Essor de la vente des pétrins mécaniques.
Beaucoup de pétrins mécaniques désormais plus efficaces, seront installés dans les quartiers électrifiés des villes. Ailleurs, jusque vers 1918 des moteurs à explosion assureront la force motrice des pétrins (qui tournent à vitesse lente). On estime que seulement 5% des boulangeries parisiennes possédaient des pétrins mécaniques avant 1914. Il y en aura 95% en 1931.
1920 : après la guerre, les récoltes sont très faibles.
Les taux d'extraction élevés vont être maintenus. Il faudra même utiliser des farines
d'autres céréales en mélange avec la farine de blé. Ceci explique, à un certain moment,
la dégradation de la qualité du pain.
1921 : des fabriques industrielles de biscotte.
La consommation de biscottes est en plein essor. En effet, il a été apparemment possible
de continuer à se procurer des farines assez blanches pour cette fabrication. Des fours
tunnels sont désormais utilisés pour la cuisson et le grillage.
1922 : "le blé sauvera le franc"
Un ministre de l'agriculture lancera ce slogan lors de la semaine nationale du blé et du
pain. Les sélectionneurs de céréales sont invités à trouver au plus vite des variétés de
blé performantes, afin de faire cesser les importations coûteuses. Ils s'aideront de la
première version de l'alvéographe de Chopin. A l'automne 1922, compte tenu de la
médiocre récolte, le gouvernement diffuse des affiches demandant aux français d'éviter
de gaspiller le pain.
Reconstruction des grands moulins.
Dans les villes de grands moulins modernes sont reconstruits (Grands Moulins de Paris, de Lille). Très vite, ils produiront des farines à 'force constante'. Les petits moulins à vent ou à eau toujours équipés de meules perdent leurs clients boulangers. Ils continueront cependant à écraser des céréales secondaires pour le bétail.
Le brûleur à fuel.
Inventé en 1918, le brûleur à fuel se diffuse vers 1922 dans les villes.
A la campagne, il est plus facile et moins coûteux de continuer à chauffer au bois.
C'est pourquoi le brûleur à fuel apparaîtra beaucoup plus tard (1930 / 1945) avec de grandes différences suivant les régions. Avec le projecteur de flamme, ou 'gueulard',
le bois brûle dans un cendrier sous la sole. Ainsi, use-t-on beaucoup moins le
carrelage du four. L'enfournement à la pelle nécessitait une grande expérience. La baladeuse électrique permet de voir enfin très clair dans le four.
1924 : le batteur mélangeur
permet d'éviter de pétrir à la main les pâtes de viennoiserie. Il rendra également d'énormes services aux pâtissiers pour la préparation de leurs crèmes.
1929 : des farines suspectes.
En décembre 1929, la situation céréalière s'inverse. A la suite d'une récolte record, le gouvernement limite alors au maximum l'importation de blés de force. Certains meuniers
ne pouvant plus acheter de blé de force, sont suspectés de blanchir chimiquement leur
farine et d'employer des produits oxydants interdits tel le bromate de potassium. Une
polémique activée par de nombreux articles de presse s'engage. Les fraudes cesseront rapidement.
1930 : la grande époque du pain français.
1936 : armoires frigorifiques pour
la pâtisserie.
Vers 1936, les société Frigidaire et Bonnet commercialise des armoires frigorifiques. C'est un progrès considérable. Depuis le début du siècle le marché de la pâtisserie s'est beaucoup développé, de nombreux boulangers fabriquent et vendent de la pâtisserie.
1936 / 39 : les tourneuses mécaniques.
Inventées vers 1926, les premières tourneuses (façonneuses) apparaissent dans les biscotteries, puis dans quelques grosses boulangeries urbaines. La mise au point de cette machine pose beaucoup de problèmes, car les pâtons ayant subi un long temps de pointage, se prêtent mal au
façonnage mécanique.
1937 : création du comité central des farines et du pain.
Soucieux de la baisse continue de la consommation de pain, les instances professionnelles
créent cette structure de propagande. Son but : réhabiliter le pain. Pendant quelque temps,
à la demande du corps médical le germe de blé sera réintroduit dans la farine panifiable.
1939 : nouvelle méthode de panification
Dans ces années, essentiellement en ville, la nouvelle méthode de panification sur direct
s'impose . Elle se caractérise par l'emploi de farines peu extraites, d'un pétrissage lent, de
faibles doses de levure, de l'ordre de 7g au litre de boulange. Le pointage est très long
jusqu'à 4 H, entrecoupé d'une ou deux ruptures. Pesée et façonnage manuels, suivis d'un
apprêt court, favorisent l'obtention d'une crème très irrégulière.
Les professionnels qui ont fabriqué ce pain à cette époque, en gardent un excellent souvenir.
La réputation de la baguette française dépasse largement nos frontières. Les boulangers parisiens proposent du pain chaud en fin d'après-midi.
Parallèlement, en province, le travail mixte levain/levure gagne du terrain. Car la levure de panification fabriquée à partir de mélasse depuis 1922, se conserve mieux et est mieux
diffusée.
1940/48 : pénuries de farine.
La guerre et l'Occupation perturbent complètement les approvisionnements. Les taux d'extraction augmentent, puis on incorpore parfois jusqu'à 40% de farine de succédanés ( seigle, orge, riz, fèves et maïs). A la qualité très médiocre du pain s'ajoutent les tickets de rationnement. Curieusement, les fabricants de biscottes parviennent à obtenir des farines passables et maintiennent ainsi un niveau minimum de qualité. Beaucoup de consommateurs se détournent du pain.
Les campagnes souffrent moins de ces rationnements que les villes, et les paysans remettent
en chauffe le vieux four à pain, ou en reconstruisent de plus petits. On assiste à une reprise
de la fabrication du pain de ménage dans les fermes.
Les fournils se modernisent. La boulangerie est encore une activité largement artisanale, même si les produits industriels sont des succès commerciaux auprès des consommateurs urbains.
1950 : engouement pour les baguettes moulées.
1950/55 : sélectionner de meilleurs blés.
Le gouvernement impose dès 1954 une valeur de W minimum à l'alvéographe de Chopin (qualités plastiques de la pâte) pour l'inscription des nouvelles variétés de blé. Par ailleurs, à partir de 1955, la France devient autosuffisante en blé.
A nouveau de nouvelles attaques contre le pain.
Des années 1945 à 1959, le pain fait l'objet de violentes attaques plus ou moins fondées. On reproche déjà au pain de faire grossir, de provoquer la maladie d'amidonisme, et même d'être responsable de certains cancers, des caries dentaires, de la progression de l'alcoolisme... Des slogans du style 'donnez-nous notre pain et non notre poison quotidien', donnent lieu à des procès. La cuisson avec des brûleurs à mazout est très critiquée.
Un nouveau Comité Interprofessionnel
Meunerie - Boulangerie
est créé en 1953, suivi par le CIFAP : Centre d'Information des Farines et du Pain en 1956.
Une boulangerie très artisanale.
En 1955, on recense environ 55.000 boulangers pour 43,6 millions d'habitants. Les instances professionnelles déplorent la politique d'écrasement du prix du pain et les faibles marges. Elles estiment que 25% des boulangeries
subsistent grâce aux ventes annexes. 50% végètent, et les derniers 25% sont en
dessous du seuil de rentabilité. Beaucoup de boulangeries rurales pratiquent encore l'échange blé/pain.
La méthode pain blanc de M. Abert.
Monsieur Abert, ouvrier boulanger, qui effectue des remplacements dans de nombreuses boulangeries du Choletais, de la Vendée, du Maine et Loire, va découvrir et mettre au point la technique de pétrissage intensifié. En changeant la poulie et la courroie d'entraînement du pétrin et en augmentant le temps de pétrissage, il est le premier à obtenir un pain d'une blancheur et d'un volume jusque-là inconnus.
Il diffusera régionalement sa méthode, moyennant une rémunération modique, dans les années 54/59.
1955 / 56 : diffusion nationale très rapide du pétrissage intensifié.
La presse professionnelle relate cette nouvelle méthode. Un traité de panification 'pain blanc'
sera diffusé par la Société d'améliorants Vitex en 1957. La réduction très importante du
pointage, les temps d'apprêt plus longs permettront le "3 sur couche", nouveau diagramme
dans lequel trois fournées sont pétries et façonnées, avant que n'intervienne la première
cuisson.
Le succès du pain blanc est foudroyant et les consommateurs apprécient énormément ce nouveau pain caractérisé par un très bel aspect extérieur un volume élevé et une mie très blanche.
Modernisation des fournils.
Les vieux pétrins ne supportent pas longtemps ce sur-régime. Dès 1955, la société Rex propose un pétrin à deux vitesses. Ce surpétrissage échauffe notablement les pâtes. Le premier refroidisseur d'eau est commercialisé en 1955 dans le Choletais par la société Magneron. La réduction du temps de pointage facilite le façonnage mécanique des pâtons.
1956 : apparition des façonneuses obliques à tapis différentiel.
1957 / 58 : développement des ventes
des fours indirects à vapeur.
Les fours à fosse avec enfournement à la pelle, utilisés depuis deux décennies dans les grosses boulangeries, vont céder la place à des fours à étage. L'enfournement automatique sera facilité par la meilleure tolérance des pâtons issus du pétrissage intensifié.
Il existe une grande résistance des boulangers aux fours métalliques.
Les premiers semblent avoir été les fours cyclothermes (recyclage d'air chaud grâce à un ventilateur). Les fours à vapeur à tube Perkins annulaire seront tout d'abord semi-métalliques puis métalliques avec un foyer en briques réfractaires.
Vers 1957 apparaissent les premières constructions en série de fours à vapeur.
1957 : portes vitrées transparentes.
1958 : apparition du pain de mie tranché
fabriqué industriellement qui connaîtra un succès croissant.
Premières diviseuses destinées aux artisans boulangers.
1959 : nouvelles usines à Pain.
La boulangerie industrielle apparaît et se développe rapidement dans les grands centres
urbains ou la restauration hors foyer progresse. La vente des fours tunnels s'intensifie à
partir de 1962.
1959 : assouplissement de la taxation du pain;
Par la création d'un secteur libre pour les pains de 3 livres de 500g et de 250g (le prix des
ficelles et des petits pains était déjà libre). Restent taxés le pain de 4 livres, le pain boulot,
le 700g de 50 à 60 cm, le 300g de 30 à 50 cm. Cette époque marque sans doute la fin des goûters des enfants à base de larges tartines beurrées et le début des casse-croûte et autres 'choco' issus des biscuiteries industrielles.
Après la recherche d'un pain toujours plus blanc, le consommateur revient à des goûts plus typés. Les boulangers diversifient leur gamme de pains spéciaux et reviennent à des méthodes de fabrication traditionnelles : levain naturel, pâte peu pétrie mais très fermentée, four à bois. Le prix du pain est libéralisé en 1986. La concurrence des industries et des grandes surfaces se fait plus rude. Mais le dynamisme et le talent des artisans français leur assure un prestige qui ne connaît pas de frontières.
1960/1962 : vogue des pains de campagne.
Au début des années soixante apparaissent les premiers pains spéciaux. le pain de campagne se développe en ville au moment même ou la consommation de la baguette progresse en campagne...
Les substituts du pain progressent également de 1938 à 1963, la consommation de biscottes passe de 38 000 à 80 000 tonnes annuelles. La vente de pain grillé se développe à partir de 1961.
Apparition de groupes automatiques
pour artisans boulangers qui permettent d'importants gains de productivité dans la fabrication du 'pain blanc'
Le développement du pétrissage intensifié induit une dépendance accrue vis à vis des additifs 'le comprimé', 'la pastille' ou 'le granulé' d'acide ascorbique.
1963 : la pousse lente.
A 10° environ, première application de la cuisson différée. Les premières tentatives
remontent aux années 1933, puis entre 1955 et 1959, plusieurs boulangers expérimentent
cette technique qui reportait la cuisson d'une douzaine d'heures au maximum.
Dès 1963 : la pousse lente se diffuse dans les villes. Vers 1965/1966, elle connait un réel
succès.
1963 : un décret interdit l'installation de brûleurs à mazout.
1963 : instauration des types officiels
des farines,
basés sur la teneur en cendres de celles-ci. Auparavant le taux d'extraction était fixé en foction du poids à l'hectolitre ou poids spécifique du blé.
1963 : apparition de la technique
dite de pétrissage amélioré,
compromis entre le pétrissage lent et le pétrissage intensifié.
1964 : exportation de la technique du pain français.
Dès 1957 des boulangers français ont exporté leur savoir-faire et les équipementiers du matériel. En 1964, le pain français s'exporte plus encore, en particulier en Europe du nord mais aussi au Japon, aux Etats-Unis.
1965 : quelques applications de congélation de pain cuit.
1965 : apparition des couches automatiques
qui permettent un gain de temps très appréciable à l'enfournement (transi-pat, pani Matic etc..).
1967 : "le travesti farine" ou la célèbre colère du professeur Calvel
qui s'insurge contre une pratique qui consiste à fariner abondamment un pâton issu d'une fournée ordinaire et à le vendre pour un pain de campagne...
1968 : premières farines prêtes à l'emploi.
Le marché des pains spéciaux ne cesse de croître, c'est pourquoi les Grands Moulins de Paris vont proposer à leurs clients des farines prêtes à l'emploi, ainsi que les fiches de fabrication correspondantes. Cette assistance à la boulangerie va se confirmer dès le début des années 1970 par la multiplication des "démonstrateurs" des grands moulins.
1967/68 : des innovations déterminantes.
L'instauration de la TVA permet des progrès dans la gestion des petites boulangeries, elle coïncide avec la disposition des dernières coopératives boulangères et des dernières formes d'échange blé contre pain en zone rurale.
Naissance de la grande distribution.
Les tous premiers fournils voient le jour dans les hypermarchés, ils sont généralement très mécanisés, utilisent des fours rotatifs et se servent du pain comme produit d'appel. De 1968 à 1973, la quasi totalité des hypermarchés s'équipent en fournils.
1970 : investissement des artisans
Au cours des années 1970, on assiste à un très grand mouvement d'équipement en matériel, en particulier les enceintes permettant la pousse contrôlée. Durant cette période, on constate également un net accroissement des ventes de pâtisserie.
1972 : inauguration de l'INBP de Rouen
qui prend le relais de l'Ecole de Boulangerie ouverte en 1950.
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