Bausteine zu einer Geschichte der Musik und des Theaters im Elsass von 500 bis 1800» — «Sources et matériaux pour une histoire de la musique et du théâtre en Alsace de 500 à 1800» , titre d'une par trop prudente modestie allant à ce qui était réellement l'ouvrage de toute une vie.
Ce qui est devenu le « VOGELEIS » (de deux années le cadet du «SITZMANN », dictionnaire de biographies des hommes célèbres d'Alsace), a été l'intelligente réussite d'une compilation aussi scrupuleuse que méthodique. La somme organisée des connaissances que l'intrépide chercheur avait accumulées en un temps relativement record: il avait quarante-huit ans seulement lorsque son dictionnaire parut.
Le succès du «VOGELEIS» fut prodigieux, mais hélas limité à une seule édition. D'où sa rareté, qui fait de cet incomparable instrument de travail et de documentation de base un alsatique pratiquement inaccessible.
Réédité sous la direction de Georges FOESSEL par un éditeur parisien avisé, le « SITZMANN » eut plus de chance. Mais rien ne nous interdit le rêve d'un destin identique qui ressusciterait le « VOGELEIS » pour la plus grande joie des chercheurs et des musiciens.
Martin VOGELEIS avait poursuivi son travail en établissant des fiches sur les musiciens du XIXème siècle. Il s'en tint à cela, confiant finalement le manuscrit à la bibliothèque de Sélestat, dont son ami le chanoine Joseph WALTHER était alors le bibliothécaire.
Un recueil de mots, «Cantate Domine», sa participation à l'élaboration de l’ « Elsäsicher-Liederkranz » comptent encore parmi les réalisations de ce musicologue qui ne s'en tenait pas à la sèche érudition à laquelle peut conduire une spécialisation trop poussée.
Reconnue par toutes les grandes encyclopédies contemporaines du RIEMANN au HONEGGER, la science du chanoine Martin VOGELEIS illustre avec une haute conscience la musique profane, et sacrée dans une de ses provinces privilégiées.
R.K
(Article des Dernières Nouvelles 17 Août millésime inconnu)
M. Joseph BERNHARDT est né à Erstein le 3 avril 1857 comme fils de BERNHARDT Louis, 39 ans, gendarme, et de GUTHEDEL Catherine, 37 ans, domiciliés tous deux à Erstein. Le père est né le 11 juin 1817 à Gundershoffen, la mère est née, elle aussi, à Gundershoffen le 22 juin 1819. Les parents se sont mariés le 15 juillet 1850 dans leur village natal.
Le jeune. Joseph fit ses études et fut ordonné prêtre en 1881 et se vit nommé vicaire à Neuwiller. Il tomba malade et retourna chez ses parents à Erstein. C'est cette période de sa vie que Ie jeune prêtre utilisa pour s'intéresser à l'histoire de sa ville natale. Il n'avait alors guère la possibilité de se rendre à Strasbourg vu son état de santé pour faire des recherches ou aux archives. Son état de santé devait s'aggraver continuellement et lui interdire de poursuivre son travail. Il devait décéder le 27 décembre 1882 à l'âge de 26 ans.
Histoire de L'Abbaye et de la ville d'Erstein
C'est- alors qu’intervint son ami et confère, Joseph BURG, nommé en 1880 vicaire à Erstein. Ce dernier revient de Rome, où il a soutenu un doctorat de théologie. Il consulte le brouillon de l'abbé BERNHARDT et décida de le publier.
En 1883 parait à l'imprimerie A. SUTTER à Rixheim l' « HISTOIRE DE L'ABBAYE ET DE LA VILLE D'ERSTEIN » par l'abbé Jos. BERNHARDT. Dans la préface, le Dr. J. BURG écrit que son regretté ami lui a remis les documents rassemblés, qu'il les a "coordonnés, refondus et fait entrer dans le cadre de l'histoire générale".
Le style du volume de 200 pages est alerte. Le texte se lit avec aisance. Le Dr BURG regrette néanmoins, dans sa préface, de ne pas avoir pu voir les documents dans leur texte originel ou de vérifier les recherches du cher défunt.
C'est- alors qu’intervint son ami et confère, Joseph BURG, nommé en 1880 vicaire à Erstein. Ce dernier revient de Rome, où il a soutenu un doctorat de théologie. Il consulte le brouillon de l'abbé BERNHARDT et décida de le publier.
Copie de l'acte de décès de l'abbé BERNHARDT
dans le registre de la paroisse St Martin d'Erstein.
En voici la traduction :
En l'an 1882, le 27 du mois de décembre vers 7 heures du matin environ, à l'âge de 26 ans, est décédé dans le Seigneur, muni des sacrements de l'Eglise, Joseph BERNHARDT, prêtre ordonné en l'an 1881, alors qu'il avait été, pendant quelques mois vicaire à Neuwiller en Basse-Alsace, rongé par la maladie.
Ses parents, affligés de chagrin sont Louis BERNHARDT, portier dans une entreprise dans laquelle on file la laine et Catherine GUTHEDEL.
Le 29 de ce mois de décembre il a été mis en ferre très solennellement par moi, soussigné, entouré d'une foule nombreuse et assisté de beaucoup de prêtres du secteur et d'ailleurs.
Antoine FIX
(Recteur, Curé d'Erstein)
René Paul Léon FRIEDEL est né le 29.12.1879 à Monswiller, près de Saverne, comme fils de Jacques FRIEDEL et de Marie Anne VERLET. Son grand père était maire de Monswiller. Sa mère était originaire de la famille du restaurant "A la cave profonde" de Saverne.
Après 1870 son père était le représentant d'entreprise de 1' Usine d'outils Goldenberg & Cie du Zornhof et parcourait l'Allemagne du Sud pour trouver de nouveaux clients pour la firme.
II avait acquis en 1878 à Saverne le vieux couvent Notre Dame, rue de la Gare, un bâtiment dans lequel se trouvait au premier étage le Café SCHWEYER. C'est là, dans la grande salle avec billard et de petites tables en marbre, que se retrouvaient en semaine les notables de la ville pour jouer aux cartes. Les sociétés du chef- lieu de l'arrondissement y tenaient leurs réunions. De l'extérieur aussi, bien des sociétés s'y assemblaient.
Avant 1870 un visiteur assidu de ce café était l'écrivain parisien, Edmond ABOUT, qui possédait une villa au lieu-dit "Schlettenbach", où il passait tous les ans ses vacances en famille. Ses amis parisiens: Alexandre DUMAS fils (1924-1895), le botaniste Charles ROBIN (1821-1885), Francisque SARCEY, l'historien du siège de Paris en 1870 (1827- 1899), le sculpteur colmarien Auguste BARTHOLDI (1844-1904), le peintre Charles François MARCHAL (1826-1877), qui séjournait habituellement à Bouxwiller durant les vacances rendaient souvent visite à M. ABOUT
dans sa villa de Saverne et l'accompagnaient régulièrement au Café SCHWEYER.
Le 5 novembre 1885 la maman de René FRIEDEL décéda, elle qui avait mis au monde trois enfants. Le père se remaria avec la soeur de sa première femme, qui donna naissance à son four, à trois autres enfants, deux garçons et une fille. Le père décéda le 03.10.1896 à Saverne.
Le fils René, après un passage à l'école des Soeurs (pour la petite classe) et l'école primaire (dans l'ancien couvent des Franciscains), entra au Collège de Saverne., y fit d'abord les deux ans de l'école préparatoire, ensuite en 1897 la sixième. Le Directeur du lycée était un habitant de la Province rhénane, le Dr PELFZER, qui céda son poste, dans les années 1890 au. Dr. WESENER, un pédagogue connu, qui a publié de nombreux livres de classe pour l'enseignement du grec. En 1896 René réussit les épreuves pour le service militaire volontaire (der "Einjährig-Freiwilligen Militärdienst) et en été 1899 l'examen de l' "Abitur" (équivalent du baccalauréat).
Le 1er novembre 1899 René FRIEDEL entra au Grand Séminaire de Strasbourg. Le Supérieur se nommait alors Dr.OTT. Mais après six semaines déjà notre étudiant dut retourner dans sa famille pour des problèmes de santé. Il y resta deux ans. Comme sa santé était fragile et qu'il manquait de résistance â la fatigue, un médecin lui conseilla de faire des promenades dans la région de Saverne.
On le vit à cette époque réaliser des études archéologiques dans la Montée de Saverne. Le résultat de ces investigations fut- publié plus tard alors qu'il était vicaire d'Eguisheim. Il retourna donc en 1901 pour deux ans au Grand Séminaire.
C'est alors que fut ouverte la Faculté de théologie catholique. Les trois années suivantes René les passa à l'Université. Au Grand Séminaire le prélat M. KELLER remplaça le Dr OTT, les professeurs du Séminaire étaient: Dr MULLER le futur sénateur, Dr LANG, Dr FAHRNER, Dr ADLOFF, Dr GASS. A l'université vinrent s'ajouter: le prélat EHRHARD, le Dr SCHÄFER, le futur évêque de Saxe-Meissen, le Dr FAULHABER futur évêque de Spire et cardinal de Munich, le Dr WALTER, le Dr ZAHN, le Dr BÖCKENHOF.
Le 25 juillet 1906 l'abbé FRIEDEL fut ordonné prêtre par l'évêque de Strasbourg, le Dr FRITZEN. Le dimanche suivant il célébra sa première messe à l'église paroissiale de Saverne. Le curé A. HUBER venait de succéder au recteur A. ADAM, un philologue actif et un historien sérieux, décédé.
A l'automne 1906 le nouveau prêtre fut nommé surveiIlant à la pension épiscopale de la rue Rapp. Un an plus fard il devint vicaire à Eguisheim et à l'automne 1910, vicaire à Erstein.
Le curé, Jean-Baptiste BRETT avait deux vicaires, les abbés Joseph DENU et Charles SCHMITT, remplacés en 1912 par les abbés Alfred ROTHENFLUE et Léon DENTEL. En 1917 une épidémie de dysenterie toucha Erstein. Le presbytère catholique fut durement touché: le Chanoine BRETT décéda, les vicaires R. et D. durent garder la chambre, le personnel était à l'hôpital. Le vicaire FRIEDEL eut la lourde responsabilité d'assurer l’intérim avec l'aide d'un père Capucin de Koenisshoffen qui venait le dimanche. Il y eut plus de cent enterrements durant les trois mois de vacance.
Lors des obsèques de M. le Curé Doyen BRETT, le Vicaire Général Dr FALIRNER a nommé le vicaire FRIEDEL administrateur de la paroisse et d'aucuns pensaient qu'il pourrait être nommé curé...Lui-même n'y songeait pas . Après trois mois le curé Jacques CLAUSS de Soultz-sous-Forêt fut nommé comme nouveau curé- doyen à Erstein.
M. l'abbé FRIEDEL fut nommé curé de HOERDT, le village connu pour ses asperges. Durant 11 ans il assura également la fonction d'aumônier de l'asile. Finalement il resta en fonction jusqu'au 1er octobre 1955, date à laquelle il se retira dans un logement, Cour de l'Abbaye à Andlau.
Témoignage
C'était un des derniers jours d'octobre 1959. Par Stotzheim, Eichhoffen, la route nous mène à Andlau. Partout les rues étroites et sinueuses des localités où prône la culture du vignoble. Après le passage sombre de la porte près de l'église, où, durant la belle saison, les touristes étrangers viennent en nombre admirer l'ancienne abbatiale Ste Richarde. Aujourd'hui la place est vide. Tout près de ce vénérable sanctuaire habite, dans sa retraite, l'historien connu Monsieur le Curé René FRIEDEL.
Avec une grande gentillesse il nous conduit dans sa chambre de travail. Les livres remplissent les rayonnages du plancher jusqu'au plafond. C'est en vain que l'on chercherait ici des exemplaires précieux d'exposition, des reliures de luxe. Oh non! ici on le voit: les livres servent à la consultation, au travail , à la recherche, à la vérification des données.
M. l'abbé FRIEDEL est assis à sa table d'étude, entouré de ses écrits, de ses livres. Sur son visage des regards de joie , de satisfaction . Il salue les visiteurs plus jeunes en leur serrant les mains. Il exprime son plaisir de les voir montrer de l'intérêt pour l'histoire locale qui a l'air actuellement de vivre une nouvelle jeunesse. Malgré ses 80 ans M. l'abbé FRIEDEL ne porte pas de lunettes, mais il regrette que ses pieds ne lui facilitent plus les déplacements.
Au hasard de la conversation, il tombe le nom d'un prêtre, qui a trouvé, fin septembre 1792, un refuge à Erstein, F.-C. CRECELLI peut-être ou aussi Franciskus J. CRECELI. Déjà une lueur dans ses yeux. Avec un intérêt très vif il a écouté la question et c'est presque textuellement qu'il cite le paragraphe de la page 417 de son livre "Histoire de l'Abbaye et de la Ville d'Erstein" qu'il a rédigé il y a plus de 40 ans. Une mémoire fantastique qui , ajoute-t-il avec mélancolie, était plus rapide et plus sûre autrefois!.
Oui, son histoire du bourg d'Erstein, à présent épuisée, devrait être poursuivi et complétée par la relation des évènements de la seconde guerre mondiale. Que de difficultés ont dû être surmontés avant de voir le volume achevé.
M. FRIEDEL parle ensuite de l'histoire de Saverne, sa ville natale, dont le manuscrit des deux volumes est prêt mais ne peut être imprimé, en raison de l'opposition de certaines personnes. Mais tout cela n'ébranle en rien l'homme de lettres, l'historien méticuleux et scrupuleux. Chaque jour le fait avancer d'un pas dans la connaissance de sa patrie bien aimée, l'Alsace, à laquelle il consacre depuis 60 ans chacun de ses moments de ses loisirs.
Dehors des brumes descendent du château d'Andlau. que la voix populaire nomme la "cuve à eau.". L'air se rafraîchit le temps devient automnal, mais ici , dans le voisinage de cet homme qui parle avec enthousiasme du passé , qui sait que seul celui-là peut comprendre l'époque actuelle qui a appris à lire les pages jaunies d'autrefois, le cœur se réchauffe.
Oui cher abbé Friedel , nous voulons aider à éveiller chez les jeunes l'intérêt pour une histoire locale bien vivante
Joseph Busser
(Traduit par Léon Busser)
Ont- participé à celle visite:
M. Jean-Philippe BAPST sénateur–maire, conseiller général à Erstein, M. Achille ESSER, secrétaire général de la Mairie, M. Joseph BUSSER, directeur du Cours complémentaire , des cours professionnels et de l'Ecole catholique de garçons, M. Léon BUSSER, professeur
Travaux historiques de Monsieur le Curé René FRIEDEL
Sources : Archives Municipales d’Erstein
L.A.
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