Dans les champs et les prairies
On racontait que les champs étaient peuplés de démons : les « Korndämon » (démons du grain).
Ces monstres étaient mi-homme, mi-animal Parfois, ils ressemblaient aussi à des loups, à des
chiens et à des lièvres, D'où les expressions suivantes pour parler du vent qui agite les champs
de blé :
« De Wolf ziejt durch's Korn », « D'Hase lafe im Korn », « D'Hunde jawe im Korn ».
(Le loup passe dans le champ de blé, les lièvres courent dans le champ de blé, les chiens chassent dans le champ de blé).
Ces histoires de démons étaient la survivance d'anciennes croyances pré-chrétiennes qui
affirmaient que les champs étaient habités par des esprits de fécondité. Elles servaient
également à empêcher les enfants d'entrer dans les champs et d'y faire des dégâts.
Il y a quelques décennies, ces croyances devenaient évidentes lors de la récolte. On pensait que ces démons se réfugiaient dans les profondeurs des champs lorsque les faucheurs étaient à l'oeuvre. Il arrivait un moment où il n'y avait plus qu'une gerbe dans le champ. Un démon s'y était réfugié. Les faucheurs, avant de la couper, se mettaient à genoux et récitaient cinq «Notre-Père» et cinq «Ave-Maria». Ensuite, une jeune fille s'avançait et coupait le blé en invoquant la Trinité. La gerbe était liée et on la fixait ensuite derrière le crucifix de la maison. On l'appelait :
« Es Glickshämpfele » (la gerbe du bonheur).
Lors des prochaines semailles, on mêlait les grains de cette gerbe aux autres grains. On voulait par là que l'esprit de fécondité fût à l'oeuvre dans la nouvelle plantation.
Dans un tout autre ordre d'idées, on était persuadé que celui qui avait déplacé, de son vivant, les bornes délimitant son champ dans le but d'accroître son domaine, serait obligé, une fois mort, de revenir chaque nuit et de transporter les bornes en question. Ce supplice
« post mortem » ne prendrait fin qu'au moment du jugement dernier (Alsace Bossue). À Breitenbach,
si un paysan avait constaté que les bordures de son champ avaient été déplacées, il pouvait utiliser
un sortilège pour connaître le coupable. Il lui fallait, quatre jours après la pleine lune, à minuit, se
rendre dans le champ en question. Il devait prendre un miroir et prononcer une formule du septième
livre de Moïse. Si le sortilège avait bien fonctionné, l'image du coupable devait apparaître dans le
miroir.
Toutes ces croyances concernant les bornes s'expliquent par le fait que, chez les peuples anciens,
les bornes délimitant des champs, des villes, des régions, des pays, avaient un caractère sacré. Souvent, leur installation donnait lieu à des cérémonies religieuses.
Dans les forêts et les rivières
Ces endroits de la nature étaient aussi peuplés d'êtres plus ou moins bien intentionnés à l'égard de l'homme Souvent, comme à Waldhambach, on pensait que la forêt était habitée par un chasseur sauvage (« De wilde Jäger ») qui poursuivait ceux qui s'aventuraient trop profondément à l'intérieur des régions boisées. Parfois, la nuit, on pouvait entendre ce chasseur sauvage qui se promenait avec toute sa meute de chiens dans les prairies.
À Wimmenau, petit village entouré de forêts, on recommandait aux petits enfants de ne pas rester trop longtemps dans la forêt quand ils allaient cueillir des myrtilles. Ils risquaient d'être attaqués par le « Blojmännel » (l'homme bleu). S'ils revenaient avec des seaux pleins de myrtilles, ils devaient déposer une myrtille sur une branche d'arbre pour apaiser la colère du « Blojmännel ».
Voici la comptine que ces enfants chantaient quand ils revenaient de la forêt :
«Me kumme von de Beere, /S'Blojmännel isch zü uns kumme, /Het uns alli Beere
genumme, /Bis uf eins, awer e kleins. /Himmele voll, / Dellerle lär, / Wenn ich numme
im Himmele wär / Himmele het ken Balke / Kan mi drin erhalte. / Juhe ! Juhe !
D'Katz streckt / De Wadel in d'Heh ! »
(Nous venons de la cueillette des myrtilles, nous avons rencontré l'homme bleu; il nous a
pris toutes les myrtilles, sauf une, mais une petite. Le ciel plein, les assiettés vides ; si
seulement j'étais au ciel ! Le ciel n'a pas de poutres, on peut s'y tenir. Juhe ! Juhe ! Le chat
dresse sa queue en l'air !).
Penser que certains jours et que certaines périodes de l'année sont propices ou néfastes aux hommes, n'est pas particulier à l'Alsace. De tout temps, les hommes ont observé les astres et les cycles naturels. De cette observation, ils ont tiré des croyances et des règles qui ont contribué à la distinction des jours fastes et néfastes.
Les anciennes fêtes religieuses païennes étaient liées à cette distinction. Il s'agissait de se concilier, par des rites et des sacrifices, les forces de vie, et d'éloigner les puissances de mort. Quand le christianisme s'implanta sur la terre alsacienne, il y eut une interpénétration entre les cérémonies chrétiennes et les anciens rites païens. Ce mélange a été favorisé par le fait que les principales fêtes chrétiennes coïncidaient approximativement avec les saisons qui ordonnaient le déroulement de l'année dans la société
primitive. À l'heure actuelle, il est donc difficile de distinguer et de séparer dans les croyances
populaires les différents apports. Mais si cette étude commence par le mois de janvier pour être
fidèle au calendrier actuel, nous sommes conscients que par le passé l'année nouvelle commençait
en Alsace vers Noël.
Janvier ou « Eismonat » (mois de glace)
Les coutumes qui entouraient la fête du Nouvel-An étaient et sont encore surtout à caractère profane. Ce jour-là, dans le vieux Strasbourg, on accrochait le «Neujahrskranz» (couronne du Nouvel-An), coutume dont la lointaine origine remonte aux fêtes en l'honneur du dieu Janus, les « Calendae januariae » de l'ancienne Rome. À cette occasion, on garnissait de feuilles de laurier et autres branches toujours vertes les maisons et les appartements, usage qui fut propagé par les légionnaires jusqu'aux rives du Rhin. Ces branches étaient faites de buis ou de pervenche, ces deux plantes passant pour éloigner les forces maléfiques.
Le premier janvier semble surtout destiné aux jeunes filles qui voulaient se marier. La première
rencontre qu'une jeune fille fait ce jour est significative pour son avenir conjugal. Ainsi, la
rencontre de deux hommes signifie un amant dans l'année, la rencontre d'un homme • un mari
dans l'année. Par contre, la rencontre d'une femme annonce soit une belle-mère acariâtre, soit
la continuation du célibat.
Au XIX' siècle, à Ohnenheim (région de Sélestat), on pensait qu'il ne fallait pas cuire de pain juste
avant le Nouvel-An. Le pain cuit avant ce jour passait pour ne pas se conserver très longtemps.
À ce propos il est intéressant de noter que dans toute l'Alsace il était coutume de tracer avec
un couteau une croix sur la pâte du pain qu'on allait cuire ou sur le pain cuit. On voulait par là
éviter que de mauvais esprits s'infiltrent dans le pain et puissent nuire ultérieurement aux consommateurs. Les personnes qui pratiquent, encore aujourd'hui, ce rite le justifient en
affirmant qu'il est un remerciement à Dieu, auteur de tous les bienfaits.
Le 6 janvier, fête de l'Epiphanie. Cette fête doit rappeler les premières manifestations de la divinité du Christ (l'oiseau descendant du ciel et la voix qui se fait entendre lors du baptême du Christ, l'eau changée en vin lors des noces de Cana). Dans les régions germaniques on fêta surtout les trois rois mages qui s'étaient rendus à Bethléem pour présenter leurs hommages au roi qui venait de naître. La tradition leur donna le nom de Caspar, Melchior et Balthazar. Certaines personnes, pour se protéger des incendies et des inondations, traçaient les initiales de ces noms (C + M + B) sur les portes de leurs maisons. Encore aujourd'hui, surtout dans le Sundgau, certains commerçants et artisans tracent avec de la craie, dans l'arrière-boutique, un petit coeur avec les lettres C.M.B. Ils veulent ainsi mettre leur travail sous la protection des trois rois mages.
Avec cette fête prend fin le cycle de Noël. C'est après ce jour que dans les familles alsaciennes on enlève le sapin et la crèche. La coutume de la galette des rois, aujourd'hui largement répandue, n'a fait son apparition en Alsace que depuis trois siècles.
Février ou « Hornung »
2 février, jour de la Purification de la Vierge Marie (« Mariä Lichtmess »). Dans les milieux catholiques, les cierges que les prêtres bénissaient ce jour sont allumés lors d'une maladie grave ou lors d'un orage. Leur lumière passe pour éloigner les mauvais esprits. En rapport avec la notion de purification, on coupe ce jour les géraniums et on commence les travaux de la vigne.
«An Mariä Lichtmess es Spinne vergess, es Rädel hinter, d'Dier, es Rebmesser herfür. »
(Au jour de la Purification de la Vierge Marie on cesse de filer, on range le rouet derrière la porte,
on sort le couteau à vendanger).
3 février, jour de la Saint-Blaise.
Ce saint était un évêque qui a souffert le martyre et qui est mort vers 316. Il passe pour le protecteur
des animaux domestiques. Dans les milieux catholiques, on bénit du sel et du vin. Ce sel passe pour
un médicament. On le met dans le fourrage des animaux pour les guérir d'une maladie contagieuse
ou pour les préserver de toute sorcellerie humaine ou encore pour éviter une catastrophe.
5 février, jour de la Sainte-Agathe.
Cette femme était originaire de la Sicile. Le Consul Quintien la fit torturer et lui fit couper les seins. D'après la légende, ses blessures se cicatrisaient miraculeusement chaque nuit. Elle est morte vers 251. Dans les milieux catholiques, cette sainte passe pour conserver le lait des vaches contre les attaques des sorcières. On donne aussi du sel béni, ce jour, aux animaux domestiques pour les protéger contre toutes les maladies contagieuses. Les restes du pain consacré sont conservés, car ils préservent la maison du feu et de la foudre.
Au XIXe siècle, on clouait à la porte de l'étable ou de la grange une lettre consacrée à sainte Agathe (« Agathazettel »). Ces billets protecteurs présentent, en haut et au milieu, la figure de la sainte avec, de part et d'autre, des coeurs ornés de bouquets de fleurs. Dans les coeurs se trouvent des inscriptions qui sont des invocations à la sainte afin qu'elle prépare les hommes à une bonne mort.
À Nordhouse, au siècle dernier, on pensait qu'une branche de prunellier (« Schwartzdornhecke »), coupée à midi, avait la vertu de guérir les plaies et les verrues. Ceci est à mettre en rapport avec la légende qui veut que les blessures infligées à la sainte par ses tortionnaires guérissaient spontanément en prison.
Après la mi-février commence le cycle de Pâques, avec la fête du Carnaval.
On peut entrevoir deux significations dans ces festivités. D'une part, les hommes veulent encourager le soleil à continuer sa marche ascensionnelle et chasser l'hiver. D'autre part, ils veulent s'adonner à la joie de vivre avant les restrictions du temps du carême.
Mars ou « Lenzmonat » (mois du printemps)
Le 3 mars était considéré autrefois comme un jour très néfaste. Il faut s'abstenir de tout voyage.
Le 10 mars, souvenir des quarante martyrs,
on doit cracher sur chaque arbre fruitier pour qu'il porte beaucoup de fruits (Fislis).
Le 15 mars est le jour de la Saint-Christophe.
Si on contemple une image du saint, on évite tout accident pendant cette journée. Au XIXe siècle, les chercheurs de trésors, pour obtenir satisfaction, récitaient la prière de saint Christophe. On pensait que ce saint avait une emprise non seulement sur les trésors enfouis sous l'eau, mais encore sur les âmes des défunts qu'il pouvait obliger à lui indiquer les endroits où ces richesses étaient cachées.
Les nuits du 20 au 24 mars, appelées «nuits noires», sont néfastes, particulièrement pour les naissances. On pense que les esprits des ténèbres que l'hiver a apportés avec lui, sentant l'approche du printemps, livrent un dernier combat avant de devoir partir.
Avril ou « April »
Le 1er avril, jour présumé de la naissance du traître Judas, tout traitement médical doit être proscrit, en particulier les saignées. Celui qui entend le coucou ce jour et qui a de l'argent en poche, a la chance de ne jamais manquer d'espèces sonnantes et trébuchantes pour l'année à venir.
Le vieux folklore alsacien ne connaît presque pas le «poisson d'avril». L'usage des farces est surtout une importation d'origine française.
Dimanche des Rameaux (« Palmsonntag »),
dans les milieux catholiques, les prêtres bénissent des rameaux qui doivent rappeler l'entrée de
Jésus à Jérusalem. Ces rameaux sont conservés dans les pièces d'habitation et dans les étables
dans le but d'éloigner les maladies et les puissances démoniaques. On met aussi quelques
branches dans le coin consacré de la maison, le coin de Dieu (« Herrgottseck ») ou encore
au-dessus du linteau des portes.
Au XIXe siècle, à Kiffis et à Soultzbach, on plantait une branche de rue ou de sabine (« Sevebaum ») dans le jardin. On croit que si la branche prend racine, cela signifie le malheur dans la famille, alors que le dépérissement de la branche annonce du bonheur dans la maison. Certains allaient même jusqu'à penser que si la branche poussait, cela signifiait une mort prochaine dans le cercle familial. Ceci est à mettre en rapport avec les propriétés chimiques de la rue (ruta graveolens) qui est une plante abortive très efficace. Toujours au XIX' siècle, dans certains villages, les enfants vendaient des rameaux au sortir des offices religieux. Ces rameaux étaient fabriqués avec des branches de houx, de sapin, et des baguettes de coudrier assemblées avec de la ficelle. L'ensemble était fixé à un bâton de coudrier de deux mètres au moins. Parfois, on plantait cet assemblage dans le verger ou le potager pour attirer les forces de vie' sur les plantes.
À Soufflenheim et à Sainte-Croix, les gens apportaient du petit
bois qu'on brûlait devant l'église. Après la cérémonie religieuse, on éteignait le feu et chacun emportait chez lui un morceau de bois partiellement consumé. On le mettait sous le toit où il devait éviter que la foudre ne tombe sur l'habitation.
Le Jeudi-Saint ou « Gründonnerstag » (jeudi vert)
commencent les cérémonies rappelant la Passion du Christ.
Le nom allemand est à mettre en rapport avec le repas de midi, qui consistait autrefois en un plat d'épinards. À Haguenau et dans les environs, on pensait que les épinards évitaient des maux d'estomac pour l'année à venir. Dans un passé assez proche, on consommait un plat fait à partir de sept herbes (« Siewenerlei Kritle ») (Alsace Bossue) ou de neuf herbes (« Nyngrittelgemies »). Les femmes utilisaient généralement des épinards, des orties, du persil, de la ciboulette, du cerfeuil, des bettes, des pousses, du pissenlit, du choux frisé, de l'oseille, de l'achillée et du poireau. On prêtait des vertus médicinales très actives à ce plat. En quelque sorte, on voulait, comme dans le ménage, nettoyer l'organisme des impuretés accumulées au cours de l'hiver.
Jusqu'à la fin du XIX' siècle, on conseillait aux femmes de Guebwiller de ne pas quitter la maison sans tablier pendant la Semaine Sainte. En effet, le diable aurait conclu avec l'abbé de Murbach un pacte aux termes
duquel il posséderait chaque fagot (« Welle ») qui n'était pas lié pendant la Semaine Sainte.
Le Vendredi-Saint (« Karfreitag ») est pour le christianisme, le jour le plus sombre puisqu'il rappelle la mort du Christ. Mais il a été différemment compris dans les deux confessions dominantes en Alsace.
Chez les catholiques, ce n'est pas un jour de fête puisque, pour des raisons liturgiques, un jour de carême ne peut être un jour de fête. C'est même
le jour par excellence du carême, puisque le jeûne
y est très rigoureux. Par le passé, les enfants devaient aussi jeûner lors de cette journée et certains agriculteurs allaient jusqu'à diminuer les rations des animaux de la ferme.
Par contre, chez beaucoup de protestants, cette journée passe pour la plus importante de toutes
(« Hegscht Fiertag »). Même ceux qui ne sont pas pratiquants se font un devoir d'être bien habillés, de ne pas aller à l'auberge, de ne pas travailler et d'aller à l'église pour participer à la Sainte-Cène. Cette accentuation du Vendredi-Saint par rapport
au Dimanche de Pâques est perceptible dans l'affluence record que les églises protestantes connaissent lors de la commémoration de
la mort du Christ. Même au niveau du langage, cela est perceptible puisqu'on parle de
« Karfreitagsgemeinde » et « Karfreitagschristen » (communauté du Vendredi-Saint et
chrétiens du Vendredi-Saint).
À Husseren, au siècle dernier, on conseillait à celui qui avait beaucoup de mauvaises herbes
dans son champ de le labourer ce jour. Il était assuré d'avoir un champ propre pour l'année à
venir. À Niedersept, on secouait les tonneaux de vin et de vinaigre pour éviter que le contenu
des premiers ne se transforme en eau et que le contenu des seconds ne devienne impropre à
la consommation. Ces pratiques sont à mettre en rapport avec les récits évangéliques de la
crucifixion du Christ. À Illzach, on pensait que le vinaigre purifié ce jour se conserverait bien
pendant toute l'année. Toujours dans ce village, on semait à midi des petits pois. Dans toute
l'Alsace, le Vendredi-Saint est entouré de croyances qui veulent que les plantations et les
semailles réussissent bien ce jour.
Encore aujourd'hui, dans certains villages catholiques, on « brûle Judas» (« Verbrennen des Judas ») le samedi de Pâques
(« Karsamstag »). La jeunesse du village rassemble dans la nuit du vendredi au samedi des bûches et des branches provenant de toutes les fermes ou les croix vermoulues du cimetière. Le curé lui remet les vieilleries de l'église. Sur une des places du village on monte, avec toutes ces choses, un bûcher qui sera allumé à l'aube. Il semble que ce rite remonte à une époque pré-chrétienne où il avait une valeur purificatrice et servait à consacrer le feu. Dans le Kochersberg, il y a quelques décennies, en récompense de ce travail, la jeunesse avait le droit, le lundi de Pâques, de passer de maison en maison pour collecter des oeufs et du lard qu'elle consommait ensuite sous forme d'une immense omelette. Toujours dans les villages catholiques, on affirme que les cloches vont à Rome pendant deux jours. Encore aujourd'hui, dans certaines régions, la jeunesse passe alors trois fois par jour dans le village, en faisant du bruit, pour annoncer l'heure.
Le dimanche de Pâques ou «Ostersonntag ».
Les croyances qui apparaissent ce jour se rattachent étroitement au thème de la renaissance à la
vie et de la victoire de la vie sur la mort. Les coutumes pré-chrétiennes se mêlent intimement aux coutumes chrétiennes. Ainsi, le lièvre de Pâques (symbole de fécondité) doit sûrement remonter
à la déesse germanique Ostara dont le lièvre était l'animal fétiche.
À Hirtzfelden, on pense que consommer à jeun un oeuf pondu deux jours avant permet d'éviter
toute fièvre dans l'année à venir. L'eau qu'un prêtre bénit ce jour passe pour guérir les maladies
(région de Mulhouse). Au XIX' siècle, les oeufs de Pâques n'étaient pas seulement destinés aux
petits enfants.
Quand on s'interroge sur la signification profonde des fêtes appartenant au cycle de Pâques, on
constate qu'elles comprennent deux grands moments.
Le premier moment est placé sous le signe de la purification. On veut éliminer toutes les impuretés accumulées au cours de l'année écoulée, et surtout au cours de l'hiver. On fait le ménage dans la maison (« Osterputz »), on nettoie le cimetière et l'église (« Verbrennen des Judas »), on purifie le sang détérioré en mangeant un plat d'herbes vertes
(« Nyngrittelgemies »), on se débarrasse de ses péchés en communiant à la Table du Seigneur (cf. la formule liturgique prononcée par le pasteur : «Le sang de notre Seigneur
Jésus-Christ qui a été versé pour la rémission de nos péchés »). Ainsi le village, la maison, le corps et l'âme sont purifiés pendant la période de Pâques.
Le deuxième moment est placé sous le signe du retour de la vie. Le lundi de Pâques, on fête le
retour du printemps en allant se promener dans la nature et en examinant les plantes qui
redeviennent vertes. Cette promenade était appelée « promenade d'Emmaüs ».
On fête aussi le retour du soleil. Ainsi, encore aujourd'hui, on conseille aux gens d'aller à l'aube
du dimanche de Pâques sur les hauteurs pour voir les trois sauts de joie du soleil. Enfin, on
célèbre la victoire du Dieu de la Vie, Jésus-Christ, sur le prince des ténèbres qui règne sur le
Royaume des Morts.
Mai, mois des arbres de vie
Dans la nuit du 30 avril au premier mai
(« Walpurgisnacht »),
les sorcières se rassemblent avec le diable sur différentes montagnes (Bastberg, Bollenberg, Glöckelsberg) pour préparer d'odieux maléfices contre les hommes et les bêtes. Ceci explique le temps tourmenté qu'il y a souvent cette nuit.
À Nelligen, au XIX' siècle, pour se garantir contre ces forces maléfiques, le soir avant « Walpurgistag », on aspergeait d'eau bénite toutes les maisons du village.
À Niedermorschwihr, on sonnait les cloches au milieu de la nuit. Cela devait permettre à la Vierge Marie d'intervenir afin que le gel n'attaque pas les vignes. En rapport avec cette nuit, certaines personnes pensent que les trois premiers jours de mai sont défavorables
aux naissances. Les enfants nés dans cette période passent pour des « Pechveiel » (oiseaux
de malheur).
Dès l'aube du premier mai,
les jeunes gens coupaient dans la forêt des «Maien », c'est à dire de jeunes sapins et de jeunes bouleaux, qu'ils plantaient devant la fenêtre de leur belle pour lui témoigner leur amour. Parfois, on plante aussi des « Tannenmaie » devant la demeure du maire nouvellement élu ou du curé récemment installé, pour leur souhaiter bonheur et succès dans leurs nouvelles fonctions.
9 mai, autrefois jour de Saint-Nicaise.
Au siècle dernier, certaines personnes, avant le lever du soleil, inscrivaient au-dessus des différentes portes de leur maison cette formule: « Heut ist Nicasius Tag, der Mäuss und Ratten vertreiben mag. » (Aujourd'hui, c'est la Saint-Nicaise : il doit chasser les souris et les rats).
Ascension ou « Himmelfahrt ». Il est vivement déconseillé de travailler ce jour. Celui qui transgresse cet interdit risque, si un orage survient, d'être tué par la foudre.