Il y a les rebouteux qui utilisent plusieurs procédés pour soigner les maladies de la peau.
À La Petite Pierre , il y a quelques années, un homme nommé Freitag soignait les maladies de la
peau avec des couennes de lard et certaines formules magiques. Il exerçait ses talents médicaux uniquement le vendredi. À Phalsbourg, se trouvait un rebouteux qui soignait ces maladies avec des bouts de tuile et des formules magiques. Il frottait les bouts de tuile sur les parties atteintes du
corps, tout en récitant certaines formules :
« Er schaft mit Ziejelstein. » (Il travaille avec des pierres de tuile).
D'autres utilisent l'hypnose pour essayer de guérir leurs malades. Ainsi, il y avait dans la région de Haguenau un rebouteux qu'on nommait:
« De Schlofer » (celui qui dort ou celui qui endort).
À Dorlisheim, le «Schlofer» n'endormait pas les gens. Il examinait le malade, s'endormait quelques instants, puis formulait son diagnostic. Beaucoup de personnes ont conseillé à leurs amis malades d'aller à Dorlisheim pour se faire soigner : « Geh zum Schlofer in Dorrelse. » (Va à Dorlisheim chez le dormeur).
En 1818, la région connaissait un guérisseur-magnétiseur en la personne d'un enfant d'Ottrott,
Sébastien Willer, qui avait guéri par attouchement fortuit un camarade blessé par une faux. La renommée de cet enfant s'était répandue dans toute une partie de l'Alsace. L'effet de ses gestes s'appliquait plus particulièrement aux rhumatismes, aux articulations, à la surdité et à la vue faible.
Il semble qu'il cessa son activité après avoir subi un traitement anti-magnétique à Sélestat.
Enfin, il y a les personnes qui utilisent ou ajoutent aux procédés habituels des pratiques magiques
dont on ne comprend pas bien le sens. Ce domaine de la médecine populaire est généralement représenté par des femmes, souvent de vieilles femmes, qui affirment tenir «leur science » de
leurs grands-mères. Au cours de leurs «interventions médicales », ces femmes récitent des
formules magiques qui sont souvent des invocations au dieu trinitaire ou des versets bibliques.
« Sie sawe Sprichle. » (Elles disent des formules magiques).
Les maladies et les remèdes populaires
Les aphtes — Voici la recette médico-magique qu'on utilisait au siècle dernier contre cette affection buccale :
« Rends-toi pendant trois jours consécutifs à une source et prends chaque fois un torchon propre, trempe-le dans l'eau et nettoie la bouche avec, et chaque fois tu diras : Job passait dans les champs, il rencontra Elijahu le prophète. Elijahu, le prophète, dit à Job : « Pourquoi es-tu triste ? » Job répondit: «Pourquoi ne serais-je pas triste puisque la bouche et les dents de mon enfant pourrissent. » Elijahu, le prophète, dit à Job : « Va là-bas dans ce champ, nettoie et rince la bouche de ton enfant, il retrouvera la santé. Guérison complète. Ainsi soit-il ! » (Traduction)
La cataracte — Dans un livre de médecine populaire du XVIII' siècle trouvé à Weiterswiller, nous trouvons le remède suivant contre cette opacification du cristallin :
« Il faut brûler la tête d'un chat noir dans un récipient hermétiquement fermé et la réduire à
l'état de poudre. On souffle ensuite celle poudre dans les yeux de l'homme devenu aveugle
qui doit alors guérir, même s'il était aveugle depuis longtemps. »
Les cors aux pieds — Si quelqu'un avait des durillons aux pieds, on lui conseillait de prendre une racine de muguet et de la mettre dans sa poche. Une fois que la racine était séchée, le cor devait avoir disparu. Si on avait deux cors aux pieds, il fallait prendre deux racines et ainsi de suite (Attenschwiller).
Les échardes — Pour sortir une écharde de la main, il faut appliquer plusieurs fois de la graisse de lièvre. Aucune autre graisse ne semble efficace.
L'eczéma — À Altwiller, il y a quelques décennies, on croyait qu'en frottant les plaies avec une
pièce de monnaie et en récitant en même temps des versets bibliques, on serait bientôt débarrassé
de cette maladie.
La fièvre — À titre préventif, il faut manger chaque année du pain qui a été cuit dans un fourneau
neuf (Friesen). Certaines personnes suggéraient des cataplasmes à base de bouse de vache,
afin de faire suer le malade.
Les foulures —Voici une formule magique parfois récitée pour guérir d'une foulure:
«Un cerf passait dans la lande, il se rendit dans une verte prairie, il se heurta à une pierre.
Notre Seigneur Jésus-Christ lui pardonna, il enduisit son pied de saindoux et de graisse et
il put à nouveau marcher. »
Ce parallèle entre l'animal et l'homme dans le domaine de la maladie s'explique par cette
croyance populaire qui veut que ce qui est bon pour l'animal, l'est aussi pour l'homme, et réciproquement.
La goutte — À Hattstatt, pour soigner cette maladie, on recommandait aux personnes de manger des cassis cueillis sur un arbrisseau «consacré ».
Les inflammations —Encore aujourd'hui, dans la campagne alsacienne, on met du fromage blanc ou des feuilles de choux sur les parties du corps qui sont enflées. Ces deux produits ont une valeur antiphlogistique certaine.
L'inflammation des paupières — Une tranche d'oignon appliquée sur l'oeil passe pour guérir
une inflammation des paupières. Il est à supposer que la personne qui utilise un tel traitement, doit
avoir ensuite les paupières encore plus enflées. Cela paraît normal aux gens. En cela ils rejoignent
la médecine homéopathique qui affirme qu'avant de pouvoir guérir un mal, il faut l'accentuer
(« similia similibus »). D'autre part, il faut savoir que l'oignon contient une substance antiseptique.
L'ivresse — On mettait une personne ivre dans le fumier pour la dégriser. On était convaincu
que la chaleur dégagée par le fumier et l'odeur pénétrante permettaient au sujet de reprendre rapidement ses esprits. L'huile de table passait et passe encore pour empêcher l'ivresse.
Les maladies contagieuses —Pour éviter ces maladies, manger de l'ail passait et passe
encore pour un moyen prophylactique. Cela s'explique par le fait que cette plante contient des substances vaso-dilatatrices, hypotensives et antiseptiques. On connaissait déjà les vertus
médicinales de l'ail et de l'oignon lors des grandes épidémies de peste qui ont ravagé l'Europe.
Les maux de dents — À la fin du XIXe siècle, à Bischoffsheim,
si on avait des maux de dents, on recommandait de prendre un clou neuf et de piquer dans la chair du maxillaire jusqu'à ce que le clou soit imprégné de sang. Ensuite, on enfonçait le clou dans un endroit où ne parvenaient ni les rayons du soleil, ni les rayons de lune.
Le remède passait pour très efficace. Ce rite est à mettre en rapport avec des usages qui ont existé chez les Romains qui enfonçaient des coins en bois ou des clous en métal dans des pieux, des arbres, des murs ou des colonnes pour se débarrasser d'un mal (signalé par M. Burg). À Kaltenhouse, on prenait une ancienne dent, on y faisait un trou et on passait une ficelle par cet orifice. On mettait l'ensemble autour du cou dans le but d'atténuer les maux de dents. Ou bien, toujours pour arriver au même résultat, on perçait un trou dans un haricot, on y mettait un pou, on enveloppait le tout dans un peu de soie et on passait ce talisman autour du cou.
Les plaies ouvertes — Voici le procédé qu'on recommandait autrefois à Osthouse pour la
guérison des plaies occasionnées par un couteau. Il fallait immédiatement prendre une pierre
qui était à terre et l'appliquer sur la plaie. Ensuite, quand la pierre était bien imprégnée de sang,
il fallait la remettre exactement à l'endroit trouvé. Certaines gens mettaient aussi de la boue sur
les plaies ouvertes. Souvent, c'était sous forme de cataplasmes. Dans les trois procédés énumérés,
il y a l'idée sous-jacente que la terre est la force de vie qu'il faut pour guérir.
La tuberculose — À titre préventif, il faut manger un gâteau qui a été cuit dans un fourneau neuf (Obersoultzbach).
Les verrues — De tout temps, ces excroissances cutanées ont suscité un arsenal important de procédés destinés à les combattre. On peut être surpris de la disproportion qui existe entre la masse des procédés populaires et le caractère bénin du mal. Les limaces brunes ou rouges sont souvent utilisées contre ces excroissances. Au début du XXe siècle, on frottait une limace rouge contre la verrue. Ensuite, on mettait l'animal dans un tuyau qu'on fermait et qu'on enterrait à minuit sous le chéneau de la gouttière. Quand l'animal était mort, la verrue devait avoir disparu.
Les vers — Voici une formule magique que l'on récitait trois fois pour se débarrasser des vers (Kaltenhouse) :
«Ver, je te conjure au nom de la sainte journée; ver je te conjure au nom de la sainte nuit, ver, je te conjure au nom des trois clous du Christ,
ver je te conjure au nom de la force de Dieu, que tu sois vert, bleu, blanc, noir ou rouge,
il faut que tu reposes mort, sur le doigt. » (Traduction).
On croyait aussi que les vermifuges étaient les plus efficaces juste avant la nouvelle lune. Parfois, on recommandait le mardi et le vendredi pour absorber un vermifuge.
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Maladies et pèlerinages en Alsace
Au XIX' siècle, quand une personne était atteinte d'une maladie, elle allait souvent, soit chez le forgeron, soit chez le menuisier pour qu'un de ces artisans lui fabriquât un ex-voto. Généralement, cet ex-voto représentait le membre ou la partie du corps atteinte par la maladie. Une fois en possession de son ex-voto, la personne se rendait en pèlerinage dans une chapelle alsacienne, où elle offrait son ex-voto au saint ou à la sainte du lieu en priant longuement pour une guérison prochaine. Parfois ces ex-voto destinés à la guérison figuraient des balais. La signification de ces objets est évidente. On considère que la maladie a été causée par une sorcière et on veut détruire son maléfice en offrant au saint un symbole de la sorcellerie.
Les saints et les saintes s'étaient spécialisés dans les guérisons. Ainsi, sainte Odile, la patronne de l'Alsace, recevait surtout les prières et les supplications des personnes atteintes de maladies de l'oeil. Non loin de Reichshoffen, la chapelle dédiée à saint Joachim et à sainte Anne accueillait les pèlerins qui souffraient d'enflures et de tumeurs. Ceux-ci offraient des petits balais au saint et à la sainte du lieu. Le Kochersberg compte trois lieux de pèlerinages où on offrait des balais : Zeinheim, Gougenheim et Fessenheim-le-Bas. À Zeinheim, on pouvait être délivré des eczémas en intercédant auprès des deux martyrs: Côme et Damien. L'un était médecin, l'autre apothicaire. Après la prière, le pèlerin devait tourner en reculant autour de l'autel et balayer le sol avec un balai neuf. À Gougenheim se trouve une colline sur laquelle il y a une chapelle dédiée à saint Laurent. En rapport avec le martyre que ce saint a souffert (brûlé sur un gril), on pensait qu'il guérissait les eczémas, les maladies cutanées, les tumeurs et les brûlures des pèlerins. Près de Fessenheim-le-Bas se trouve une chapelle consacrée à sainte Marguerite dont la légende veut que ses plaies du visage guérissaient spontanément. Il était donc normal que les personnes atteintes de plaies faciales et de maladies de la peau s'adressent à cette sainte.
Dans le Haut-Rhin, à Eschentzwiller, on offrait, encore vers 1930, des balais au saint de la chapelle afin d'obtenir une guérison d'enflures ou de tumeurs. À Ruederbach (canton de Hirsingue), les mères pieuses offraient des ex-voto qui étaient des balais fabriqués à partir de branches de bouleau. Le saint du lieu, Sigismond, devait venir en aide aux enfants énurétiques.
Dans la mentalité populaire on pense que notre monde est, en quelque sorte, en harmonie avec l'au-delà et que cette harmonie produit des signes prémonitoires. Il suffit, pour comprendre ces signes, de les interpréter correctement. Cette interprétation peut, comme chez les Étrusques, les Romains et les Grecs donner naissance à une véritable science de l'avenir.
En Alsace, il y avait dans presque chaque village un ou plusieurs sages qui étaient capables d'interpréter les signes les plus compliqués. Les animaux et leurs comportements ont souvent été compris comme des messagers et des prophètes envoyés, soit par des forces démoniaques, soit par des forces de vie.
Les animaux
L'araignée — Elle a toujours suscité des réactions ambivalentes chez les hommes. Un sentiment de répulsion à cause de son aspect et de sa cruauté envers ses captives, un sentiment de fascination à cause de la beauté et de la complexité de ses toiles. Si le paysan alsacien n'aime pas voir des araignées dans ses locaux d'habitation, il se réjouit par contre de les voir dans l'étable et l'écurie où elles semblent attirer le bonheur sur les animaux. La rencontre avec une araignée a une signification différente suivant les moments de la journée : «Spinne am Morgen bringt Kummer und Sorgen, / Spinne am Abend erquickend und labend. » (L'araignée du matin apporte chagrins et soucis, l'araignée du soir est signe de fraîcheur et de réconfort). Certains prétendent même que l'importance des soucis dépend de la grosseur et de la grandeur de l'araignée aperçue à midi.
Le bouc — Déjà, au Moyen-Âge, on croyait que le prince des démons pouvait se déguiser en bouc et venir tourmenter les hommes. Cependant, au XIXe siècle, on avait l'habitude de mettre des boucs noirs dans les écuries où il y avait des chevaux. On était convaincu que l'animal éviterait ainsi aux chevaux toute maladie et toute épidémie. Ceci est à mettre en rapport avec la coutume juive du bouc émissaire, qui prend sur lui tous les péchés du peuple.
La caille — Au XIXe siècle, le paysan de Roppentzwiller pouvait connaître, d'après les cris de la caille, le prix du blé pour l'année suivante. Si elle poussait trois cris, les cinq « Sester » (100 litres) de blé valaient trois fois cinq francs, si elle criait quatre fois, la valeur était de quatre fois cinq francs, et ainsi de suite. À Ensisheim, on croyait que c'était le cri du coucou qui permettait de connaître le prix futur du blé.
Le chat — Cet animal domestique, surtout s'il est noir, passait et passe encore pour apporter le malheur. Autrefois, on croyait que les sorcières se déguisaient en chat noir pour aller nuire à leurs voisins Celui qui mangeait des aliments où il y avait par mégarde quelques poils de chat, risquait d'attraper la phtisie. En général, on interdisait la chambre d'un nouveau-né aux chats. Enfin, encore aujourd'hui, on pense que si le chat se lèche, il y aura de la visite.
La chauve-souris — Cet animal, même si sa morphologie peut faire peur, passe pour apporter le bonheur au jeu. Il suffit pour cela de nouer autour du bras droit un coeur de chauve-souris (Bantzenheim). Encore aujourd'hui, dans certains villages, on a l'habitude de clouer des chauve-souris sur les portes des granges et des étables pour éloigner les forces occultes (Val de Villé).
Le cheval — D'après les croyances populaires, le cheval a la possibilité de sentir la présence des esprits; des sorcières et du diable. Encore aujourd'hui, on est attentif au cheval qui s'arrête et qui ne peut pas continuer son chemin. On croit qu'il a senti la présence des forces occultes. Cela n'est pas sans nous rappeler l'épisode biblique de l'ânesse de Balaam.
Le chien — Cet animal symbolise la fidélité et le dévouement. Mais on se méfie beaucoup des chiens errants, on pense qu'ils apportent le malheur. Ceci est à mettre en rapport avec le fait que ces animaux sauvages peuvent véhiculer la rage. Si un chien hurle la nuit près de la chambre d'un malade, il semble que ce dernier mourra bientôt (Witternheim). À Fislis, on affirmait que si les chiens hurlaient pendant que les cloches annonçaient la consécration, il y aurait bientôt un mort dans le village. Enfin, si un chien passe entre deux amis, l'amitié risque d'être fortement ébranlée.
La chouette — Le cri de cet oiseau, le soir, signifie une mort prochaine dans le village (Lohr, Tagolsheim). Autrefois, on clouait des chouettes sur les portes des granges pour éloigner le malheur (région de Strasbourg). Parfois, on parle de la chouette comme de l'oiseau de mort (« Totenvogel »).
La cigogne — D'après les mythologies germaniques, la cigogne serait la messagère de la déesse Freja, et c'est à ce titre qu'elle apporterait les bébés aux familles. Au Moyen-Âge, en Alsace, elle passait surtout pour la messagère du printemps. Du temps de Hans Michel Moscherosch (XVIIe siècle) on suggérait à celui qui voyait le premier une cigogne au printemps de lui souhaiter la bienvenue. Lorsque les cigognes étaient encore abondantes en Alsace, il était considéré comme un heureux présage pour une maisonnée qu'un de ces oiseaux vînt faire son nid sur le toit.
La coccinelle — Elle passe pour une bête porte-bonheur, envoyée par Dieu (« Herrgottskaferle », bête à bon Dieu). On l'appelle également «Marienkäferle» (bête à Marie) ou «Johanniskäferle» (bête à Jean). En l'écrasant, on risque d'attirer le malheur. Si la coccinelle passe pour un porte-bonheur, elle le doit principalement à ses couleurs agréables.
Le coucou — On n'aime pas tellement le coucou car il pond ses oeufs dans les nids des autres oiseaux. Son nom est associé au mal, d'où l'expression méchante: « Geh zum Guguck!» (Va chez le coucou !). Le coucou passe aussi pour un animal intelligent, doué du don de prophétie. Ainsi, les jeunes filles lui demandent : « Gügück, Gügück, / Sag m'r, wenn i wurr e Briit ? » (Mulhouse) (Coucou, coucou ! Dis-moi quand je serai mariée ?). Le nombre de cris après la demande correspond au nombre d'années d'attente. On pense que si on a de l'argent en poche au moment où le coucou fait entendre son cri dans la forêt, on n'en manquera pas pendant toute l'année.
Le crapaud — De tout temps, cet animal mystérieux a été haï par les hommes Son aspect repoussant, sa peau visqueuse ont fait qu'il était chassé de partout. On croyait même qu'il pouvait, comme le serpent, inoculer du venin à sa victime.
Les grillons et les cigales — Ces insectes aiment bien faire leur nid, en hiver, près des fourneaux. Leur présence est considérée d'un bon oeil car ils semblent apporter la bénédiction sur l'ensemble de la maison.
Le hibou — Cet oiseau passe depuis très longtemps comme le messager de la mort. Si l'oiseau fait entendre ses cris près de la chambre d'un malade, il n'y a plus beaucoup d'espoir. Cette croyance s'explique par le fait que dans les chambres des mourants on laisse allumée la lumière pendant toute la nuit. Dans le Val de Villé, on parle du hibou comme de « l'oiseau du deuil » (« Trauervogel »).
L'hirondelle — Si cet oiseau fait son nid dans l'écurie ou dans l'étable, il apportera avec lui le bonheur sur tous les animaux de la ferme.
Le lièvre — D'après les anciennes croyances se rapportant à la magie, les sorcières auraient la faculté de se déguiser en lièvres pour venir tourmenter les vaches et pour boire de leur lait. Au XVIIe' siècle, les gens pensaient que si on rencontrait un lièvre, on serait victime d'un accident. Cet aspect négatif du lièvre est peut-être la conséquence d'une réaction du christianisme contre les anciennes mythologies païennes. En effet, chez les Germains, le lièvre était l'animal sacré de la déesse Ostara. L'aspect positif du lièvre se trouve dans la coutume du lièvre ou du lapin de Pâques.
Le mouton — Si on aperçoit un troupeau de moutons, on a de la chance dans la journée (Alsace Bossue).
Les papillons de nuit — Si on voit de ces insectes la nuit, dans la maison, on est assuré de recevoir le lendemain un courrier important (lettre tendre, feuille de salaire, etc.). (Petersbach).
La pie — Cet oiseau a la réputation de voler tout ce qui brille. Si la pie jacasse près d'un homme, cela signifie un jour néfaste pour ce dernier (Roppentzwiller, Tagolsheim).
Le porc — Si, parfois, le porc passe pour un symbole de la saleté, dans le milieu rural il passe aussi pour un porte-bonheur. Avoir des porcs bien gras est signe d'abondance et de richesse. Ceci explique que les confiseurs alsaciens aiment bien représenter des porcs en massepain. Déjà chez les Germains, le verrat accompagnait la déesse Hertha qui était la source de nombreuses bénédictions. Cet animal était le symbole de la fécondité. Cependant, on pense aussi qu'un troupeau de porcs aperçu le matin porte malheur. Certaines personnes retardent d'un jour un voyage, si elles ont vu un troupeau de ces animaux (Ottwiller). Enfin, d'après les croyances populaires du Moyen-Âge, il arriverait que les sorcières ou le diable lui-même chevauchent des porcs.
La poule — Si ce gallinacé crie en même temps que le coq, alors il y aura de la pluie pour la journée (Henflingen). Dans le passé, on sacrifiait volontiers des poules noires pour obtenir d'un saint qu'il exauce un voeu. La poule noire intervient aussi dans les contre-sortilèges.
La puce — Si on voyait des puces sur le cadavre d'une personne, on affirmait que bientôt il y aurait une nouvelle mort dans la famille. A. Lambs rapporte que les paysans croyaient qu'une personne qui ne s'était pas lavée et qui entrait dans l'étable, allait donner des puces aux animaux.
Le rouge-gorge — Si on tue un oiseau de cette espèce, les vaches donneront du lait rouge (Uttenheim).
Le rouge-queue ou rossignol des murailles - Dans les villages situés près de la Lorraine, on pense que si un rouge-queue entre dans la maison d'un malade, il n'y a plus d'espoir pour celui-ci. À Urbeis, les gens affirmaient que si on tuait un rouge-queue, le lait des vaches deviendrait rouge.
La souris — Si les souris se multipliaient anormalement dans toute une région, les gens pensaient que cela annonçait soit une invasion prochaine, soit la guerre. À Friesen (région d'Altkirch), on croyait que beaucoup de souris dans une maison annoncent la mort prochaine d'un membre de la famille. Si on jette une dent arrachée dans un trou de souris, une nouvelle dent repoussera (Uttenheim). À Bischoffsheim, on jetait la dent sous le lit en disant : « Mils, Mils, kumm herus, / Breng mer bald e' neue drus. » (Souris, souris, sors de là, apporte-moi une nouvelle dent). On raconte aux petits enfants que s'ils mettent une dent sous l'oreiller, la petite souris viendra pour apporter un petit cadeau.
Le ver du bois — Si on entend les vers (« Die Toteihrle ») creuser leurs trous dans les meubles ou dans le plancher, cela annonce une mort prochaine dans la famille. « Wenn mer de Wurm hert ticke, /isch's e schlechtes Zeiche. » (Si on entend le tic-tac du ver dans le bois, c'est un mauvais présage). Parfois on parle aussi du ver de bois comme de l'horloge de la mort (« Die Todesuhr »).
Le rêve : quelques interprétations
Le rêve, cette étrange manifestation de la vie psychique a, de tout temps, intéressé les hommes On a donc donné beaucoup d'explications, toujours avec des opinions tranchées et en refusant des vues modérées. Pour certains, le rêve mérite la plus haute estime, car ils le considèrent comme un message venant de Dieu, d'êtres surnaturels ou de parents morts, ou lui accordent une valeur prophétique. Pour d'autres, le rêve n'a aucune valeur; c'est pour ainsi dire une sécrétion du cerveau sans grande importance.
Dans l'Antiquité, l'importance accordée aux rêves s'est manifestée clairement dans la vie religieuse de divers peuples. Des prêtres égyptiens, assyriens, grecs et romains interprétaient les rêves des fidèles et indiquaient à des rois, à des citoyens et à des esclaves comment ils devaient tirer profit des visions. Quant au christianisme, il fera beaucoup moins de cas des rêves. Dans la mentalité populaire alsacienne des deux derniers siècles, les rêves passent pour annoncer parfois des événements heureux. Dans certains cas ils permettent aussi d'être en communication lointaine avec un mourant.
Voici quelques interprétations que l'on peut rencontrer à la campagne. Elles ne sont pas le fruit seulement de l'imagination individuelle, elles ont un caractère plus collectif.
Rêver d'une araignée annonce de graves soucis (Alsace Bossue).
Rêver d'excréments humains signifie rentrée d'argent (Lohr).
Rêver de sang rouge signifie soit un mariage, soit une rentrée d' argent (Alsace Bossue).
Rêver de poissons signifie une mort prochaine (Witternheim).
Rêver de cerises noires annonce la mort dans la famille (Husseren). La signification est la même quand la vision représente du sang noir (Petersbach).
Enfin, beaucoup de mères qui ont perdu leur fils lors de la dernière guerre mondiale nous ont affirmé qu'elles ont vu, en rêve, le lieu et la manière dont leur fils a perdu la vie. En plus, l'heure de la vision correspondait à l'heure de la mort.
D'autres signes
Certains signes sont des «prophéties météorologiques ». « Wenn es raejt vor em Pfarrer sin Spruch, /No raejt es noch di ganz Wuch. » (Schcenbourg) (S'il pleut avant la bénédiction du pasteur, il pleuvra toute la semaine). On dit encore aujourd'hui qu'il y aura du beau temps (« Jetzt git's guet Wetter ») quand la famille a vidé les plats au repas de midi ou du soir.
À Strasbourg et dans l'Alsace Bossue, on recommande aux enfants de remonter leurs bas, sinon il y aura de la pluie. Si la tartine qui tombe par terre touche le sol du côté beurré, on veut y voir l'annonce de la pluie.
Dans la région d'Ingwiller, on pense que les Juifs amènent la pluie à certaines périodes : « Wenn d' Jude in Zickes gehn, / git's Reje. » (Quand les Juifs célèbrent la fête des Tabernacles, il y a de la pluie). Ailleurs au contraire, on croit que cette fête apporte du beau temps : « Bim Jude Neijohr isch gewehnlich schen Wetter, / Es sin im Herrogtt sini Liezve. » (Strasbourg) (Quand les Juifs fêtent leur nouvelle année, il y a généralement du beau temps; ce sont les préférés de Dieu).
D'autres signes sont là pour savoir si quelqu'un est encore en vie. Ainsi, à Kaltenhouse, au XIX' siècle, si on était longtemps resté sans nouvelles d'un membre de la famille on prenait une branche d'echeveria setosa (« Fetthenne » ou « Wundkraut ») qu'on plantait à un endroit protégé par le toit de la maison. Si des nouvelles feuilles apparaissaient, la personne en question était encore en vie. Au contraire, si la plante fanait, il n'y avait pas beaucoup d'espoir pour la personne.
Enfin, beaucoup de signes annoncent la mort. Si on déménageait le même jour qu'on enterrait quelqu'un de la famille, on était assuré d'avoir bientôt un nouveau mort dans la famille (Friesen). En d'autres termes, on pensait que c'était une vengeance du mort à qui on n' avait pas rendu tous les honneurs lors de l'enterrement. Si le dimanche matin, l'horloge sonnait l'heure en même temps que les cloches appelaient les fidèles à l'office religieux, cela annonçait une mort prochaine dans le village (Olwisheim). Même interprétation si l'horloge sonnait pendant le « Notre-Père » ou pendant la consécration (Sundgau). À celui qui perd une habitude, on prophétise une mort prochaine: «Jets, labsch nime lang. » (Sundgau). Enfin, on fait la même prédiction à celui qui entend des cloches alors qu'il n'y a pas de sonnerie. Il semble que l'intéressé entende les cloches qui sonneront à son enterrement.
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