Mon nom est Jean-Paul FASSEL, né le 14.3.1899 à Erstein, et habitant cette ville, 38 rue du Chat. Je suis marié le 15 mai 1923 à Erstein avec Marie-Madeleine née FRIDERICH, née le 8.5.1899 à Erstein. Nous avons 5 enfants et sommes 7 fois grands-parents. Il nous est accordé la grâce de fêter nos Noces d'Or au mois de mai de cette année.
C'est le 29 juin 1925, fête des princes des Apôtres Pierre et Paul, donc âgé de 26 ans, que j'ai débuté dans ma fonction de Suisse. Ce n'était pas une chose anodine à l'époque, que d'assurer mon service tous les dimanches à la Grand-Messe et aux Vêpres, en plus du travail à la gravière et celui de petit agriculteur. Les jours de fête, je devais plusieurs fois changer de costume, jusqu'à 12 fois. Trajet pour me rendre à l'église : 10-12 minutes. Et les jours de fête, je devais effectuer ce trajet 3 à 4 fois.
Le Suisse
Le costume Grande-Tenue pour les jours de fête : tricorne, frac noir, écharpe jaune, gilet
rouge et culotte rouge, bandeau blanc, bas et gants blancs, chaussures vernies noires,
canne et hallebarde époque Louis XV.
C'est le Suisse qui donne le départ et fait aussi la police dans l'église. C'est lui qui ouvre
l'Office. En 1956, le jour de la Première Messe de notre fils Antoine, curé depuis 1967 à Lautenbach dans le Florival, m'a été solennellement décernée la « Médaille de
reconnaissance diocésaine » par M. le Recteur Charles LUX.
Surveillants de l'église, ou garde-ban
Lors de mon entrée en fonction, deux messieurs étaient engagés comme garde‑ban ou surveillants. Leurs noms : FRIEDERICH Joseph et STRUB Joseph. Ils étaient en service, je crois, jusqu'à la 2ème guerre mondiale. Au cours des processions, ils portaient une canne avec l'inscription : " Police du culte".
Les enfants de choeur
Lors des Fêtes Solennelles, les enfants de chœur étaient au nombre de 32 garçons. Le maître de cérémonie portait un habit neuf rouge-violet. Ceci fait malheureusement aussi partie du passé.
PS- Par le passé, la Sainte Communion n'était distribuée que lors de messes du matin.
Chaque année j'allais chercher les enfants qui faisaient leur Première Communion clans la cour de l'école des filles.
Pendant toutes ces années, j'ai partagé joies et peines avec la paroisse. Souvent, j'étais à coté quand deux se donnaient la main pour une vie commune. Souvent je marchais devant celui qui entamait son dernier voyage, pour le cimetière.
J'étais toujours fier, quand nous pouvions tenir les 4 grandes processions du Saint-Sacrement, à l'extérieur de l'église.
Pendant mon service, j'ai conduit environ 20 nouveaux prêtres, enfants d'Erstein, de la maison paternelle à l'église.
Je n'oublierai jamais la Noël de 1944, où j'ai 'accueilli à l'église les Généraux de Gaulle et Leclerc pour assister ensemble à la Messe de Minuit. Bien que cela eut été tenu secret, je n'ai jamais vu autant de monde dans l'église. Des soldats avaient aveuglé les fenêtres en s'aidant d'échelles fournies par les pompiers de Strasbourg. Le front n'était qu'à 5 km.
Pour ce qui est du service à l'église, les choses sont bien plus simples de nos jours. Il n'y a plus de vêpres en dehors de jours de fête. J'ai cessé d'assister aux mariages et aux enterrements, les choses se faisant aussi bien comme cela. Deux fois seulement au cours de mon temps de
service j'étais absent, étant malade : une fois à la Pentecôte et une fois à Noël.
Pendant des décennies, avaient lieu des processions à l'extérieur de l'église, dans les rues de la ville.
A la procession de la Fête-Dieu et celle de la fête du Patron de la paroisse, la musique municipale ainsi que les pompiers étaient présents. Ces derniers formaient une haie d'honneur à côté du dais. Avec la circulation importante, de nombreuses limitations nous ont été imposées, touchant par exemple les processions aux Champs ou des Rogations.
Le jour de la St. Marc, le 25 avril, la procession s'engageait sur la route large de la sortie nord d'Erstein, pour revenir à l'église.
Dans la semaine précédant l'Ascension, avaient lieu les 3 grandes processions des Rogations.
Chaque premier dimanche du mois avait lieu dans l'église, au cours des Vêpres, la procession
de la Confrérie du Rosaire.
En octobre, la Fête Principale et en même temps Fête Titulaire de la Confrérie.
La procession présentait l'organisation suivante : devant, des enfants de choeur, suivis par les
jeunes - filles et femmes et hommes portant le pavois et la bougie, le Suisse, la chorale de
l'église, des enfants de choeur, les dignitaires religieux avec le Saint — Sacrement,
6 Jeunes-filles portant la statue de la Vierge, Reine du Rosaire.
Une messe avec bénédiction solennelle terminait la procession.
Avant 1914 , tous les premiers dimanches du mois en été, si le temps le permettait, la
procession se faisait à l'extérieur de l'église.
Avec les années, cette coutume également s'est perdue. Les vieux décédaient et les jeunes
n'étaient plus motivés.
Les grandes processions du Saint-Sacrement étaient organisées comme l’était encore celle
de la Fête-Dieu. Seulement, à l'époque, il n'y avait qu'un enfant de cœur avec clochettes qui
marchait en tête, suivi par la clique de la Section de Gymnastique, de l'Association des
Jeunes-Gens avec leur drapeau, puis les écoliers, les jeunes-gens dont 4 portaient la statue
de St. Aloyse, les écolières, les jeunes-filles avec drapeau et statue de la Vierge, puis venaient
les tout petits enfants entièrement en blanc et portant des fleurs ou des fanions, précédant le
dais, la chorale de l'église et les dignitaires ecclésiastiques avec des enfants de chœur. Les
fleurs étaient répandues devant le Saint-Sacrement. Jadis, le dais était porté par 6 hommes
de la Corporation des Pêcheurs. Aujourd'hui, le dais est pliable et il est porté par 4 jeunes
agriculteurs. Comme déjà mentionné, les Pompiers escortaient le Saint-Sacrement. Les
messieurs du Conseil de Fabrique les suivaient. Le drapeau des hommes et la statue de
St. Martin, le patron de la paroisse, sont portés par des hommes. Suivaient les membres
de la Corporation des Paysans avec leur drapeau, et les hommes de la Corporation des
Pêcheurs, également avec leur drapeau. Jadis, on emmenait aussi les cannes de la
Corporation. Ces dernières sont actuellement dressées à côté de l'autel de la Vierge. Je ne
sais pas si la Corporation des Tailleurs et celle des Cordonniers existent encore. C'est les
femmes qui formaient la queue de la procession.
Les Surveillants de l'église et le Suisse veillaient au bon ordre de la procession. De nos jours,
c'est le Suisse qui marche devant et ouvre la procession.
Aussi longtemps que je me souvienne, Aux alentours du Mardi Gras avait lieu la prière de
40 heures, et le dimanche, lundi et mardi l'exposition du Saint-Sacrement. Tous les jours,
Messe Solennelle, Vêpres et Complies, avec sermon et bénédiction. Dans la journée, prière
commune. Les écoliers avec leurs Instituteurs, les écolières avec les Sœurs une heure
chaque, les jeunes filles, les femmes, la Corporation des Pêcheurs, les jeunes-gens se
relayaient avec les hommes. Pareil le Vendredi-Saint.
Aux journées des Quatre-Temps il y avait des offices et des chapitres, qui depuis ont été
supprimés. - il était une fois....-
Sous divers, je veux évoquer certains événements du passé, pour autant que je m'en
souvienne. Pendant mon temps de service,
J'y étais chaque fois présent en tant que Suisse. J'étais aussi à l'enterrement de M. le Curé ROTHENFLUE, qui avait été vicaire à Erstein, à Schaeffersheim. Le 11 août 1942, la statue
« Notre Dame de Strasbourg >> a été transportée, par étapes par les scouts, de Clermont à
Avoisheim au Dompeter. En procession nous somme allés direction Ostheim jusqu'au petit
monument du Bildstöckel pour prendre le relais. A partir de l'avenue de la gare, la paroisse
de Schaeffersheim assura l'escorte, et ainsi de suite.
Jadis, pour la Messe de Minuit, l'illumination du chœur était particulière. Partout sur l'avancée
de pierre qui entourait les stalles, étaient disposées, des cierges, à 30 cm d'intervalle. Ils
étaient reliés entre eux de mèche à mèche par un cordon, enduit de cire. Pareil pour toute la
longueur du banc de communion. C'était un vrai spectacle quand on allumait le cordon et qu'il propageait le feu de cierge en cierge.
J'étais présent, en service, lors de la pose de la Première Pierre de la Maison des Oeuvres en
1928, de même pour l'inauguration de la chapelle de l'hôpital.
En 1931-32 a été présenté à la Maison des Œuvres un Jeu de la Passion, au cours de 25 représentations. J'y ai interprété le centurion Longinus.
Je termine ce rapport en espérant que, le jour où je quitterai ma fonction, on me trouvera un successeur sérieux et que le jour où je quitterai ce monde, on me donnera, ne fût-ce qu'une toute petite place, là-haut.
Ecrit au presbytère de Lautenbach en 1973
.
Paul FASSEL
C'est il y a 50 ans, qu'en tant que successeur de Monsieur VETTER Ignace, que j'ai débuté la fonction de Suisse d'église. Aujourd'hui, à la Grand-Messe, après une allocution de remerciement de quelques minutes pour toute ces années passées, Monsieur le Recteur Doyen SONNTAG m'a remis la distinction venant de Rome « Pro Ecclesia et Pontifice », accompagnée du Diplôme. Après la Grand-Messe une courte fête où étaient invités le Conseil de Fabrique et ma famille a eu lieu au presbytère. Tous étaient présents avec les petits-enfants. Monsieur CONRATH, secrétaire, m'a remercié en l'absence du président, empêché, au nom du Conseil de Fabrique et m'a remis un cadeau : un arrangement floral avec quelques bouteilles. J'ai remercié pour l'honneur qui m'est fait, mais aussi ma femme,
qui toutes ces années durant s'est occupée, du blanchissement du linge, ainsi que ma fille Cécile. La fête s'est terminée par le vin d'honneur.
Mon vœu s'est réalisé, et j'ai remercié le Seigneur pour m'avoir accordé la grâce de pouvoir
exercer ma fonction pendant 50 ans.
Chez mon fils aîné Albert et Georgette, nous avons pris l'apéritif et attendu qu'Antoine nous
rejoigne, vu qu'il ne pouvait pas quitter sa paroisse plus tôt (Lautenbach), avant de prendre
un repas commun au restaurant JEHLY. Monsieur le Recteur SONNTAG nous a honorés de
sa présence, ainsi que Mme Vve HAUMESSER et, venant de Lautenbach, Mme Vve PENNY,
qui donne souvent un coup de main à mon épouse. C'est ainsi que se passa la cérémonie.
Comme un successeur s'est présenté et qu'il a fait ses débuts le 15 août, jour de l'Assomption,
je suis prêt à l'initier ou lui montrer l'essentiel, et lui souhaite dès maintenant de longues années
de service.
Paul FASSEL