CONSTRUCTION et CONSECRATION
DE LA
NOUVELLE EGLISE
L'évènement marquant de la deuxième république à Erstein est la reconstruction de l'église paroissiale Saint Martin.
En 1823, la question de la reconstruction de l'église était déjà à l'ordre du jour. L'ancienne église était bien trop petite et ne répondait plus aux besoins de la communauté catholique. Avant la révolution, les fidèles disposaient encore de l'église conventuelle comme appoint mais celle-ci a été démantelée dans les conditions décrites dans la chronique. Mais comme toujours ce projet avorta faute de ressources.
En 1840, le conseil municipal vota les crédits pour la reconstruction de la Mairie. Le vicaire GACHOT profita de cette circonstance pour, du haut de la chaire, dénoncer l'état de délabrement de la maison de Dieu à Erstein et fustiger les élus devant ses ouailles. Mal lui en prit car le mairie de l'époque Aloise DERIVAUX alla se plaindre au sous-préfet afin que le vicaire soit déplacé pour troubles à l'ordre public.
En 1856, ce fut au tour du Curé DEYBACH de quitter la communauté suite à une dispute violente avec la municipalité concernant l'axe de la nouvelle construction. Le Curé prônait un axe nord-sud pour son église mais pour le Maire Ferdinand ESSER et son conseil c'est l'axe est-ouest qui serait retenu. Suite à des pressions le Curé fut remercié et nommé à Turckheim.
Dessin de l'ancienne église publiée dans le livre de l'Abbé FRIEDEL. La nef daterait du XII ème siècle, le chœur a été restauré à la fin du XVII ème, la tour date de 1715/1716 construite par Peter THUMB. Autour de l'église on peut apercevoir l'ancien cimetière.
Suite à ces trentes années de fâcheries clochemerlesques la nef et le chœur de l'église furent démolis en 1858. Ne subsista que la tour de Thumb qui fût conservée. Pendant ce temps, la communauté dût se contenter de « l'Etapenmagazin »...
La reconstruction de l'édifice pris deux ans (1859-1861).
L'Abbé BERNHARD (), participant aux célébrations religieuses de la pose de la première pierre et de la consécration de l'église, dans son livre nous relate ces journées :
« Le 13 septembre '1859 eut lieu la belle et imposante cérémonie de la pose de la première pierre du nouvel édifice.
" La cérémonie fut présidée par Sa grandeur Mgr. RAESS évêque de Strasbourg. On remarquait parmi les nombreux invités M. l'abbé FREPPEL, alors professeur à la .faculté de théologie de Paris, aujourd'hui évêque d'Angers, M. OEHL curé de St. Pierre-le-jeune à Strasbourg, M. UHLMANN curé à Mulhouse, M. DIETRICH curé à Benfeld. M. BURGLIN, curé à Obernai, etc.. Autour de M. le maire ESSER, on distinguait M. de MULLENHEIM, sous-préfet de Schlestadt, M. le baron Franz de BULACH, chambellan de l'empereur Napoléon III, M. le baron de REINACH de Niedernai, M. de KESSLING etc.
Après la cérémonie religieuse, prescrite par l'église, Mgr. RAESS adressa à la foule recueillie des paroles touchantes; Sa Grandeur commenta ce verset de l'épitre aux Ephésiens (II. 20):
superaedificati super fundamentum apostolorum,
et prophetarum, ipso summo angulari lapide Christo Jesu.
Construit sur le fondement des apôtres et des prophètes,
Jésus-Christ en étant lui-même la pierre angulaire.
L'émotion gagna tous les cœurs quand le vénérable Pontife, en paroles éloquentes appela les bénédictions célestes sur les habitants d'Erstein, si généreux dans leur foi. »
« Mais le jour le plus beau, le plus touchant et le plus consolant pour la population catholique d'Erstein, fut le dimanche, 6 octobre 1861, jour de la consécration de l'église".
Sa Grandeur Mgr. RAESS voulut encore présider cette belle cérémonie. La veille Mgr. se rendit au château de M. le baron ZORN de BULACH à Osthausen: c'est là que 40 cavaliers allèrent le rejoindre le lendemain, pour l'escorter jusqu'à Erstein.
Le son joyeux des cloches salua l'arrivée de Sa Grandeur; les rues étaient semées de fleurs, couvertes de verdure et les maisons étaient ornées de magnifiques guirlandes. M. BERNHARD, curé de la paroisse, reçut Monseigneur sous un arc de triomphe et lit un petit discours de réception, dont l'éloquence n'étonna personne, car tous connaissaient le beau talent oratoire du digne et regretté curé d'Erstein.
Parmi les nombreux membres du clergé on remarquait le R. P. abbé de la TRAPPE d'Oelenberg, M. le vicaire général RAPP, un enfant d'Erstein, MM. BIOT et DIEMERT chanoines de Strasbourg, M. MEYER, curé de Colmar, M. WORM, supérieur des sœurs de la Providence à Ribeauvillé, MM. OEHL et DAULL, curés à Strasbourg etc.. Parmi les autres invités on distinguait M. de MULLENHEIM, M. le baron ZORN de BULACH, M. Franz de BULACH fils, M. RINGEISEN, architecte de l'église etc..
Mgr. RAESS procéda de suite à la consécration du nouvel édifice. A dix heures M. RAESS, neveu et secrétaire de Mgr., monta en chaire et dans des paroles bien senties, avec une diction claire et une pieuse onction, expliqua les cérémonies de la consécration.
Après le sermon, on alla processionnellement à l'église provisoire pour y chercher le st. sacrement.
N. S. Jésus-Christ sortait véritablement de l'étable de Bethlehem pour entrer dans un temple digne de la gloire du Très-Haut. Beau et touchant spectacle que ces milliers de fidèles à genoux et versant des larmes de joie d'avoir pu enfin offrir à leur Rédempteur une demeure moins indigne de lui!
Le R. P. EPHREM chanta la grand'messe et les Vêpres. Cette belle cérémonie fut relevée par le beau chant, dirigé par M. l'instituteur GISS. On chanta la Missa Regia à 5 voix; et mi chœur formé de 48 chantres, jeunes et vieux, remplissait les voûtes de la nouvelle église de leurs chants d'allégresse. Mgr. l'évêque, son grand vicaire et M. MEYER, curé de Colmar complimentèrent beaucoup M. GISS, l'intelligent directeur du chant. qui avait ému tous les assistants.
Nous sommes heureux de pouvoir relater ici ces éloges bien mérités, que nous tenons d'un témoin oculaire, éloges dont nous n'aurions pu arracher l'aveu à l'humilité de M. l'instituteur d'Erstein. »
Il y décrit également l'église Saint Martin dans ces termes:
" Il est difficile de rendre compte à mes lecteurs du style architectural de la nouvelle église d'Erstein :
le style roman domine mais il y a un mélange de plusieurs autres styles, ou plutôt c'est une construction à parts neuve et originale. Sans doute pour l'énorme somme de 375,000 Fr., qu'on a dépensés pour cette construction, on aurait pu bâtir une belle église en style roman ou gothique pur, mais enfin il y a lieu d'être satisfait. de cet édifice; l'intérieur a un aspect vraiment grandiose et. imposant et en .même temps quelque chose de recueilli qui. invite à la prière ".
(source : Abbé Bernhard)
Ses dimensions sont les suivantes :
Longueur :
intérieur de la tour 7,85m,
la nef 43,95m,
le chœur 15,15m
soit 66,95m
Largeur :
la nef 12,80m,
les bas-côtés 11,60m,
déport du transept 9,94m
soit 34,34m
Hauteur :
la nef 17,41m,
les bas-côtés 7,25m,
la tour jusqu'aux clochetons 23,90m
et jusqu'au sommet 53,00m
Environ 1 350 places assises sont disponibles dans l'église.
(source : Abbé FRIEDEL)
Nous ne partageons pas le jugement de la satire suivante, provenant d'un enfant d'Erstein (M. Martin RAPP ( né à Erstein le 10 nov 1803) vicaire à la paroisse de la Madeleine ä Strasbourg, curé à Vendenheim, Sçhwobsheim et Schaeffersheim, mort à Erstein le 4 sept. 1870.), satire trop exagérée.
Pro dolor! hoc templum cunctâ caret arte styloque;
Clero invito sic structa fuère sacra.
Informis lapidum mous stat testis in evum.
Inscitie procerum ast edilis inscior est.
Struxit fora recens jamjam vicina ruine;
Ne collabantur sunt reparanda cito.
Aediticare potes vix frumentaria tecta,
Andes templum tu struere arte carens.
Per tectum necnon per portas atque fenestras
Ventis et pluviis hùc via larga patet.
Hùc veniens oraturus portare memento
Praeter rosarium nunc pluviale tecum.
Difformis viro, par est Ecclesia, qui vult
Nature cultu tergere avaritiam.
(source : Abbé BERNHARD)
Pour un complément d'information, il faut savoir qu'en cours de construction, il y eut de nombreuses critiques sur la conduite des travaux. Des erreurs d'appréciation conduisirent à de fortes plus-values.
La charpente de bois et les tuiles étaient visibles de la nef ce qui déplut aux fidèles. Egalement les constructeurs ont omis, dans leurs travaux, l'édification des contreforts et la poussée de haut en bas de la voute menaçait de repousser les murs latéraux vers l'extérieurs ce qui rendait l'édifice, en lui-même, dangereux. On dut dans la hâte remédier à ce fâcheux contretemps.
(source : Abbé FRIEDEL)
M. le curé BERNHARD fit taire toute critique au sujet de la construction, en faisant orner l'intérieur de magnifiques peintures.
En 1867, le choeur fut orné de grandes peintures, retraçant la vie de de St. Martin, évêque de Tours et patron de l'église: c'est la main habile de Mlle SORG qui exécuta ces belles oeuvres. A la même époque on plaça au choeur les statues des quatre Evangélistes. statues sorties des ateliers de Munich et -qui sont de vrais chefs-d'oeuvre.
Les chemins de croix qui .ornent les bas-côtés de l'église sont de terre cuite. Le moule .de ces stations avait été employé une première fois pour des stations destinées à une église du midi de la France et que la reine Isabelle d'ESPAGNE voulait lui offrir.
Les nombreux tableaux ou peintures, qu'on admire dans la nef de l'église sont encore dû au pinceau pieux et correct et à la palette brillante de Mlle SORG. L'empereur NAPOLEON III et M. le baron ZORN de BULACH (son chambellan) firent présent à l'église d'Erstein de deux belles peintures; les autres sont des dons généreux de quelques habitants d'Erstein.
En 1875 le transept a été polychromisé par M. ESSER de Barr. En 1876, le conseil municipal vota 10 000 francs pour l'achat d'un maitre-autel et 12 000 francs pour deux autels latéraux. L'année suivante on fit venir de France deux belles statues représentant le sacré-coeur de Jésus et le coeur immaculé de Marie.
En 1878, M. ESSER restaura les deux anciens autels, se trouvant dans le transept, et M. KLEM de Colmar restaura la chaire. L'orgue RÖHRER actuelle provient de l'église de St. Léger à Guebwiller; les vitraux peints sortent des ateliers de M. MARSCHALL de Metz. »
(source : Abbé BERNHARD)
A noter également la fabrication d'armoires pour la sacristie et des bancs de l'église par le menuisier HERTRICH de Nordhouse pour 7 670 francs
(source : Abbé FRIEDEL)