Par deux fois en novembre 1944, j'ai dû aider à creuser des tranchées antichars. En janvier 45, Erstein fut canonné. Nous hébergions des réfugiés venus d'Ebersmünster, 5 personnes.
Mon fils Albert avait déserté de la Wehrmacht Allemande et il est rentré à la maison en décembre 1944. Il s'est immédiatement porté volontaire pour l'armée Française, où il fut affecté comme garde-du-corps du Général LECLERC.
Comme ici, en janvier 1945 le front était tout près et pas sûr, les hommes ont eu pour ordre de s'éloigner d'Erstein. J'avais peur maintenant que, si les Allemands reviennent et qu'on me dénonce, je sois arrêté et pris en otage. Je suis donc reparti en vélo. A Urmatt je connaissais à la scierie la famille SIAT, chez qui, pour 2 jours, je me savais en sécurité. La radio donnait à nouveau de bonnes nouvelles, alors j'ai pris le chemin du retour.
J'ai retrouvé ma famille avec les réfugiés à Hindisheim. C'est de là, après avoir trouvé un accueil pendant 8 jours chez mon camarade de guerre M.GLASSER Joseph, que nous avons pu rentrer en attelage à Erstein. Pendant 6 semaines aussi, nous avons caché un cousin de Sierentz, qui ne voulait pas retourner à la Wehrmacht. Mais ce risque également est passé sans problèmes.
Et ma famille s'agrandit
Notre premier enfant, Marie Thérèse, est né le 27 février 1924. Comme deuxième enfant, Albert vint au monde le 4 décembre 1925. Nous n'avons pas longtemps pu nous réjouir de nos deux enfants, car notre fille aînée Marie Thérèse décéda de façon tout à fait inattendue le 29 mai 1926 à l'âge de 2 ans et 3mois.
Comme deuxième fils, Antoine vint au monde le 23 septembre 1930. Ensuite ce fut Martin, le 22 novembre 1932 puis Bernadette, le 10 mai 1934 et finalement, une tardillonne, Cécile, le 15 mai 1941.
Mon épouse avait deux frères. L'aîné, Albert, est décédé en 1964 à l'âge de 70 ans. Le plus jeune, Joseph, est mort accidentellement en 1965, âgé de 53 ans.
Le mariage des enfants
Ainsi va le monde, les enfants grandissent et arrivent à l'âge où ils se rendent indépendants. Ce fut aussi notre lot, chacun d'entre eux fondant sa propre famille.
Voilà en ce qui me concerne :
La femme de mon oncle Joseph était la soeur de ma mère. Tante Emestine était plus jeune. Elle travailla longtemps à la fabrique et décéda en 1948 à 75 ans.
Mon père et mon oncle avaient une tante prénommée Joséphine. Elle était pendant longtemps à Paris, chez des maîtres de maison. Vu qu'elle avait un pied malade, elle vint pour s'occuper du ménage de grand-père après la mise à la retraite de ce dernier. Nous l'appelions «Tante-parisienne », elle décéda en 1918 à 59 ans, pendant la guerre.
Maintenant, je peux vous rapporter encore quelques autres précisons :
Mon grand-père avait 5 frères, dont 3 ont émigré en Amérique. Ils ne voulaient pas être soldats chez les Prussiens. C'était avant 1880. Un seul a trouvé son bonheur là-bas, étant propriétaire d'une fabrique de jambons. Sa femme, Louise FIX était originaire de Bieberach, dans le pays de Bade. Avant 1914, il est venu deux fois ici, avec sa femme, pour saluer sa famille. Elle-même avait 11 enfants.
Toute la famille Fassel d'Erstein était invitée une fois à un grand repas dans la salle KLOTZ. Lors d'une traversée, il s'est fait voler tout son argent liquide sur le bateau. Nous, les enfants, il nous a offert des boutons de manchettes en or. Un parent, le couturier FIX de Bieberach est venu une fois en visite ici avec ses deux enfants. Après la guerre de 1914-18, toute relation avec lui a cessé.
Par deux fois il a soutenu un de ses frères, mais ce dernier s'est adonné à la boisson. L'autre frère a été tué par un animal sauvage. Depuis, nous n'avons rien pu apprendre relativement à sa descendance.
Première Messe de notre fils Antoine
Une fois dans ma vie, j'ai tenu un discours. C'était à l'occasion de la Première Messe de notre fils Antoine. En souvenir, je veux le retranscrire ici.
La salutation.
Au nom de la famille, je vous souhaite à tous une cordiale bienvenue. Mes remerciements vont d'abord à notre Seigneur Dieu, pour cette journée pleine de grâce et de joie. Je salue nos éminents guides spirituels. Je remercie Monsieur le Chanoine Recteur LUX, pour les belles paroles qu'il a prononcées à l'égard du nouveau prêtre et de sa famille. Je remercie également monsieur le Curé BASTIAN à qui nous devons la belle homélie de ce jour de fête. Il nous a parlé de la noblesse du sacerdoce, de la grandeur et de la servitude du prêtre. Et je crois fermement que c'est aussi lui qui a semé la bonne graine dans le cœur du jeune enfant. Je salue aussi Monsieur le Curé FRIEDERICH, comme Ersteinois et membre de notre famille. Et aussi Monsieur l'Abbé STEMPFEL qui a tenu, en partie, l'orgue avec Monsieur HERZOG. Comme Diacre, le Frère MERTINEZ, premier Prêtre Séculier issu de la Congrégation des Séminaristes de Matzenheim. Puis les Prêtres d'Erstein, Messieurs les Abbés KUHN, HELLMANN et KLOETZLEN, sous-diacre. Merci beaucoup aux vicaires d'Erstein, messieurs les Abbés BLANK, CRIQUI et MEYER, qui ont assuré la décoration de l'église. C'est un grand honneur pour nous de pouvoir saluer Monsieur BAPST, maire de la ville d'Erstein et ses deux adjoints, Messieurs WOERTH et KOPFF. Cela nous a fait grand plaisir, qu'ils aient accepté notre invitation. Je remercie la ville d'Erstein qui nous a complaisamment fourni les rameaux pour le chemin de procession. Je salue quelques Messieurs du Conseil de Fabrique, Monsieur CONRATH, Président de l'Action Catholique, Monsieur BERGER, trésorier et parent de la famille et Monsieur RINGEISEN, membre du Conseil.
Et aussi Monsieur Joseph HEITZMANN venu d'Ammerschwir. Je dois tout de suite vous le révéler : la bonne goutte vient de sa Cave. Son frère Martin est un camarade d'Antoine, mais il ne peut malheureusement être ici, car il effectue actuellement son service militaire en Algérie. Nous avons aussi invité des étudiants, Messieurs Philippe RINGEISEN, WALTER et BERBACH Michel, afin qu'eux aussi ait leur part de ce jour de fête. Je remercie également mon collègue Monsieur LANDWERLIN et son
collaborateur Monsieur KLEIN pour leur travail d'embellissement de la fête d'aujourd'hui.
Je remercie aussi tous les parents et connaissances de la famille, les citer tous serait bien trop long. Je n'oublie pas nos chers défunts, qui malheureusement ne peuvent pas être présents ce jour. Un « office des morts » sera célébré pour eux demain dans l'église paroissiale.
Le discours.
Chers présents
Nous tous combattons pour un idéal : la foi chrétienne catholique. C'est la foi que nous avons vue chez nos parents et grands-parents, et que nous avons adoptée. Aussi notre vœu le plus cher, si nous devions avoir un enfant ayant la vocation de se consacrer à Notre Seigneur Dieu, était d'être prêts à faire ce sacrifice. Cet espoir ne s'est pas laissé désirer bien longtemps, car de façon tout à fait inattendue Monsieur l'Abbé BASTIAN est venu nous voir et nous a dit : votre Antoine voudrait faire des études. Après toutes ces longues années de crainte, de prières, d'espoir, il a atteint son but. Mais à la Foi et à l'Espérance, est aussi associé l'Amour. L'amour que nous avons prodigué à nos enfants nous a été amplement retourné. Aujourd'hui nous sommes fiers de notre fils Prêtre. Que la bénédiction qui émane de lui aujourd'hui, l'accompagne tout au long de sa vie de Prêtre.
Mon remerciement personnel.
Je voudrais dire merci aussi pour la distinction honorifique qui m'a été faite ce jour. J'ai été profondément ému par le fait qu'on l'ait associée au jour d'aujourd'hui.
Je me permets maintenant de vous donner un court aperçu concernant mes années de service passées. C'est en 1925 que j'ai été proposé par le Conseil de Fabrique pour succéder à Monsieur Ignace VETTER. A l'époque, ce n'était pas une affaire simple pour moi. J'étais âgé seulement de 26 ans, je travaillais dur les jours de semaine à la gravière, car à l'époque nous n'avions pas encore de machines, il y avait les travaux agricoles, et j'étais lié tous les dimanches. Il y avait des dimanches ou jours de fête ou je devais changer de costume jusqu'à 12 fois dans la journée. Pendant toutes ces années, j'ai partagé les joies et les peines avec la paroisse. Chaque année, le Dimanche en Blanc, nous avons cherché les enfants communiants à l'école.
De nombreuses fois j'étais présent quand deux se donnaient la main au cours de leur mariage. De nombreuses fois aussi, je marchais devant celui qui partait pour sa dernière demeure, sur la route du cimetière. Ma fierté était toujours de participer aux 4 grandes processions du Saint —Sacrement, à l'extérieur de l'église.
Jusqu'à présent, j'ai accompagné quelques 20 nouveaux prêtres de la maison paternelle jusqu'à l'église. Je n'oublierai jamais Noël 1944, quand les Généraux DE GAULLE et LECLERC ont fêté la Messe de Minuit dans l'église paroissiale d'Erstein, à 5 km du front.
Ainsi sont passées toutes ces années. Je ne me fais plus de souci maintenant, et j'espère, si le Seigneur me garde en bonne santé, pouvoir dans 19 ans fêter mon jubilé de 50 ans de service. Si le Seigneur en décide autrement, que la médaille que j'ai eue aujourd'hui, me serve de justificatif le jour où me sera donné mon dû pour l'éternité.
Erstein, le 27 mai 1956
Paul FASSEL
Pour ce qui est du service à l'église, tout est de nos jours plus simple. Ce n'est plus que les jours de fête qu'il y a des vêpres. J'ai laissé tomber les mariages et les enterrements, cela va aussi comme ça. Les processions avec Bannières ont été supprimées à cause de la circulation, et les processions avec le Saint-Sacrement, il n'y en a plus que 2 : à la fête du Saint-Sacrement et à l'Assomption et elles se font de nuit.
Si Dieu me garde en bonne santé, j'aimerais, dans 7 ans, pouvoir fêter mon Jubilé de 50 ans de service.
Comme nous sommes maintenant à Lautenbach, je ne peux pas assurer mon service tous les dimanches à Erstein, mais les jours de Fête, je fais
mon devoir.
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