ERSTEIN Conférence Article des DNA
Les Yéniches, peuple du Ried
En marge de l'exposition Yéniches, une culture disparue » à la médiathèque, Rémy Welschinger, a présenté vendredi dernier son livre Vanniers (Péniches) d'Alsace, nomades blonds du Ried.
Invitées par l'association du Vieil Erstein, plus de 80 personnes s'étaient déplacées pour l'occasion, si bien qu'il a fallu ajouter quelques chaises et se serrer un peu. Avec un talent de conteur indéniable, l'anthropologue Rémy Welschinger a retracé pendant plus d'une heure et demie les pérégrinations des Yéniches du Moyen Age à nos jours.
Son intérêt pour le sujet remonte à son enfance campagnarde. « Je les voyais arriver en clan dans mon village, c'était très impressionnant. D'ailleurs les moins jeunes d'entrevous s'en souviennent : ils proposaient à tue-tête, de leur phrasé particulier, paniers, aiguisage de couteau, collecte de peaux de lapins... »
Par la suite, après avoir enseigné en milieu scolaire spécialisé, le jeune anthropologue, s'étant aperçu qu'on trouvait très peu de documents sur les Yéniches, a rencontré le Dr Schmidt connu à Erstein pour avoir soigné et s'être intéressé à cette population. il a ainsi pu côtoyer quelques familles et approfondir le sujet.
Apparus en Alsace vers 1820
Ce peuple nomade d'origine alémanique apparaît au Moyen Age dans la catégorie sociale la plus pauvre : les serfs de la société féodale. Rejetés des villes, ils errent dans les campagnes de Land en Land, se forgeant une langue et une identité. « Ils ont gardé l'allemand comme base, tout en inventant d'autres mots afin de se comprendre entre eux sans être compris des autres », explique Rémy Welschinger. Avec le yéniche comme langue commune, ils vivent en clan et se marient entre eux. Cette endogamie leur donne une morphologie caractéristique de blonds aux yeux bleus, qui les distingue des Tziganes, nomades parfois parodiés lors des défilés eux aussi, mais
originaires d'Inde et plutôt bruns.
Les Yéniches sont apparus en Alsace vers 1820, lors d'une crise économique en Allemagne. Ils cantonnent surtout dans le Ried, plantant leurs tentes dans les plaines humides le long du Rhin. Là, ils découvrent les saules, et c'est probablement en Alsace qu'ils s'adonnent à la vannerie pour la première fois. Ils vendent paniers aux producteurs de pommes de terre et aux vignerons. Pendant près de deux siècles, ils sillonneront ainsi les villages, proposant leurs services aux habitants et échangeant leur production ou savoir-faire pour un peu de beurre, de lait ou quelques
oeufs afin de nourrir leurs familles nombreuses. Les enfants sont très importants pour eux : souvent les pères tatouent le visage d'un nouveau-né sur leur épaule. Ils sont d'ailleurs très protecteurs, de peur qu'on leur vole leur enfant, surtout après la Deuxième Guerre mondiale où, à l'instar des Roms, ils ont été persécutés et déportés.
Leur nomadisme cesse peu à peu après la guerre. Leurs métiers disparaissant petit à petit, ils se sédentarisent et deviennent ferrailleurs. Ils s'intègrent socialement, et très peu habitent encore dans des caravanes et sous des tentes. Musiciens dans l'âme, ils écoutent landier Musik, jouent de l'accordéon et de l'harmonica. Leur culture perdure encore de manière sporadique, mais disparait peu à peu. Ont survécu les blagues de Renner, Philomène et Charele (surnoms yéniches dans la littérature populaire), ils sont carnavalesques, et certaines célébrités comme
le gardien de but François Remetter ou le chanteur Stephan Eicher revendiquent fièrement. leurs origines yéniches.
L.A
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Quelques images de la conférence
ERSTEIN - Conférence DNA DIMANCHE 13 MARS 2016
Yenisch qui es tu ?
Six classes de l’école Pierre-et-Marie-Curie ont profité de l’exposition « Yéniches, une culture disparue » à la médiathèque d’Erstein et de Rémy Welschinger pour en apprendre davantage sur ces nomades blonds qui sillonnaient nos campagnes.
La curiosité aiguisée par la visite de l’exposition mise en place par l’association le Vieil Erstein, les
élèves écoutent attentivement Rémy Welschinger, anthropologue et auteur du livre Vanniers (yéniches) d’Alsace.
Avec un diaporama comme support et son talent de pédagogue, Rémy Welschinger éveille très vite l’intérêt des enfants.
Du hérisson en guise de gâteau d’anniversaire
Les Yéniches, peuple nomade errant au fil des siècles de province en province, chassé d’un peu partout, mal aimé, pauvre, pratiquant des petits métiers ou s’adonnant à la mendicité pour survivre, ne sont pas loin des migrants d’aujourd’hui.
Le conférencier ne manque pas de le faire remarquer, tant l’histoire se répète, et permet de faire comprendre aux jeunes générations les conditions de vie difficiles de ces gens. Ils apprennent notamment ce qui fait la singularité des Yéniches. « Est Yéniche, explique le professeur, celui qui parle le yéniche ». Affirmation immédiatement suivie d’un petit exercice d’invention de mots que ne comprendrait qu’un groupe restreint. Bien entendu, cela amuse beaucoup les élèves qui restent du coup parfaitement concentrés. Quelques projections de photos montrent leurs campements, la carriole en osier avec laquelle ils se déplacent et qui contient toute leur vie et leur mode de subsistance. Ils voient avec étonnement des métiers aujourd’hui disparus : le rémouleur, le rétameur et bien entendu le vannier. Ils ne savaient pas non plus qu’il fallait pratiquement une semaine pour tresser un beau panier ni que les paysans s’en servaient beaucoup pour ramasser leurs récoltes. Ils découvrent aussi l’outil dont ils se servent pour couper ou recourber l’osier. « Ce n’est pas une machette mais une serpette », précise l’anthropologue en souriant.
Au regard de ces conditions difficiles, les enfants supposent qu’ils ne devaient pas avoir beaucoup de distractions. Ils n’avaient pas la télévision, certes mais ils savaient s’amuser quand même en jouant de l’harmonica ou de l’accordéon, corrige Rémy Welschinger qui leur montre aussi un gâteau d’anniversaire un peu atypique : un hérisson, viande très prisée des Yéniches, cuit pour la circonstance !
Une leçon d’histoire, de société et de tolérance aussi, très appréciée des professeurs qui accompagnaient les élèves.
« C’est de l’éducation civique, remarquent-ils. Il est important que les élèv0es connaissent d’autres cultures et d’autres conditions de vie que les leurs. »
Liliane Andres
Quelques images de la conférence
Annimation de vannerie destiné au jeune public