Pierre SCHAEFFER
Sa passion :
conserver les outils anciens
ESCHAU La cour du charbonnier DNA du 7 Aout 2013
Le hangar à remonter le temps
Le hangar, dit « la cour du charbonnier », sis 2 rue du 27-Novembre à Eschau, abrite toute une série d'instruments atypiques. Tandis que des herses, des outils pour le travail de la terre tapissent les murs de manière ordonnée,
plusieurs modèles de calèches s'alignent au sol.
Collectionneur depuis 25 ans
Jusqu'en septembre, les mercredis et les autres jours sur réservation, les visiteurs peuvent découvrir les outils agricoles que Pierre Schaeffer collectionne depuis 25 ans. Mais ne lui demandez pas d'en indiquer le nombre, il n'en sait rien. Quant à son rôle de guide, le retraité prévient d'emblée : « Ce n'est pas mon truc les discours, je répondrai juste à vos questions. Il suffit donc d'observer. » Alors, quand on le lui demande, il explique l'histoire de telle ou telle machine, sa fonction. « Ces outils utilisés entre le XVIIIe siècle et la fin de la Deuxième Guerre mondiale sont désormais obsolètes.
Troc avec les habitants
Le propriétaire fait souvent remarquer, par fierté, une calèche tractée. « Celle-ci est une pièce unique. » Et il demande de lever les yeux au ciel vers « la luge à cheval, une calèche d'hiver », suspendue au plafond. Avec une pointe de nostalgie, il se pose comme le témoin d'une autre génération. « La guerre a introduit beaucoup de modernité dans le milieu agricole. »
Alors, quand il a fallu se débarrasser des outils de son enfance, pour leur substituer un attirail neuf, ce passionné ne s'est pas résigné à abandonner son patrimoine. Dès lors, il s'est employé à enrichir son petit musée en demandant aux habitants des environs de lui transmettre leurs objets moyennant un troc. Une quête justifiée aussi parce que la charbonnerie est toute sa vie.
Avant lui, son père et son grand-père ont travaillé comme charbonniers dans le hangar de la propriété familiale, édifiée en 1846. S'il aime faire partager sa passion à ses visiteurs, il se heurte parfois à des incompréhensions.
« Les jeunes contextualisent difficilement ces outils qu'ils découvrent pour la première fois. » Mais « les machines parlent d'elles-mêmes pour faire découvrir une époque.
MARIE-ANNE LE BERRE
La cour du charbonnier, 2 rue du 27-Novembre.
Gratuit. - Ouvert les mercredis,
de 10 h à 12 h et de 14 h à 18 h
ou sur rendez-vous au
✆03 88 64 01 52 de mai à août.
Bernard ROHMER
Portrait d'un forgeron
Erstein - Vieux métiers Article des DNA du jeudi 22août 2013
Mémoire de forgeron
Ancien forgeron, Bernard Rohmer est le témoin d’une époque où le tissu artisanal Du gros bourg agricole qu’était Erstein était regroupé en corporations dépendant étroitement les unes des autres. Il raconte le métier, la vie de son père et brosse un portrait vivant de la vie d’autrefois.
A la campagne et dans les petites villes agricoles ,le forgeron occupait un rôle de tout premier plan. Il réalisait tous les outils nécessaires à l'agriculture – socs de charrues, lames d'outils...-, mais aussi les clous, ferrures de portes, fers à cheval. Le père de Bernard, Jean-Baptiste Rohmer, né à Sermersheim avait appris le métier de forgeron maréchal- ferrant à Mussig. Après son service militaire effectué à Oran chez les spahis, régiment dont il fut le maréchal-ferrant, il vint à Erstein travailler dans la forge de Jules Wagner, sise à l'lieépoque rue des Bateliers.
On affûtait les faux, les lames des faucheuses mécaniques
Puis, à l'âge de 24 ans, la forge Wagner s'étant arrêtée, il fonda les Établissements Jean Rohmer dans l'actuelle rue du 28-Novembre qui s'appelait rue de Strasbourg avant la guerre de 1939/1945. Comme il avait tout juste 24 ans, âge requis pour passer le brevet de maîtrise, il y travailla, le réussit brillamment et put engager tout de suite un ou deux apprentis. L'affaire était lancée.
De son savoir-faire dépendaient la solidité et la qualité du tranchant de la hache, du soc de la charrue, de la houe et de tous les instruments aratoires. Les agriculteurs formant la base de la clientèle du forgeron, Jean Rohmer les connaissait bien, anticipait et s'adaptait à leurs besoins. C'est ainsi qu'à l'aube de la mécanisation agricole, il mit au point et fabriqua des remorques agraires sur pneus.
Il fallut également réaliser des fouloirs, des pressoirs. On lui commanda des lessiveuses, des coupe-paille, tout un tas d'objets et de machines utilitaires. Il y avait beaucoup de travail. « Dans les années cinquante, l'établissement comptait plus de 12 ouvriers », précise Bernard Rohmer. Lui-même a grandi, ainsi, au son du marteau sonnant sur l'enclume et a appris à forger dès l'âge de sept ans. On affûtait les faux, les lames des faucheuses mécaniques, on cerclait les roues des charrettes que fabriquait le charron.
On installait des déchargeurs automatiques de foin et des chargeurs de fumier dans les fermes.
Puis, vint l'époque où le forgeron devint agent de vente de machines agricoles tels des épandeurs à fumier, des broyeurs, des moulins à concasser et autres instruments agraires. Le jeune Bernard Rohmer fut alors envoyé au lycée d'enseignement professionnel d'Obernai afin d'y apprendre le métier de mécanicien agricole. Il y passa son CAP puis un BTS machine agricole à Saint-Hilaire-Harcouet dans la Manche. En 1960, il a repris l'entreprise à la mort de son père, il n'avait que 19 ans mais en raison de son parcours et du caractère exceptionnel de la situation, la Chambre de métiers d'Alsace l'autorisa à garder les apprentis de son père. Il prit des cours et obtint son brevet de maîtrise en 1965. En 1967, cependant, Bernard Rohmer, par un concours de circonstances et des raisons de santé, cessa l'activité de la forge familiale.
En mémoire de cette époque aujourd'hui révolue, il a gardé tous les outils et la forge à l'ancienne et, pour son plaisir et celui des spectateurs, il montre volontiers aux jeunes générations ce qu'était un travail à l'ancienne.
Liliane Andres