1811 : la Lembertine primée.
Inventée vers 1796 par Lembert, cette machine à pétrir sera primée lors d'un concours organisé par la Société d'Encouragement. Le succès commercial ne répondra pas aux attentes de l'inventeur, car il s'agissait d'une simple mélangeuse peu efficace.
1813 : encore des disettes.
La France connaît dans les années 1813 à 1817 des disettes sérieuses pendant lesquelles resurgiront des pains de diverses céréales, voire même de châtaignes. Heureusement,
les cultures de la pomme de terre et du maïs, en extension, permettront d'atténuer les
effets de ces pénuries alimentaires.
1823 : des moulins
automatiques.
Inventée par Olivier Evans aux U.S.A, appliquée entre temps en Angleterre, cette mouture automatisée, revue et corrigée par les minotiers français représente un pas de plus dans la qualité de la farine.
Le taux d'extraction de la farine première passe de 62 à 70%. le gouvernement espérant ainsi faire baisser le prix de la farine et par conséquent le prix du pain encouragera la création de minoterie sur ce système.
1824 : vogue des pains anglais.
Un nouveau pain anglais est à la mode, il se fabrique avec un levain liquide ensemencé
à la levure de bière. On y ajoute un peu de pommes de terre cuites et broyées, sa cuisson s'effectue en moules cylindriques. Quelques années plus tard, la grande vogue du pain
provençal provoque la venue à Paris d'ouvriers provençaux spécialistes de sa fabrication.
1830 : apparition des marques de farine.
Les boulangers des villes vont commencer à acheter des marques commerciales de farine
issues des minoteries parisiennes. D'une certaine manière ils y perdent en autonomie
puisqu'ils ne contrôlent plus l'achat des blé ni de la mouture, et qu'ils ne tamisent plus eux
même. Certaines minoteries vont devenir très puissantes et contrôler financièrement bon
nombre de petites boulangeries.
1834 : première mention écrite du coup de lame.
Vaury auteur du Guide du boulanger, décrit très précisément la coupe des "pains de table ou flûtes crevées, très serrées à la tourne, 8 pouces de long, pointues des bouts, posées sur couche, moulure dessous, séparées par un pli de couche. On les met au four les dernières, on les mouille légèrement avec une brosse puis on les coupe au dessus avec un canif, très légèrement, en inclinant la main, alors on les lève avec les mains pour les poser sur la pelle et on les enfourne. C'est toujours à bouche de four qu'elles doivent être mises, et on ne doit jamais ouvrir le four avant qu'elles ne soient bien jetées, ce qui
demande toujours au moins 8 minutes".
1836 : la boulangerie Mouchot, rue de Grenelle.
Il s'agit vraisemblablement de la première boulangerie privée de type industriel. Plusieurs
pétrins mécaniques y sont actionnés par un manège à chiens, puis par une machine à
vapeur ; des fours indirects aérothermes (inventés vers 1811 en Angleterre) assurent la
cuisson du pain.
1838 : essais comparatifs de pétrissage manuel et mécanique.
A l'issue des essais, le pétrissage manuel donne un rendement en pain supérieur. Les organisateurs attribuent ce résultat à la farouche opposition des ouvriers boulangers aux machines à pétrir. En effet, ceux-ci répugnent à tourner les manivelles qui actionnent les
fraseurs, car la force motrice adaptée n'existe pas encore. Les ouvriers redoutent aussi un chômage accru en cas de diffusion des pétrins mécaniques.
La boulangerie autrichienne.
En Autriche, la boulangerie fait preuve d'un grand dynamisme. Elle a une longue expérience des panifications ensemencées exclusivement à la levure de bière. Elle connait en outre plusieurs procédés pour sécher des 'boules à ferments', afin de les utiliser l'été lorsque les brasseries ne fonctionnent pas.
1839 : le baron Zang importe
le pain viennois à Paris.
Le succès est fulgurant. La croûte dorée fine et brillante de ces petits pains viennois plaît énormément. Après quelque temps, 55 porteurs assureront les livraisons de la boulangerie Zang. Pour répondre à la demande sans cesse croissante des consommateurs, il fera venir des ouvriers de Vienne.
1840 : vente du pain au poids et définition des pains.
Le pain taxé de première ou de deuxième qualité se présente en pain boulot de 2 kg d'une longueur de 65 cm. Appartiennent à la catégorie pain de fantaisie les pains de 2 kg en pâte ordinaire dont la longueur excède 70 cm et ceux d'un poids inférieur à 1 kg, quelle que soit
leur longueur. Autre catégorie les pains dits de luxe dans la formule desquels entrent lait,
beurre, sucre.
1840 : essor des boulangeries-pâtisseries très luxueuses
dans les quartiers riches de Paris. Le baron Zang dont les affaires sont très florissantes est sans doute à l'origine de ce mouvement. Les boutiques grillagées du dix-huitièmes siècle font place à des magasins avec de grandes peintures sous-verre, des vitres gravées, des céramiques, des meubles en marbre et des étagères porte-pains à volutes en fer forgé. Vers 1840, beaucoup de boulangers commencent à vendre de la pâtisserie au grand dam des pâtissiers qui intenteront un procès.
1848 : dernières émeutes du pain cher.
Le salaire journalier des ouvriers équivaut à 3 kg de pain. De plus, l'année 1848 voit le
prix du pain augmenter considérablement car un tiers de la récolte a été détruite par
l'alucite.
A Buzançais, dans l'Indre, quatre voitures de blé sont interceptées par des manifestants,
le négociant est assassiné, une grosse minoterie est saccagée. Les désordres se
généralisent.
1850 : la hantise de la faim disparaît.
La révolution agricole, amorcée en 1750, porte enfin ses fruits un siècle plus tard. Les
engrais utilisés, les techniques culturales nouvelles permettent une nette hausse des
rendements. D'une certaine manière, c'en est fini de la dictature de plusieurs millénaires
de faibles rendements agricoles générant des pénuries de pain.
Le froment surclasse toutes les autres céréales et la culture du seigle régresse.
Le train permet, c'est nouveau, de désenclaver certaines provinces moins favorisées.
Les terroirs se spécialisent : céréaliculture ou bétail. En 1860, le libre-échange permettra
en cas de besoin d'importer de grandes quantités de blé de Russie ou d'Amérique.
1856 : quelques rares applications de
pétrissage mécanique.
Les manutentions militaires et les boulangeries des hôpitaux ou des hospices de Paris vont s'équiper de batteries, de pétrins mécaniques actionnés par une lourde machinerie à vapeur. Seules les grosses boulangeries peuvent résoudre les problèmes de coût et de place posés par les machines à vapeur.
Une blancheur parfois suspecte.
Tout au long du dix-neuvième siècle de nombreuses fraudes sont attestées sur la qualité des farines, surtout lorsque les récoltes sont faibles. Les fraudeurs utilisent le plâtre, la craie, le kaolin, le sous-carbonate de magnésie, la fécule de pomme de terre, la farine de riz, le sulfate de cuivre.....
1863 : liberté de création de boulangerie.
Le gouvernement lâche un peu de lest sur l'oppressante réglementation concernant la boulangerie, il libère le commerce sans abroger la taxe espérant ainsi faire baisser le prix
du pain en favorisant la concurrence. En fait beaucoup de créations de boulangeries vont intervenir, elles sont à l'origine de l'atomisation des ateliers de fabrication.
Portage du pain par les femmes.
L'engouement pour les pains longs et les petits pains réduit la période pendant laquelle
les qualités gustatives du pain sont à leur optimum. C'est pourquoi, le portage du pain
va se développer, portage au tablier, à la poussette, au triporteur, à la charrette à chien,
à cheval. Parallèlement, la vente de pain sur les marchés diminue.
Métier pénible.
En 1715, un boulanger avait publié un poème intitulé "La misère des garçons boulangers de la ville et des faubourgs de Paris". Le pétrissage manuel est certainement la tâche la plus difficile, chaque pétris, levain compris, représente environ 170Kg. Elle dure de 30 à 40 minutes. Les auteurs de l'époque admettent que cette opération excède la force d'un homme de 40 à 50 ans.
1867 : la farine de fève : un succédané qui rend service.
La farine de fèves ou de féverolles fut utilisée à l'origine pour compenser des récoltes
déficitaires, elle fut incorporée parfois jusqu'à 20% du poids total de la farine. Utilisée à
plus faible pourcentage, les boulangers vont remarquer un effet améliorant. Selon Hendoux,
vers 1867, plus d'une trentaine de départements l'utilisent.
"La tranche de pain ne doit pas se délier dans le bouillon"
Les ouvriers consomment beaucoup de pain dans leur soupe, et ils attachent une très grande importance aux caractéristiques d'imbibition de la mie de pain.
Échec du pain réglementaire.
Le gouvernement essaie d'imposer un pain réglementaire composé avec une farine dont l'extraction dépasse 70% : c'est un échec cuisant. A la fin des années 1850, dans certains quartiers parisiens, les pains fantaisie représentent 40 à 50% de la fabrication.
1867 : brèche dans le travail sur trois levains.
Les rafraîchis indispensables pour maintenir le pouvoir fermentaire des levains imposent
aux ouvriers de revenir à intervalles réguliers au fournil. Le travail sur trois levains, qui
comprend le plus de pétrissages intermédiaires, va être progressivement remplacé par
le travail sur deux levains.
Ce sont les débuts de la boulangerie moderne. Les inventions sont nombreuses et l'accès
à des matières premières diversifiées est plus aisé. Pourtant, le pain va se raréfier à
l'occasion de la crise économique de 1929, puis avec l'occupation allemande.
1878 : farines de cylindres importées
de Hongrie.
L'Exposition Universelle de Paris va consacrer la supériorité des farines de Hongrie quant à la blancheur. La France, qui exportait depuis les années 1860, une farine de meule très appréciée va se retrouver quelques années plus tard importatrice de farines de gruaux de Hongrie.
Boulangeries rurales contre
pain de ménage.
L'installation de boulangeries rurales fait tache d'huile à partir des villes. La pénétration
des artisans boulangers varie en fonction des régions (plus rapide dans le nord de la
France que dans le centre et le sud). Le pain blanc de froment du boulanger est
considéré comme une friandise réservée aux jours de fête, aux malades, aux femmes enceintes. On le trouve trop bon, on a peur de trop en manger.
Vers 1860, les femmes renâclent à pétrir et les boulangers commencent le portage, ainsi que l'échange non monétarisé, blé contre pain.
Des fours plus perfectionnés.
Tout au long du 19ème siècle, les fours de boulangerie sont améliorés, des systèmes de chaînage métallique leur assurent une meilleure longévité, les façades sont en briques,
les voûtes plus basses, et les dalles réfractaires pour la sole se généralisent ainsi que
les ouras.
1875 : premières publicités de matériel de boulangerie.
1883 : le prix du blé baisse, la consommation de pain également.
Dans les années 1880, le prix du blé baisse nettement, le niveau de vie s'élève sensiblement,
les ménages diversifient leur alimentation. Les pains viennois sont désormais fabriqués dans
tous les quartiers de Paris et quelques biscuiteries industrielles voient le jour.
1884 : biscottes artisanales.
Des boulangers développent la fabrication de "pain grillé des trois rois", de biscottes de Paris, de Bruxelles, de pain aux eaux minérales , de "pain ferrugineux constant", de pain hygiénique et même de "pain au son" (1878).
1885 : les maires taxent le pain.
Une loi municipale autorise les maires à taxer et à surveiller le commerce du pain. Certains font paraît-il campagne sur le thème "voter pour moi et vous paierez le pain moins cher".
Extension de la panification sur poolish.
La fabrication du pain ordinaire sur poolish (pâte fermentée très liquide ensemencée
à la levure plusieurs heures avant le pétrissage) gagne du terrain. Il est vrai que la
nouvelle levure de grain est beaucoup plus performante que la levure de bière. Le
pain ordinaire ensemencé à la levure prend le nom de pain viennois. L'appellation
pain français désigne le pain obtenu sur levain.
1885 : la mouture sur
cylindre s'impose.
Des expériences comparatives entre mouture sur meules et sur cylindres ont démontré en 1885 la supériorité des cylindres quant à la blancheur de la farine obtenue. Dans les trois décennies qui vont suivre, la mouture par cylindre remplace la mouture par meules de pierre.
1895 : vives polémiques
à Paris à l'encontre du pain
blanc. A la suite de la parution d'un livre sur le pain, écrit par deux médecins, une virulente
campagne de presse réclame un pain naturel, rationnel, le retour aux farines de meules, au
pain "bis de nos aïeux".
Nombreuses inventions.
A la fin du 19ème siècle, les inventions ne manquent pas. Pourtant, la boulangerie française est nettement moins mécanisée que les boulangeries allemandes et autrichiennes. Les fours restent à chauffage direct, bien que, dès 1891 apparaisse le "phare Merlet" (appelé plus tard "gueulard") celui-ci permet la combustion de bois ou de charbon sous la chambre de cuisson.
1897 : présentation de fours à vapeur
à deux étages.
Il s'agit de fours à tubes Perkins non annulaires, inventés dans les années 1840 en Angleterre et commercialisés vers 1895 en Allemagne. Peu d'applications en France avant 1918.
1898 : types de pain.
Le pain Boulot de 4 livres, qui était la référence, va voir sa consommation baisser au début du 20ème siècle. C'est le pain de 1kg qui servira de base pour la fixation de la taxe du pain. De même, le pain 'marchand de vin' fendu ou grigné, va être remplacé par le pain de 2 livres long.
Les pains les plus longs du monde : 1,70 mètre pour un pain de 2kg, il s'agit sans doute
d'un record. Décidément, les Français apprécient les pains très longs riches en croûte.
1900 : des farines peu extraites.
Le taux d'extraction des farines n'excède pas 65% du grain afin d'obtenir la blancheur
maximale qui reste le critère de qualité. Entre 1898 et 1905, des tentatives de
blanchiement chimique des farines et de maturation artificielle sont effectuées, grâce à
différents procédés (Frichot, Andrew). Une commission d'étude conclura à l'inutilité de
ces traitements.
1904 : repos hebdomadaire et lois
sociales.
Le repos hebdomadaire vers 1904, un projet de loi interdisant le travail de nuit vers 1910, la baisse de la durée de travail vers 1920, toutes ces réglementations vont imposer des changements dans la conduite des fermentations et un recul du travail au levain dans les villes.
En 1907 apparaît la première définition officielle de la farine et en 1912 un congrès international des fraudes interdit la présence de produits chimiques dans la farine.
Pétrissage manuel et hygiène.
Un courant d'opinion s'émeut du manque d'hygiène du pétrissage manuel. Certains prétendent même que des ouvriers boulangers tuberculeux pourraient contaminer
le pain. A l'inverse il existe aussi des consommateurs réticents au' pain à la
mécanique ' qualifié d'artificiel.
1906 : importation de Diamalt.
Certaines farines sont dures à la couleur, le Diamalt (sirop de malt), de grande richesse diastasique, active la fermentation et assure un meilleur développement. En 1910, une usine de fabrication de Diamalt s'installera en France. Cet adjuvant de fabrication sera très utilisé par les boulangers.
Une multitude de pains régionaux.
Chaque région, chaque ville parfois, disposent de pains régionaux très appréciés localement. Citons entre autres la ravaille
de Toulouse, la Flambade, la branche de Nantes, la couronne bordelaise, le pain de Beaucaire. La pâte ferme est encore pétrie avec les pieds à Marseille.
1909 : de nouvelles expériences comparatives de pétrins mécaniques.
Quatorze pétrins furent essayés, les conclusions établirent que "le pain fabriqué
mécaniquement est identique au pain que fournit un pétrissage à bras bien conduit,
le pétrissage au moyen de pétrins mécaniques donne le même rendement que le travail
à bras". La commission préfère les cuves métalliques à fond arrondis et étamés aux cuves
en bois pour améliorer la sécurité, elle émet le voeu d'installer "des cuirasses protectrices"
1910 : boulangeries coopératives
ouvrières.
Apparues dans le nord de la France vers 1832, puis dans beaucoup de grandes villes vers 1873. Ces boulangeries se proposent de fabriquer et de vendre le pain à prix coûtant à ses sociétaires. Vers 1910, il en existe 1300, certaines feront faillite, d'autres telle que celle de Roubaix, réuniront plusieurs milliers de sociétaires et seront les premières à se mécaniser (bluterie à farine, pétrins mécaniques, diviseur à pâte et fours aérothermes). Certaines essaieront de promouvoir 'le pain du jour' qui permet de supprimer le travail de nuit.
1913 : pain blanc et alcoolisme !
Dans son livre "le pain naturel", Montenuis s'insurge contre les farines industrielles, il
accuse le pain blanc d'être responsable de l'amidonisme, de l'alcoolisme, il cite même un
certain Monsieur Jolly qui met en relation la consommation de pain blanc et l'affaiblissement
de la race... Dès cette époque, le pain perd son usage d'aliment de référence au profit de la viande "qui donne des forces", on observe aussi un discrédit du pain dans le monde médical.
1914 : un pain national puis
des tickets.
1917 : pénuries de farine.
1918 : pendant la grande
guerre, dès l'année 1915
des mesures sont prises pour rationner le pain.
Le gouvernement impose d'utiliser des farines plus extraites. En Avril 1917, un pain national
est institué. En Août 1917, les cartes de pain font leur apparition et en décembre 1917, la fabrication de la pâtisserie est interdite.
Les boulangers au front.
La mobilisation d'un grand nombre de boulangers va créer un double problème : trouver
des remplaçants compétents et aptes physiquement au pétrissage manuel. En outre, il faudra des personnes capables de conduire la panification au levain.