Tous ces vêtements de fête ont une double signification. D'une part, ils rappellent que l'enterrement
est une grande fête où tout le village est associé et où le défunt est au centre des cérémonies.
D'autre part, ils doivent préfigurer les vêtements célestes que les élus porteront lors du grand
festin nuptial (cf. Evangile selon Matthieu, chapitre 22, versets 1 à 14). Dans certaines familles
on met aux morts leurs souliers afin qu'ils puissent effectuer, dans de bonnes conditions, le
voyage vers le nouveau monde. Dans le même but on met un bâton ou une canne dans le cercueil.
Dans d'autres familles, au contraire, on évite de chausser les morts. On craint que les défunts
puissent revenir de l'éternité et hanter la maison familiale. Seule la mère morte en couches aura
droit à des souliers afin qu'elle puisse revenir pendant six semaines et allaiter son bébé.
On enlève aussi tous les bijoux que le mort portait aux doigts. Il faut surtout veiller à ce que
l'alliance soit enlevée, sinon le mort entraînera avec lui, dans quelques semaines, le conjoint resté
vivant. Les mains sont jointes comme pour la prière. Dans les milieux catholiques, on les maintient ensemble à l'aide du chapelet. Quant à la mise en bière, elle n'a lieu que le matin de l'enterrement.
On veille le mort
Encore aujourd'hui, dans les milieux catholiques, il est d'usage de laisser brûler des cierges bénits autour du mort jusqu'au moment de la mise en bière. Ces bougies qui brûlent comme pour veiller le mort, ont une double signification. D'une part, elle annoncent que le trépassé repose dans la lumière pascale et, d'autre part, que les mauvais esprits n'ont pas d'emprise sur lui. Cette pratique n'est pas sans nous rappeler les cierges bénits qui brûlent dans la chambre de la parturiente et les lumières allumées dans la chambre du bébé pendant la période entre l'accouchement et le baptême.
Lors de la période entre le décès et l'enterrement, l'ancien usage veut qu'à aucun moment le
mort ne reste seul. Pendant la journée, quelques membres de la famille veillent et accueillent les villageois venus saluer une dernière fois un de leurs membres. Ceux-ci entrent dans la chambre
en prononçant souvent la phrase rituelle : «Gelobt sei Jesus-Christus ! » (Loué soit Jésus-Christ !).
En invoquant celui en qui le christianisme voit le vainqueur de la mort, les gens essaient, en
quelque sorte, d'exorciser le mal qui rôde dans la pièce mortuaire.
Chez les protestants, les visiteurs disent le Notre-Père, chez les catholiques plusieurs
Ave-Maria, plusieurs Notre-Père et un Credo. Dans les deux cas on veut invoquer Dieu pour
qu'il accorde à l'âme du défunt le repos éternel. Chez les catholiques, on asperge le corps d'eau
bénite. Ce rite doit purifier l'âme du trépassé et lui accorder la grâce divine. Là encore, sans
vouloir exagérer la comparaison, on ne peut s'empêcher de penser au baptême et à sa
signification.
Après s'être inclinés devant la dépouille mortelle, les visiteurs s'entretiennent à voix basse avec
la famille. On s'enquiert généralement de la manière dont la personne est morte.
« Het er noch lang gelite ? » (A-t-il encore longtemps souffert ?).
« War er bald bewusstlos ? » (Était-il vite dans le coma ?).
« Het er eich noch erkennt ? » (Vous a-t-il encore reconnus ?).
Ces paroles traduisent à la fois l'angoisse devant l'incompréhensible et une volonté de sympathiser avec la famille. Le soir venu, il n'y a plus que la famille et quelques proches amis pour veiller le mort durant toute la nuit.
De nos jours cependant, dans un certain nombre de villages, l'habitude s'est perdue de veiller toute la nuit. Dans ces cas, entre deux et trois heures du matin, tout le monde se retire de la chambre mortuaire. Lors de ces veillées, autrefois comme aujourd'hui, pour que les participants ne soient pas incommodés par l'odeur du cadavre, en hiver on posait sur le fourneau des branches de sapin, de thuya et de genévrier. L'odeur pénétrante de ces plantes devait masquer toute autre odeur.
Il y a cinquante ans, dans la vallée de la Bruche, les hommes se réunissaient dans la cuisine autour d'un grand feu, allumé sous la grande cheminée. Ils rappelaient dans leurs conversations certains traits de la vie du défunt, parlaient de son travail, de ses succès, tout en mêlant des détails personnels à ce genre de biographie. Les femmes restaient près du mort pour prier. À minuit, les hommes se rendaient dans la chambre mortuaire pour réciter le chapelet avec les femmes.
On servait ensuite aux hommes du schnaps et aux femmes du café.
L'eau-de-vie, consommée en assez grande quantité, produisait parfois ses effets. L'animation
gagnait les assistants et pour chasser la fatigue et le sommeil, on jouait à la savate. Tous
s'asseyaient par terre, en demi-cercle autour du mort, en tirant à eux leurs jambes. On faisait
alors circuler une vieille savate sous les jambes pliées. L'un d'eux, désigné par le sort, devait
chercher la savate. Le jeu recommençait chaque fois que la pantoufle avait été trouvée, et celui
chez qui elle avait été trouvée devait la chercher à son tour. Enfin, tous se réunissaient encore
une fois, à la pointe du jour, pour prier pour le repos de l'âme du défunt. Les hommes buvaient
une dernière rinçade et l'on se quittait pour prendre un peu de repos et pour aller ensuite au
travail.
Ces veillées se répétaient jusqu'au jour de l'enterrement. Dans les autres régions, ces veillées
de morts n'étaient pas aussi animées. Les deux principales caractéristiques de ces rencontres
étaient la prière et la prise en commun d'une collation.
Jusque vers les années 1930-1940, surtout dans les villages protestants, lorsqu'il s'agissait du
décès d'enfants ou de jeunes gens, on confectionnait lors de ces rencontres des couronnes
appelées «Totenkronen ». On suspendait souvent après ces couronnes des billets sur lesquels
étaient inscrites de petites poésies funèbres. Elles restaient posées sur le cercueil pendant le
cortège. Il ne faut pas les confondre avec les couronnes que nous connaissons aujourd'hui.
Comme les couronnes nuptiales, elles devaient symboliser la virginité et la pureté du coeur.
Après les cérémonies de l'enterrement, on avait l'habitude de les suspendre dans le choeur de
l'église. Là, elles devaient rappeler à l'ensemble de la communauté chrétienne que la mort peut
faucher l'homme même dans la fleur de l'âge. Ces couronnes devenant trop envahissantes sur
les murs des édifices cultuels, les autorités religieuses combattirent fortement cet usage.
Si, au début du XIXe siècle, ces couronnes étaient confectionnées surtout avec des branches
de sapin, aux siècles précédents on utilisait plutôt des branches de rue (ruta graveolens).
Parfois, on prenait aussi du romarin et du buis. Dans tous les cas, on est en présence de plantes
qui restent vertes en hiver. Par là on veut affirmer que la vie est plus forte que la mort. Mais on
ne peut s'empêcher de remarquer que la rue et le romarin sont des plantes aux propriétés
abortives et que le buis passe, dans la mentalité populaire alsacienne, pour une plante abortive.
Ainsi, ces plantes peuvent signifier à la fois la vie et la mort. Par cet usage on veut montrer que
la vie et la mort son étroitement liées.
On creuse la tombe
Il y a quelques décennies, dans de nombreux villages, on ne connaissait pas encore le fossoyeur (« Totengräber »). Il revenait à quatre voisins du défunt (Cleebourg) ou à quatre amis, ou encore à quatre membres de la famille, de creuser la tombe. À Offwiller, au début du XXe siècle, c'étaient même huit personnes qui assuraient ce service.
Généralement, on creusait le trou trois heures avant l'enterrement; la cloche de l'église annonçait à l'ensemble du village le commencement
de ce travail. En hiver, lorsque la terre était gelée, on effectuait cette tâche la veille de
l'enterrement. Encore aujourd'hui, on ne tient pas à ce qu'une tombe reste trop longtemps ouverte
avant les cérémonies d'enterrement. On craint que ce trou n'attire d'autres personnes dans la mort.
En quelque sorte, la terre ouvre ses bras pour recevoir ses enfants..
On enterre souvent plusieurs défunts (des membres d'une même famille) dans la même tombe.
Mais personne n'a le droit de parler des restes humains que l'on a découverts lors de l'ouverture
de la fosse. C'est de l'ordre du non-dit. En parler porterait malheur (Ban-de-la-Roche)..
Quand les cimetières étaient autour de l'église (d'où leur nom « Kirchhof», cour de l'église),
souvent la place manquait pour de nouvelles tombes. Il fallait alors en récupérer d'anciennes, et
parfois les fossoyeurs tombaient sur des squelettes entiers. Dans ces cas, par piété, on rassemblait
les os dans des ossuaires (« Beinhaus ») situés dans l'enceinte du cimetière (Bergheim,
Kaysersberg, Ribeauvillé, Schorbach, etc.). C'étaient des chapelles qui souvent étaient
consacrées à saint Michel, le patron des pauvres âmes.
C'est en voyant tous ces crânes et ces os qu'on prend conscience que la mort nivelle toutes les différences entre les hommes. Cette réalité se trouve aussi exprimée dans cette inscription
figurant sur l'ossuaire de Kaysersberg :
« So ist's recht, da liegt der Meister bei seinem Knecht. »
(Cela est juste, le maître est couché près de son serviteur).
À la maison
D'habitude, il a lieu trois jours après le décès. On pense en effet que ces trois journées d'attente sont nécessaires pour s'assurer que la personne est bien morte. On veut éviter une mort apparente, appelée en alsacien « Schindod ».
Tôt le matin, le menuisier du village livre le cercueil et la croix en bois qu'on placera sur la tombe. À ce propos, il est intéressant de noter que beaucoup de villages alsaciens ont des croix en bois typiques sur leurs cimetières, ces croix variant d'un village à l'autre, d'une région à l'autre.
Aujourd'hui, ce cercueil est en sapin ou en chêne. Parfois, pour des raisons d'économie et pour faire malgré tout riche, on colle sur le sapin de fines feuilles de chêne ou, avec de la peinture, on trace des rainures qui doivent faire penser au bois de chêne. Il y a quelques décennies, on avait aussi l'habitude, dans certains cas, de coller des feuilles dorées ou argentées sur le bois. On voulait
faire penser à un cercueil métallique. Toujours à cette époque, on peignait en bleu ou en blanc
les cercueils des enfants, des jeunes hommes célibataires et des jeunes filles. Aujourd'hui, il
semble que la couleur blanche soit uniquement réservée aux cercueils de bébés.
Le mort est déposé dans le cercueil sur un drap ou sur de la sciure de bois, la tête reposant
sur un coussin. Autrefois, dans certaines localités comme Ingwiller et Petersbach, le menuisier,
avant de fermer le cercueil, y mettait la lettre de baptême, « Goettelbrief ». C'était, en quelque
sorte, le passeport pour l'éternité.
Ensuite, ceux qui ont creusé la tombe du défunt sont chargés de sortir le cercueil de la maison
pour le mettre sur des tréteaux ou sur une petite charrette placée dans la cour. On veille, encore aujourd'hui, à ce que le cercueil sorte par la tête (là où repose la tête du mort) afin que l'âme
puisse s'envoler de la maison (Petersbach). Autrefois, dans les villages des vallées vosgiennes,
on passait le cercueil par la fenêtre, toujours dans le but de faciliter le départ de l'âme.
Entre temps, répondant à l'appel des cloches, la famille, les enfants des écoles, les amis, presque
tous les villageois se rendent dans la cour de la ferme où se trouve la dépouille mortelle. Il faut
avoir vécu de tels moments pour comprendre l'atmosphère grave et émouvante de ces instants.
Quand les cloches se sont mises à sonner, toutes les portes des habitations s'ouvrent et laissent sortir des gens aux visages graves, habillés de noir et tenant à la main un livre de cantiques ou un missel. Sans un mot, tout le monde s' achemine vers la maison du défunt.
Là, autour du cercueil, la foule ne cesse de grandir. Dans ces instants on sent bien que l'ensemble
du village vit au rythme de cette cérémonie funèbre. Une fois que tout le monde est là, le prêtre ou
le pasteur prend la parole. Aux invocations et aux prières de l'officiant répondent les chants de l'assemblée ou d'une chorale. Le prêtre asperge le défunt d'eau bénite et l'encense. En quelque
sorte, il veut le préparer à rencontrer Dieu.
Après cette cérémonie liturgique où l'officiant rappelle que l'homme n'a pas de demeure éternelle
ici-bas, l'ensemble de l'assemblée se rend à l'église. C'est au prêtre avec ses enfants de choeur
ou au pasteur qu'il appartient d'ouvrir la marche. Il est suivi des hommes qui portent sur leurs
épaules le cercueil ou qui tirent une charrette sur laquelle on l'a déposé.
À Altwiller, il y a encore une trentaine d'années, les porteurs avaient une branche de romarin dans
la bouche. Il ne faut pas voir dans ce rite uniquement un moyen de ne pas être incommodé par
l'odeur âcre du cadavre. Le romarin, que l'on remet aussi lors des mariages, symbolise la vie.
Par ce geste on veut donc affirmer que la vie est plus forte que la mort. Ailleurs, on utilisait aussi
des branches de laurier ou des brins de marjolaine.
Dans certains villages, la charrette est attelée à un cheval. Souvent, les couronnes sont portées
par les enfants et les adolescents. Viennent ensuite les hommes, placés suivant leur âge et suivant
leur degré de parenté avec le défunt ou la défunte. Le groupe des femmes ferme la marche.
Cette disposition du cortège n'est pas sans nous rappeler les cortèges de mariage.
À l'église
Les enfants précèdent ou suivent le cercueil jusque devant l'autel où ils déposent les bouquets et les couronnes. Le cercueil est posé sur des tréteaux, soit dans le sens de l'édifice cultuel, soit de travers, la tête du côté des hommes si le défunt est un homme ou du côté des femmes dans le cas d'une femme.
Dans les églises catholiques un ou plusieurs cierges sont allumés autour du cercueil. Leur signification est double. D'une part, ils rappellent que le mort repose maintenant dans la lumière pascale, d'autre part leur lumière doit chasser les mauvais esprits. Encore aujourd'hui les gens portent leur attention sur ces cierges. Si l'un d'eux s'éteint du côté des hommes cela annonce la mort prochaine d'un homme,
au contraire celle d'une femme si le cierge est placé de l'autre côté. Un double sens se trouve
aussi dans la pratique de l'encens lors des messes d'enterrement. D'une part, cet encens doit
honorer Dieu, d'autre part il doit apaiser les mânes du mort.
Dans les églises protestantes, le service funèbre est composé de prières, de chants, de lectures bibliques, d'une méditation et de la lecture d'un curriculum vitae qui a été composé à partir des indications de la famille. L'usage ancien voulait que ce curriculum vitae soit très long, très élogieux et qu'il ne passe sous silence aucun aspect de la vie du trépassé. Il se confondait souvent avec la méditation.
De nos jours, la tendance générale est de réduire au maximum la longueur du curriculum vitae et d'accentuer l'annonce de la Bonne Nouvelle..
Dans les églises catholiques, la messe d'enterrement est composée d'un service de la parole et d'une communion. La lecture d'un curriculum vitae est moins en usage.
Il y a deux collectes. L'une d'elles, avant la communion, doit rappeler les temps passés où les participants à la table du Seigneur amenaient leur propre pain que le prêtre bénissait et que ces personnes retiraient ensuite de l'autel en ayant eu soin d'y déposer une pièce de monnaie.
La participation à la table du Seigneur est comprise comme l'absorption d'une nourriture d'éternité servant à vaincre la mort.
À la fin du service liturgique, les représentants des sociétés locales dans lesquelles le défunt a
milité, prononcent leurs allocutions. Des expressions comme « souvenir inoubliable»,
« personne irremplaçable », « action impérissable » reviennent fréquemment. Après cela, le
cercueil est descendu au fond de la fosse. Le prêtre s'approche alors de la tombe, jette un
peu de terre sur le cercueil et dit à la place du défunt:
« Tu m'as formé de poussière et je retourne maintenant à la poussière: mon Rédempteur, aie pitié de moi et ressuscite-moi au dernier jour. »
Une fois le service funèbre terminé, la communauté se rend au cimetière, appelé en alsacien «Kirchhof» (cour de l'église), «Friedhof» (cour de paix), « Gottesacker » (champ de Dieu).
Généralement c'est à la sortie de l'office religieux que la communauté exprime ses condoléances à la famille
« Beileid üsspreche » : (Bon courage !), «Herzlich Beileid »
(Sincères condoléances),
« Wir denke viel an Eich »
(Nous pensons beaucoup à vous),
« Es schlimmschde esch herum, denke wie er het min liede, jetzt inch er erlest. »
(Le plus terrible est passé, pensez comme il a dû souffrir, maintenant il est délivré),
«And're geht es au e so ! » (Les autres subissent le même sort).
À la sortie de l'église, l'ensemble du cortège se dirige vers le cimetière. Plus il y a de personnes venues témoigner leur sympathie à la famille, mieux cela vaut pour le mort. On pense en effet que son âme, en voyant la foule nombreuse, se réjouit et, qu'apaisée, elle quitte ce monde. Il est intéressant de noter que les personnes placées au début des différentes files sont très sérieuses et qu'au fur et à mesure qu'on s'éloigne vers l'arrière on constate une animation croissante dans les rangs. Les propos échangés dans les derniers rangs n'ont souvent qu'un rapport très lointain avec le défunt.
On évite d'avoir un écart important entre le cortège des hommes et celui des femmes. On veut voir dans un grand écart l'annonce d'une mort prochaine. Les voitures qui croisent le cortège, doivent s'arrêter. On regarde comme une insulte au mort le non-respect de cet usage. On est aussi sensible aux signes météorologiques. La pluie est bon signe. Le ciel pleure le mort. Au contraire, un ciel radieux passe pour néfaste.
Dans les milieux catholiques, encore aujourd'hui, le cortège s'arrête devant le cimetière si celui-ci
est séparé de l'église. Le prêtre asperge alors le cercueil d'eau bénite comme pour accueillir le
corps du défunt. Arrivés devant la tombe, les participants se regroupent autour du cercueil et de l'ecclésiastique. Celui-ci récite des prières et l'assemblée reprend quelques chants. Dans les
milieux protestants on chante le cantique :
«Nim, Erde, was dir angehört!» (Terre, reprends ce qui t'appartient !).
Au cimetière
Arrivés devant la tombe, les participants se regroupent autour du cercueil et de l'ecclésiastique. Celui-ci récite des prières et l'assemblée reprend quelques chants. Dans les milieux protestants on chante le cantique : «Nim, Erde, was dir angehört!» (Terre, reprends ce qui t'appartient !).
À la fin du service liturgique, les représentants des sociétés locales dans lesquelles le défunt a milité, prononcent une dernière allocution. Des expressions comme « souvenir inoubliable», « personne irremplaçable », « action impérissable » reviennent fréquemment.
Après cela, le cercueil est descendu au fond de la fosse. Le prêtre s'approche alors de la tombe, jette un peu de terre sur le cercueil et dit à la place du défunt:
« Tu m'as formé de poussière et je retourne maintenant à la poussière: mon Rédempteur, aie pitié de moi et ressuscite-moi au dernier jour. »
Puis commence le long défilé devant la fosse, suivant l'ordre de parenté. Chez les catholiques, chacun jette quelques gouttes d'eau bénite. Les gens comprennent ce rite de deux manières. D'une part, il signifie que le défunt est accepté dans la grâce de Dieu, d'autre part cette aspersion sert à éloigner les mauvais esprits qui pourraient déranger le mort.
Chez les protestants, chaque participant vient jeter de la terre ou quelques fleurs sur le cercueil. Si celui-ci rend un son caverneux lorsqu'on le recouvre de terre, on veut y voir l'annonce d'une mort prochaine dans la même famille. Les fleurs expriment le souvenir et l'espérance que la vie vaincra définitivement la
mort. Pendant la dispersion de l'assemblée, les porteurs ferment la tombe, disposent les gerbes
sur le tertre et y plantent la croix en bois.
En revenant du cimetière, les participants font des remarques qui signifient que maintenant le
corps du défunt est retourné à l'élément naturel qu'est la terre :
« Er esst jetzt d'Rädi von unde. » (Il mange maintenant les radis par en bas).
« Er esst jetzt d'Pissenlit an de Wurzel. » (Il mange le pissenlit par la racine).
« Er sieht jetzt d'Kartoffle von unde wachse. »
(Il voit maintenant les pommes de terre pousser par le bas).
On prend aussi conscience que les éléments organiques qui ont formé le corps du défunt vont maintenant se déstructurer et servir à la constitution d'autres organismes vivants :
« Er isch schon lang Dod, er kummt bald als Maikäfer wieder. »
(Il est mort depuis longtemps, il reviendra bientôt comme hanneton).
Une vieille personne de Bischwiller qu'on questionnait sur son état de santé, répondit :
« Oh je vais bien ! Je mange mon père ! » À son interlocuteur médusé elle expliqua :
« Mon père a été enterré dans le cimetière de Bischwiller, près d'un grand sapin.
Celui-ci plonge ses racines dans le cercueil de mon père. Ensuite des abeilles viennent
butiner les branches de ce sapin. Enfin, moi je mange du miel de ces abeilles. »
Dans la mentalité populaire, on pense que ce n'est qu'après la fermeture de la tombe que l'âme peut enfin quitter définitivement ce monde. Au XIXe siècle, à Friesen, pour voir si l'âme apaisée avait définitivement quitté ce monde, on prenait la lampe à huile qui avait veillé le mort. On la mettait dans le fourneau et on regardait si la flamme s'éteignait lors des cérémonies. Une flamme restée allumée signifiait que l'âme n'avait pas trouvé le repos éternel, soit parce que les participants n'avaient pas respecté certaines règles lors de l'enterrement, soit parce que le défunt,
de son vivant, avait accompli des actions répréhensibles et non punies par la justice des hommes.
Le repas
À la sortie du cimetière, la famille, les proches amis, les voisins et les porteurs se dirigent vers un restaurant ou vers la maison du défunt pour y prendre le traditionnel repas funéraire, appelé en alsacien
« Leichenschmauss » , «Leichenimbiss », «Licht », « Lichtimbs », « Lichtims » , «Schlamp », etc.
Dans les familles pauvres ce repas se limitera à du vin blanc, du schnaps, du café et des gâteaux. Dans les familles plus aisées, il s'agit d'un véritable petit festin. On y trouve du bouillon de viande (mais sans quenelles à la moelle), de la viande de boeuf avec du raifort et quelques salades, un rôti de porc ou de veau avec des légumes, une crème avec des petits fours et, pour clôturer, du café-schnaps. Parfois aussi le rôti
est remplacé par une choucroute garnie. Certaines personnes racontent encore aujourd'hui que
pendant la deuxième guerre mondiale, période de restrictions alimentaires, elles n'avaient jamais
aussi bien mangé que lors d'un repas d'enterrement.
Dans beaucoup de villages de l'Alsace Bossue, on pense aussi aux enfants, aux pauvres et aux malades. Ainsi, certaines personnes de la famille font le tour du village pour distribuer du pain blanc et du gâteau aux enfants, de la soupe, de la viande et du vin aux pauvres et aux malades. Ce désir d'associer les enfants et les pauvres se retrouve aussi lors des mariages et des baptêmes.
On peut nettement distinguer deux grandes significations dans ce repas funéraire. À l'origine, il devait se faire en l'honneur du mort. Et même on devait croire que le mort pouvait participer, d'une manière invisible, à ce festin. Ainsi, au Hohwald, il y a quelques décennies, on réservait encore un couvert pour le défunt à la table familiale. Certaines personnes pensaient aussi qu'on pouvait donner à manger au défunt par l'intermédiaire d'un de ses représentants: un prêtre, un pasteur, un pauvre, un étranger de passage
dans le village. Ceci explique que souvent ces personnes étaient invitées à ce repas.
Cette offrande au mort lui-même s'est transformée en offrande au profit du mort. Ainsi, dans de nombreuses familles on effectuait et on effectue encore une collecte au profit d'une oeuvre de
l'Église. En effet, on croit que des repas et des collectes offerts au prêtre, au pasteur, aux pauvres
seront comptabilisées dans le ciel au profit du défunt. Il faut sûrement interpréter de la même
manière les dons en argent remis par la famille au pasteur après les cérémonies funéraires.
Cet usage est encore très pratiqué dans la campagne et les villes alsaciennes. Il donne parfois l'impression qu'on est obligé d'acheter la cérémonie d'enterrement.
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