DÉCORS
Très présents sur la maison alsacienne, ils sont de deux types :
Les décors, éléments de charpente
On trouve des losanges, des croix de Saint-André, des chaises curules, des disques radiés, des arbres de
vie... Quant à la figure de l'homme, Der Mann, son évolution à travers les âges semble prouver qu'à l'origine
du moins, l'aspect fonctionnel (combinaison technique de poutres verticales et obliques, barrées par d'autres, horizontales, chargées d'assurer un bon maintien de l'ensemble) primait sur l'ornemental.
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Les motifs décoratifs - Les motifs religieux
II s'agit essentiellement de croix, d'ostensoirs, de monogrammes du Christ " IHS " (Jesus hominum salvator,
Jésus sauveur des hommes), de triangles de La Trinité, de statuettes de la Vierge et de versets bibliques.
II s'agit de mettre la maison entière sous la protection et entre les mains de Dieu.
Les motifs cosmiques
Comme dans toutes les civilisations du monde, on trouve en Alsace des représentations du soleil de la lune
et des étoiles sur les maisons.
Les motifs animaux
Le coq est très présent: il s'agit bien sùr d'un des animaux les plus familiers de la basse cour, mais aussi plus
décoratif; il peul symboliser l'humeur combattante ou encore dans le symbolisme chrétien, le repentir de
saint Pierre après son triple reniement.
Les motifs végétaux
Les fleurs ont la plupart du temps une valeur purement ornementale en raison de leur esthétique propre. Mais certaines prennent également une valeur symbolique : ainsi la tulipe à trois pétales, généralement plantée
dans un vase et accompagnée d'un coeur représente la Trinité divine.
Les motifs géométriques
En raison de leur simplicité d'exécution, les ornements géométriques se rangent parmi les formes primitives d'ornementation : losanges, triangles, rosaces, croix de Saint-André ou leur combinaison.
Les inscriptions
De nombreuses inscriptions peintes ou gravées au ciseau, par exemple sur le poteau cornier, parfois rehaussées
à la peinture blanche ou polychrome se rencontrent sur les maisons. Elles n'apparaissent qu'à la fin du XVI° siècle
avec le développement de la lecture et de l'écriture consécutif à la Réforme. Beaucoup datent de la période
s'étendant de 1760 à 1840, période de calme politique et de prospérité pour les campagnes et donc de plein
essor pour la construction. Malgré le rattachement de l'Alsace à la France en 1648, presque toutes ces
inscriptions sont en allemand, le français étant resté longtemps la langue de l'élite.
HISTOIRE DE LA MAISON ET DE SES PROPRIÉTAIRES
De nombreux signes qui se lisent sur la maison permettent de connaître et de reconstituer l'histoire de la
maison et de ses propriétaires.
Le rang social des habitants
La position sociale est, en premier lieu, déterminée par la situation de la maison dans le plan d'ensemble du
village : les quelques grosses fermes se trouvent au centre, sur les rues principales, alors que les maisons des, journaliers sont à la périphérie.
Le nombre d'étages, d'auvents, de fenêtres, l'utilisation de la pierre pour l'encadrement des fenêtres donnent
aussi l'image de la richesse et de l'importance de la famille.
Le métier
II est parfois indiqué par un insigne ou une scène sculptés en relief sur le poteau cornier, le linteau de porte...
Date de la construction de la maison
Elle est marquée au dessus du portail ou dans le bois au poteau cornier. Du côté de la rue apparaît quelquefois un cartouche encadré de dessins floraux, de signes religieux qui contient la date de construction et les noms
ou initiales du couple fondateur.
La religion
Des signes ou des objets placés au-dessus du portillon, statuette de la vierge pour les catholiques, verset de la Bible pour les protestants, peuvent indiquer la religion des propriétaires. Pendant la période révolutionnaire, ces signes furent proscrits et quelquefois remplacés par le bonnet phrygien.
LE SYSTÉME DE CHAUFFAGE DANS LA MAISON ALSACIENNE DE PLAINE
II se particularise par une double caractéristique : l'absence de feu ouvert et le fonctionnement en " duo " de
la cuisine et de la Stub, pièces situées de part et d'autre d'un mur en matériau peu inflammable (brique ou
pierre), le mur à feu ou mur pare-feu contre lequel sont adossés tous les foyers de la maison.
Dans la Stub, contre le mur à feu, est adossé le poêle -souvent unique- de la maison : il s'agit d'une construction maçonnée (terre cuite, fonte, très rarement faïence à la campagne) toujours alimentée à partir de la cuisine
pour des raisons d'esthétique et de sécurité et sans ouverture vers la Stub.
Tous les autres foyers de la maison essentiellement les cuisinières maçonnées se trouvent accolés à ce mur
pare-feu mais côté cuisine. Le four à pain se situe le plus souvent à l'extrémité de la cuisine, du côté de la ruelle,
où il fait parfois saillie sur le mur.
Dans toutes ces constructions le combustible se consumait dans un foyer fermé, sans déperdition de chaleur,
et les fumées des cuisinières de la cuisine.
Les feux et la circulation de la chaleur dans une maison alsacienne.
Si les poêles maçonnés en terre sont attestés très tôt en milieu urbain, à Strasbourg ont été retrouvés des vestiges de poêle en terre cuite qui remontent au VIIIe siècle. Leur existence en milieu rural semble confirmée seulement á partir du XVe siècle (Artolsheim).
Kacheloffe (poêle à carreaux).
La forme des éléments de poêle en terre évolue dans le temps : de tronconiques (Vllle - Xllle) ils se transforment en carreaux-bol (1250-1550) puis en carreaux plats à partir de 1550.
Les poêles en fonte
sont attestés en Alsace dés le début du XVI' (1519 plaque du château du Fleckenstein) mais ils n'y seront fabriqués que dans la seconde moitié du XVIIe. Composés d'un assemblage de caissons (Kaschteofe) sur lesquels sont fréquemment représentées des scènes bibliques (Bibelofe), ils peuvent aussi prendre la forme de tambours superposés (Pommerofe).
Fin XIXe. se multiplient les poêles mobiles qui marqueront la fin de la Stub comme unique salle chauffée et qui annoncent l'individualisation des espaces.
Description du système par Lazare de la Salle, " Mémoires de deux voyages et séjours en Alsace, 1674-76 et 1681 ", Mulhouse 1886
Il y a un grand fourneau de fonte ou de terre vernie, que l'on chauffe par le moyen d'une ouverture qui est dans le mur répondant à la cuisine, de sorte qu'on ne voit point le feu quoique l'on en sente la chaleur jusque dans les endroits de la chambre les plus éloignés du fourneau. Comme d'ordinaire il est orné de bas-reliefs ...cela passe d'abord dans l'esprit d'un étranger qui n'en a jamais vu, pour une armoire à la mode du pays.
LES DEUX PIECES RECONSTITUÉES AU MUSÉE ALSACIEN
DE STRASBOURG
La cuisine
Principal lieu de travail des femmes, la cuisine est le centre vital de la maison, le lieu de l'eau et celui du feu, le lieu où est préparée la nourriture quotidienne de la famille. Ces différentes fonctions se traduisent par des aménagements particuliers qui sont, à quelques détails prés, les mêmes dans toutes les fermes de la plaine alsacienne.
La cuisine rurale
reconstituée au musée en 1910 mêle des éléments de cuisines rurales et urbaines. La cuisine rurale est de plan rectangulaire allongé ; sur le sol se trouvaient des dalles en grés ou des carreaux de terre cuite, plus rarement
de la terre battue, car il y avait presque toujours une cave sous la maison.
La cuisine se trouve dans l'axe de la porte d'entrée, on y accède par un vestibule. Sur l'autre petit côté se trouve
la seule fenêtre qui donne en général sur la ruelle séparant deux fermes.
Avant les années cinquante, où l'installation de robinets d'eau courante se généralisa, une pompe à main faisait remonter l'eau depuis la nappe phréatique. Au XVIIIe siècle, les femmes allaient chercher l'eau au puits dans de grandes cruches en terre cuite qui étaient ensuite entreposées sur un petit meuble (Wasserbank) placé à côté de l'évier. Derrière la porte de chaque cuisine était suspendu un coussinet rond (Wisch) que la fermière ou sa
servante mettait sur la tête avant d'y poser les cruches d'eau à transporter.
Sous la fenêtre est placé un évier en grés, dont l'écoulement se fait directement à l'extérieur. Les femmes se
lavaient en général à l'évier, au dessus duquel étaient accrochés un casier à peignes et un petit miroir. Les
hommes se lavaient plutôt à l'abreuvoir de la cour.
En ville, les déchets étaient mis dans une haute poubelle carrée placée prés de l'évier ou donnés à une ou deux
oies ou poules enfermées dans une sorte de placard à barreaux. À la campagne, ils étaient jetés dans la cour
sur le fumier où la volaille venait les picorer.
La plus grande partie de l'espace est occupée par les foyers maçonnés, regroupés sous la large hotte qui
guidait les fumées vers l'étage supérieur. Là se trouvait le réduit (Rauchkammer) où étaient suspendus le lard
et la viande de porc à fumer.
Dans la cuisine du musée ont été aménagés cinq foyers, de droite à gauche:
L'importance du foyer est due au fait que l'on préparait les repas pour de grandes tablées : familles élargies et nombreuses (grands-parents, oncles, tantes, domestiques ou valets de ferme vivaient sous le même toit.
Ce système des feux couverts a entraîné des modes particulières de cuisson. En effet, les recettes de la cuisine alsacienne donnent la préférence aux plats bouillis et mijotés au foyer, plutôt qu'aux plats grillés. On peut donner comme exemple la multitude des soupes avec ou sans viande, la choucroute, le Baeckoefe, la grande variété des gâteaux à pâte levée comme le Kougelhopf.
Certains modes de conservation des denrées alimentaires sont aussi adaptés à ce système de feux couverts ;
les fruits les plus abondants, pommes, poires et quetsches, sont séchés sur des plaques en tôle posées sur le
poêle de la Stub.
En découle aussi le nombre d'objets utilitaires en terre vernissée, mieux adaptés au feu couvert. Les marmites en
fonte ne possèdent pas de pieds mais un cercle de métal autour de la panse qui permet de les ajuster aux
ouvertures des cuisinières.
Ce système a aussi entraîné certaines formes de relations domestiques, avec une séparation presque exclusive
entre la pièce ou l'on prépare les repas, la cuisine et la pièce où on les mange, la Stub. Cette distinction peu
courante dans les maisons rurales françaises détermine un certain nombre d'attitudes. La cuisine compose un
univers exclusivement féminin, où la femme règne sur les feux. La Stub par contre est une pièce mixte à dominante sociale.
La cuisine est souvent un local sombre et enfumé, un lieu de travail où l'on ne séjourne que pour préparer les
repas ou alimenter le feu. On y trouve très peu de mobilier : parfois une table basse en sapin, plus souvent un
billot, parfois un buffet garde-manger aux portes garnies de croisillons permettant la circulation de l'air (mais pas
celle des rongeurs). Le vaisselier, meuble assez rare, destiné à présenter la belle vaisselle, était plutôt placé
dans le vestibule ou la stub tandis que la vaisselle ordinaire était entreposée sur les étagères murales de la
cuisine.
Accrochés en hauteur, divers accessoires (ici bien plus nombreux que dans une cuisine de ferme) sont aussi
placés dans la pièce :
Dans la cuisine du musée, les accessoires sont très nombreux. On aperçoit des cruches à lait caillé, des
faisselles à fromage blanc, des moules à gâteaux. Prés du four à pain sont placés les panetons en paille de
seigle doublés de tissu où la pâte à pain (pâtons) est mise à lever, la longue pelle à enfourner le pain, des
casseroles de toutes sortes ainsi que les louches et écumoires
La Stub de Wintzenheim (du latin " stuba " pièce susceptible d'être chauffée, cf. étuve)
Si la cuisine est le centre vital de la maison, la Stub est le centre de la vie sociale et familiale des occupants de
la ferme. Elle occupe dans le plan de la maison une position essentielle : située au rez-de-chaussée, elle donne
à la fois sur la cour et sur la rue et fait ainsi le lien entre i'espace privé et l'espace public. C'est la pièce commune
de la maison (nommée " poêle " dans les régions francophones d'Alsace), celle où les habitants de la ferme se retrouvent aux repas, mais aussi le soir, pour vaquer chacun à ses travaux ou encore participer à une veillée
collective.
Grâce à la présence du poêle, chargé depuis la cuisine, la Stub est la seule pièce chauffée de la maison. L'impression de chaleur et de confort est accentuée par la présence des boiseries qui garnissent les murs.
L'alcôve
La Stub est divisée en deux parties par une cloison de bois comportant deux larges ouvertures permettant d'accéder à l'alcôve dans laquelle se trouve d'un côté le lit des maîtres de maison ; le lit conjugal est étroit et surtout très court par rapport aux normes actuelles, ce qui s'explique par le fait que les gens y dormaient presque assis, le dos redressé par de gros
oreillers. II est couvert d'un ciel en bois peint sur lequel est parfois inscrit un texte de prière du soir.
Derrière la deuxième ouverture de l'alcôve se trouve souvent le berceau du dernier-né, qui profite ainsi de la
chaleur du poêle avant de rejoindre, lorsqu'il sera plus grand, ses frères et sœurs dans les chambres non
chauffées de l'étage.
L'espace collectif
II est meublé sur le même principe dans presque toutes les fermes de la plaine et des collines sous-vosgiennes. La table est un des lieux stratégiques, elle se trouve en effet toujours placée dans l'angle du poteau cornier, et le maître de maison, assis contre le mur, préside la tablée tout en surveillant d'un oeil ce qui se passe dans la cour, de l'autre ce qui se passe dans la rue.
À sa droite, sur le banc de coin qui borde la table sont assis ses fils, en général par ordre décroissant d'âge. La fermière et ses filles occupent les chaises placées sur les deux autres côtés de la table d'où elles pourront facilement se lever pour aller chercher des plats à la cuisine.
Au-dessus de la table, dans le coin correspondant à l'extérieur du bâtiment au poteau cornier, est suspendu
un petit placard triangulaire où sont renfermés les papiers de la famille, la Bible, des images saintes et parfois
des objets de dévotion. II est donc appelé le "coin du bon dieu " (Herrgottswinkel).
Entre la table et la porte d'entrée de la pièce se trouve le buffet où l'on range la vaisselle, les nappes, le pain
(derrière le volet rabattable du milieu) ou encore l'argent, dans un des petits tiroirs latéraux qui est fermé à clé
et dans l'autre, les couverts. Très souvent, ce meuble est intégré dans la boiserie et ne peut donc être déplacé.
Dans le reste de la pièce sont dispersés les instruments de travail des femmes. Celles-ci occupent leurs soirées
à broyer le chanvre, filer le lin avec le rouet, en faire des écheveaux sur le dévidoir. Pendant ce temps, les
hommes font de petites réparations ou se rassemblent autour de la table pour jouer aux cartes et boire du
schnaps.