Histoire de la selle
La selle a bénéficié de deux importantes découvertes.
Le petit musée du cloître de l'abbaye de Westminster expose ce que l'on prétend être la plus
vieille selle complète du monde. Elle a été utilisée par Henri V et fut portée dans son cortège
funèbre en 1422. Ce qui est intéressant à son sujet, c'est qu'elle ressemble énormément aux
selles des Éthiopiens pour monter des mules. La selle d'Henri était en grande partie faite de
bois avec un haut pommeau vertical et un troussequin peu incliné par rapport au siège. Elle
donne l'impression d'être le genre de selle dont on ne risque pas d'être désarçonné par un coup
de lance.
Structure d'une selle
Le dessin ci-contre montre le bois (l'armature rigide de hêtre contreplaqué, munie, ici, de ressorts en acier) intercalé entre la partie supérieure de la selle et la partie inférieure soigneusement rembourrée appelée panneau.
Les pointes du bois s'insèrent dans les poches de pointe cousues sur le panneau quand celui-ci est finalement lacé sur la partie supérieure.
Confection d'une selle
Un profane qui regarde une selle moderne peut difficilement s'imaginer en train d'en faire
une, car une selle est un objet très complexe qui requiert toute l'habileté et expérience de
l'artisan. Quand le sellier doit faire une selle sur mesure pour un cheval particulier, il va voir l'animal avec un accessoire que ne possédaient sans aucun doute ni les Romains ni les
Mongols: il s'agit d'un morceau de câble "électrique gainé de plomb. Il le pose sur le dos
du cheval et le cintre (ce qui est très facile) de manière à épouser le profil des flancs.
Puis, avec précaution pour ne pas le déformer, il dessine le contour du câble sur une
feuille de papier.
3) Finition des panneaux
Les panneaux peuvent avoir des tailles et des formes variées,
ainsi que plus ou moins de surface en contact avec le cheval.
Les amples dimensions d'un panneau intégral bien fait,
représenté ci-contre, avec son beau capitonnage, donnent à
son possesseur l'impression d'avoir de l'or en barre.
Le bois de selle
De retour à son atelier, il choisit un bois, « un bâti en U dont la plus grande partie est en bois » qui s'adapte exactement à la taille du cheval. D'antan, les selliers font faire leurs bois de selle par des spécialistes. Il n'y a aucune raison pour que les bons menuisiers ne puissent pas en faire, mais, pour autant que je sache, les selliers ne s'adressent qu'à des spécialistes pour selles. Aujourd'hui, la tendance est de les faire en contreplaqué de hêtre renforcé de bandes d'acier.
Deux des bords de la pièce en contreplaqué forment la partie avant du bois, le pommeau.
On les prolonge en y rivant des pans de cuir. Ceux-ci seront introduits plus tard dans deux
poches en cuir du panneau, la partie inférieure de la selle.
Le faux-siège
L'opération suivante est la fixation de la toile du faux-siège, un système de bandes en toile
très forte, les unes longitudinales, les autres latérales. Les bandes longitudinales sont
clouées à la fois sur le pommeau et le troussequin, les latérales seulement sur la partie avant
du bois. Ces bandes latérales ont une très grande importance, car on coudra dessus les
sangles qui maintiennent la selle sur le cheval. Avant de placer la toile, il faut recouvrir de
cuir toutes les pièces d'acier du bois. Les bords des bandes latérales sont cousus ensemble,
puis la totalité de la partie arrière est recouverte d'une toile enduite de cire et solidement
cousue.
Il faut ensuite fixer les coussins du faux-siège de chaque côté de l'arrière de la selle. Il s'agit
de poches en peau de collet (le sellier doit choisir exactement le cuir convenant à chaque
partie de la selle qui étaient autrefois bourrées de laine pour faire coussin sous les fesses
du cavalier.
Montage du siège
Venons-en maintenant au montage du siège. De nos jours, il est plus souvent en caoutchouc qu'en toile matelassée de laine, comme on le faisait jadis. Le caoutchouc est probablement meilleur, car il ne se déforme pas. On enduit de colle le siège, la toile et les coussins du faux-siège, puis on les fait adhérer ensemble en les pressant avec un rouleau.
On tend sur le siège un morceau de serge que l'on cloue soigneusement aux endroits où il dépasse sur le bois. Il doit être parfaitement tendu et ne faire aucun pli.
Je peux affirmer que c'est plus facile à dire qu'à faire!
Vient ensuite l'habillage du siège, c'est-à-dire le découpage de la pièce de cuir
avec laquelle le cavalier est réellement en contact. Elle devrait être en peau de porc, et le fait qu'il y ait des machines qui l'imitent en imprimant le dessin sur du cuir de vache est bien
un signe de la pauvreté de notre époque. Il est regrettable que les Occidentaux aient pour
habitude de transformer la peau de porc « l'un des matériaux les plus beaux qui soient » en couenne, qui est archi dure dans le rôti ou que l'on jette presque toujours dans le cas du bacon.
Heureusement, les Chinois n'étant pas aussi absurdes, ils écorchent leurs porcs soigneusement
et c'est de Chine que nos peaux de porc sont importées.
Après avoir mouillé la peau de porc, on la cloue en place, légèrement, car les clous devront
être ôtés. On la bat pour la lisser et on la laisse sécher. Mais nous n'en avons pas encore
tout à fait fini avec le siège.
Petits quartiers, sangles et quartiers
On s'occupe alors des petits quartiers. Ce sont les deux éléments raides et épais qui
prolongent latéralement le siège près du pommeau. Composés de peau de porc, d'autres
cuirs et de toile, ils sont cousus au siège avec une bordure qui les délimite. La bordure est
un cordon autour duquel on a cousu un cuir très fin (dolé) qui l'entoure comme une peau de saucisson. On ôte le siège de la selle pendant cette opération qui demande beaucoup
d'adresse. En effet, la qualité du mariage du siège et des petits quartiers peut faire que
toute la selle soit réussie ou gâchée. Le siège est encore une fois mouillé et assis,
c'est-à-dire pressé fortement sur le bois de selle et, cette fois, cloué pour de bon.
On coud ensuite les sangles. Ce travail est très important, car, si les coutures partent, le
cavalier part aussi et peut se rompre le cou. Pour cette opération, les selliers préparent
leur propre fil en tordant ensemble et en passant à la cire plusieurs brins du meilleur lin.
Puis on prépare les quartiers. Ce sont de très grands pans de cuir qui pendent de chaque
côté de la selle et absorbent la pression des genoux du cavalier. Le bord avant des deux
quartiers doit être battu, mouillé et cloué sur une planche comportant un bloc qui a la forme
exacte de la bâte, le bourrelet qui retient les genoux du cavalier. Une fois en place, on
laisse les quartiers sécher à l'air.
Une bande de cuir repliée est cousue autour du devant des quartiers pour les renforcer,
puis on les fixe avec des clous de sellier sur le bois de selle et on les coud sur la toile du
faux-siège, de part et d'autre de la selle.
Confection du panneau
A ce stade, le sellier a terminé ce qu'on peut appeler le haut de la selle ; il lui reste à faire la
partie inférieure, le panneau, qui est en contact avec le cheval.
Avec ses onze éléments de cuir et de toile, le panneau est encore plus compliqué, s'il est
possible, que la partie supérieure de la selle. Il s'agit essentiellement de deux feuilles de cuir cousues ensemble, bourrées de laine et fixées sous le bois de la selle pour servir de coussin
entre celui-ci et le cheval, exactement comme la partie supérieure est un coussin placé entre
le bois et le cavalier.
Quand le panneau est terminé, on introduit les pointes (les extrémités du pommeau
prolongées par des pans de cuir) dans des pochettes en cuir qu'on y a cousues et on le lace
sur le siège.
Il est impensable que quiconque puisse concevoir d'emblée une selle moderne sans les
milliers d'années d'expérience qui l'ont modelée. Il y a tant de sortes différentes de selles ,
du bât d'âne, qui fait encore partie de la vie quotidienne des régions les moins industrialisées
du monde, aux selles de l'ouest des États-Unis surabondamment ouvragées, faites pour chevaucher durant des jours.
Les outils du sellier-bourrelier et leur usage
Le maniement de chaque outil de bourrellerie est très particulier. On a représenté ci-dessus quelques-uns de ceux utilisés pour la confection des harnais, des selles et des colliers, les
trois spécialités que recouvre la bourrellerie. On pose le pied de la pince à coudre sur le sol
et l'on serre ses mâchoires avec les genoux. Il est ainsi possible de maintenir un ouvrage en ayant les deux mains libres pour percer le cuir avec l'alêne et le coudre avec les aiguilles. On utilise une pince de blanchisseur en guise de pince à coudre, mais ce n'est qu'un pis-aller.
Quand l'ouvrage y est serré, on coud habituellement avec deux aiguilles à la fois. On passe
toute la longueur du fil dans le premier trou de la couture à faire, puis, avec une aiguille
enfilée aux deux extrémités de cette longueur de fil, on attrape à travers chaque trou la partie
qui est de l'autre côté du cuir et on fait une demi-clef. La couture ne peut pas se défaire,
même si le fil est coupé ou cassé.
La plupart des autres outils peuvent se diviser entre ceux de coupe (poinçons et couteaux)
et ceux de marquage (rainettes et griffes). La rainette est habituellement chauffée avant
sage. On utilise la grande rainette à épaule pour les cuirs épais en pesant avec l'épaule sur
la poignée. La paumelle est une sorte de dé; placée dans la paume de la main, sa surface bosselée arrête les aiguilles qui glissent.
On empoigne le pilon pour compresser la matière des parties rembourrées de la selle.
La pince à tendre sert à étirer le cuir sur un bord. On utilise l'excroissance de la mâchoire
comme un appui de levier quand on tend la toile à sangle pour la clouer sur le bois de selle.
Je suis persuadé que le premier individu qui imagina d'employer une autre créature que
sa femme pour tirer un chariot a dû concevoir un système ressemblant à notre moderne
bricole. L'animal tire avec son poitrail appuyé sur une large plaque de cuir rembourrée
qui agit très efficacement pourvu qu'elle ne soit placée ni trop haut ni trop bas. Mais quand
il fallut tirer de lourdes charges ou de grosses charrues sur un sol difficile, on a constaté
que cette bricole gênait la respiration de l'animal et on a utilisé le collier. Cependant, un
cheval ne peut retenir le véhicule à roues qu'il traîne, même si celui-ci a des freins, sans
les brancards qui maintiennent la voiture à distance convenable.
Harnais pour collier et brancards
Il faut une large sellette rembourrée qui supporte le poids des brancards (sans doute aussi une part de la charge du véhicule quand il n'a que deux roues et pèse sur l'avant). Une sangle autour du ventre maintient les brancards abaissés si l'arrière de la voiture est trop lourd. Pour empêcher le véhicule d'aller plus vite que le cheval, il faut entourer cuisses d'une large courroie, l'avaloire. Des chaînes ou des courroies relient tous accessoires aux ferrures des brancards. Enfin, pour éviter que tout ce harnachement ne glisse vers l'encolure du cheval, on ajoute une croupière. C'est une courroie comportant une ouverture dans laquelle on passe la
queue de l'animal. Il est très important que tous les harnais soient parfaitement ajustés sinon le cheval est incommodé et tire mal.
Harnais de trait
Le harnachement représenté ci-dessous est conçu pour tirer des véhicules lourds comme
les chariots de ferme. On peut imaginer les brancards de la voiture encadrant les flancs du
cheval et reliés par des chaînes de trait à l'avaloire, à la sellette, à la sous-ventrière et au
collier.
L'A B C du métier
L'artisan découpe le cuir en bandes avec un couteau mécanique qui ressemble à un trusquin
de menuisier, mais coupe au lieu de tracer une ligne. Il amincit les bandes avec une fenderie;
c'est une lame très coupante vissée horizontalement sur une table. Puis à l'aide d'outils
coupants, il abat les arêtes vives des bandes. Celles-ci sont souvent rainetées, c'est-à-dire
que le bourrelier trace des lignes décoratives tout près du bord de la courroie avec de petits
outils affûtés « les rainettes » qui ont été chauffés au-dessus d'une flamme, pas trop,
cependant, pour ne pas roussir le cuir.
Le travail le plus délicat en bourrellerie est la couture du cuir. On utilise du fil de lin parce
qu'il est extrêmement solide et durable; il est souple et ne coupe pas le cuir. La longueur du
fil doit être huit fois celle de la couture. On imprègne ce fil en le passant de la cire d'abeille.
Tous les trous des coutures sont tracés avec des griffes avant d'être percés avec une alêne.
Quand on veut joindre les deux bouts d'une courroie, on les « dole » avec un demi-rond (ou couteau à pied) afin d'ôter une partie du côté chair du cuir jusqu'à ce que les deux bouts
puissent s'ajuster en biseau sans former de surépaisseur dans le harnais, le fini étant ainsi
de meilleure qualité.
.
Quand on" regarde une photo d'un gros cheval tirant une charrue, ou une voiture livrant des barils de bière, la première chose que l'on remarque est l'adaptation parfaite de l'animal à la traction d'une lourde charge.
En y regardant de plus près, on constate que c'est le collier rigide qui reçoit l'effort pour le répartir régulièrement, plutôt sur les épaules de la bête que sur son encolure et sa trachée-artère.
Cela paraît tout simple, mais le collier est pourtant une invention récente.